le Nouveau Testament les Evangiles

Différents enseignements chrétiens
Règles du forum
Le christianisme est une religion monothéiste et abrahamique, issue d'apôtres célébrant la vie et les enseignements de Jésus. Les chrétiens croient que Jésus de Nazareth est le Messie que prophétisait l'Ancien Testament, et, hormis quelques minorités, Fils de Dieu, ou Dieu incarner, néanmoins Prophete.
Répondre
pravoslavac

Christianisme [Orthodoxe]
Christianisme [Orthodoxe]
Messages : 165
Enregistré le : 14 févr.06, 02:42
Réponses : 0

le Nouveau Testament les Evangiles

Ecrit le 28 mai07, 06:45

Message par pravoslavac »

L'évangile selon Matthieu est l'un des quatre évangiles du Nouveau Testament. Les évangiles sont traditionnellement imprimés dans l'ordre suivant : Matthieu, suivi par Marc, puis Luc et enfin Jean.

Ce livre est traditionnellement attribué à Matthieu, un collecteur d'impôts devenu l'apôtre de Jésus-Christ. Cependant, certains érudits modernes le considèrent comme anonyme.

Il a été longtemps considéré comme étant le plus ancien des évangiles. Les hypothèses modernes, en particulier la théorie des deux sources a remis en cause cette antériorité. D'après cette théorie et ses dérivées, l'évangile de Marc lui serait antérieur et aurait été l'une de ses sources, en compagnie de l'hypothétique source Q.

Comme les auteurs des autres évangiles, l'auteur écrit ce livre selon ses plans et objectifs, à la fois de son propre point de vue et en empruntant à d'autres sources. Selon l'hypothèse des deux sources, qui est la solution la plus acceptée au problème synoptique, Matthieu s'inspira de Marc et d'une source hypothétique appelée Q par les érudits (initiale de l'allemand Quelle, signifiant « source »).

Peu d'indices dans l'évangile lui-même permettent de déterminer sa date de composition. Certains érudits pensent qu'il a été écrit avant la destruction de Jérusalem (Matthieu 24), probablement entre les années 60 et 65 après Jésus-Christ, mais d'autres le datent des années 70, voire de 85.

L'étude de cet évangile montre qu'il a été très probablement écrit à l'origine à destination des juifs. En effet, les nombreuses références aux prophéties de l'Ancien Testament ainsi que la généalogie de Jésus indiquent que l'auteur a voulu prouver aux juifs que Jésus était bien le Messie qu'ils attendaient. Par ailleurs, le Sermon sur la Montagne (Matthieu 5 --- 7, où se trouvent les Béatitudes) veut prouver aux juifs que contrairement à ce qu'ils croient, la loi judaïque, dans l'enseignement chrétien, est toujours en vigueur bien qu'elle doive être transcendée.




Ce qu'en disait l'ancienne tradition
Dans son Histoire Écclésiastique, Eusèbe de Césarée, au début du IVe siècle, résumait ainsi ce que la tradition se remémorait de l'apôtre Matthieu : "Matthieu, en effet prêcha d'abord aux Hébreux. Comme il devait aussi aller vers d'autres, il livra à l'écriture, dans sa langue maternelle, son Évangile, suppléant du reste à sa présence par le moyen de l'écriture, pour ceux dont il s'éloignait". (H.E. III, 24, 6).

Toujours selon Eusèbe de Césarée, Papias était censé avoir écrit: "Matthieu réunit donc en langue hébraïque les logia (s.e. de Jésus) et chacun les traduisit (êrmêneusen) comme il en était capable." (H.E. III, 39, 16).

De même saint Irénée avait écrit, vers 180 : "Ainsi Matthieu publia-t-il chez les Hébreux, dans leur propre langue, une forme écrite d'Évangile, à l'époque où Pierre et Paul évangélisaient Rome et y fondaient l'Église." (Adv. Hae. III, Prologue).

L'apôtre Matthieu, donc, aurait publié très tôt, en Palestine et en langue hébraïque (hébreu ou araméen), une forme écrite d'évangile, insérant surtout des discours, ou des sentences, de Jésus (comme on peut en trouver par exemple dans l'Évangile selon Thomas). Il serait ensuite parti à l'étranger, comme la plupart des autres apôtres.

La question qui se pose est donc celle-ci: Quel est l'anonyme qui, après son départ, aurait traduit en grec les "logia" du Seigneur, tout en y insérant comme le ferait Luc, et très probablement après concertation avec lui comme le montrent différents indices, l'essentiel de l'évangile de saint Marc (600 versets sur 661) ?

C'est à cette question que prétend répondre "l'hypothèse du diacre Philippe".


L'hypothèse du diacre Philippe.
"L'hypothèse du diacre Philippe" est un aménagement de la Théorie des deux sources. (Voir Problème synoptique).

Le diacre Philippe, l'un des Sept, serait l'auteur réel de notre premier évangile, après concertation avec Luc, compagnon de Paul lors du séjour en Palestine de ce dernier, vers 57-59 (cf. Ac 21,8 --- 27,2); plus précisément à Césarée maritime, lieu de résidence de Philippe, où Paul lui-même fut retenu prisonnier pendant près de deux ans.

Philippe et Luc aurait hérité de deux sources : les logia du Seigneur rédigés en araméen par l'apôtre Matthieu, selon la tradition, et l'évangile de Marc, issu du témoignage et des prédications de l'apôtre Pierre.

Philippe comme Luc auraient eu tout le temps de mener leur enquête personnelle.

L'helléniste Philippe et Luc auraient ensuite composé indépendamment l'un de l'autre, en grec, leur évangile respectif, l'un à Césarée maritime (Philippe), et l'autre à Rome (Luc).

Le diacre Philippe (ou l'Église après lui) aurait laissé le premier évangile sous le patronage de l'apôtre Matthieu, car il reproduisait largement les logia et parce que le nom d'un apôtre était plus prestigieux.

Cette hypothèse a l'avantage de concilier remarquablement les données de la tradition (critique externe) et les données textuelles de la question synoptique (critique interne). En particulier, elle lève certaines apories de la Théorie des deux sources.

Pourquoi Matthieu grec (selon cette hypothèse Philippe) et Luc, quoique ayant travaillé indépendamment l'un de l'autre, connaissent-ils malgré tout des accords remarquables: même place des évangiles de l'enfance avec des développements parallèles quoique différents, insertion au même endroit dans la trame de Marc (3,19) des Béatitudes et du Sermon sur la Montagne (quoique sous des formes très dissemblables, et quoique Marc en cet endroit ne parle ni de béatitudes ni de sermon), utilisation de deux sources identiques : les logia et Marc (quoique avec des modalités très diverses), sans parler de maints accords de détail (contre Marc) qui sont depuis longtemps des "croix" pour les exégètes.

Il n'y eut donc pas copie entre eux, mais bien concertation préalable, et même lecture commune des mêmes sources.

D'autre part il est très vraisemblable que le premier évangile (Matthieu grec) ait été composé en Palestine car il dénote une connaissance précise de ce pays.

On peut relever de surcroît que le témoignage intensif du diacre Philippe pour la rédaction des Actes des Apôtres paraît plus que probable.


Signification et intention de l'évangile de Matthieu.
Comme il est dit dans la présentation de cet article, le premier évangile paraît s'adresser avant tout aux juifs et aux rabbins de la synagogue, pour leur démontrer à l'aide des Écritures, l'Ancien Testament, que Jésus-Christ est réellement le Fils de Dieu et l'Emmanuel, Dieu avec nous depuis le début, le fils de David, l'héritier de tous les rois d'Israël et le Messie qu'ils espéraient.

Le titre de Fils de Dieu intervient aux tournants importants du récit, dès l'enfance, au baptême, à la confession de Pierre, à la transfiguration, au procès de Jésus et à la crucifixion. Le nom de fils de David, qui lui est associé, et qui revient en dix occurrences, démontre que Jésus est le nouveau Salomon : en effet Jésus s'exprime comme la Sagesse incarnée. En vertu du titre de Fils de l'homme, qui parcourt l'évangile, et qui provient tout droit de Daniel et du Livre d'Hénoch, Jésus se voit doté de toute autorité divine sur le Royaume de Dieu, aux cieux comme sur la terre.

Matthieu grec, écrivant pour une communauté de chrétiens venue du judaïsme, et discutant sans doute avec les rabbins, s'attache avant tout à montrer dans la personne et dans l'œuvre de Jésus l'accomplissement des Écritures. Il confirme par des textes scripturaires : sa race davidique (1,1-17), sa naissance d'une vierge (1,23), sa naissance à Bethléem (2,6), son séjour en Égypte (2,15), son établissement à Capharnaüm (4,14-16), son entrée messianique à Jérusalem ((21,5.16). Il le fait pour son œuvre de guérisons miraculeuses (11,4-5) et pour son enseignement ((5,17).

Tout aussi bien il souligne que l'échec apparent de la mission de Jésus était annoncé par les Écritures, et que les abaissements du Fils de l'homme accomplissent la prophétie du Serviteur souffrant d'Isaïe (12,17-21).

Le premier évangile se présente donc beaucoup moins comme une simple biographie de Jésus, ce qu'ont fait de leur côté excellemment Marc et Luc, que comme une thèse parfaitement construite et documentée adressée aux juifs hellénistes, les croyants pour les conforter dans leur foi, les incrédules ou les opposants pour les réfuter.

Elle s'inscrit bien dans ce climat de tension qui prévalait dans la Palestine d'avant la destruction du Temple, tel qu'il nous est décrit dans les Actes des Apôtres, où la persécution menaçait sans cesse: martyre d'Étienne à l'instigation de la synagogue, dispersion des apôtres, qui seraient suivis par le martyre de Jacques le mineur.

La problématique du premier évangile fait songer à celle du discours d'Étienne, qui nous est rapporté par les Actes (cf. Ac 7). Cela n'a rien d'étonnant s'ils ont quasiment le même auteur: le diacre Philippe dictant pour Luc le discours d'Étienne, et lui-même rédacteur final du premier évangile.

Les invectives terribles du diacre Étienne, sur le point de mourir, ressemblent à s'y méprendre aux malédictions du Christ (au nombre de sept), contre les scribes et les pharisiens, que l'on trouve au chapitre 23 de notre premier évangile.


Plan de l'évangile de Matthieu.
Le plan septénaire de l'évangile de Matthieu que nous proposons est celui de la Bible de Jérusalem, au moins dans ses anciennes éditions. Mais il est assez généralement admis par les exégètes. En effet on peut distinguer dans le premier évangile cinq grands discours, accompagnés de narrations, précédés par les récits de l'enfance, et suivis bien sûr par la relation de la Passion et de la Résurrection selon le schéma originel donné par Marc et qui sera repris, synoptiquement, par les autres évangélistes. Ce qui fait, au total, sept parties.

Les principales charnières du récit sont d'ailleurs marquées par une phrase assez stéréotypée : "Et il advint, quand il eut achevé ces discours..."

Voici ce plan en abrégé. Pour plus de détails on se reportera à Plan septénaire de l'évangile de Matthieu.

-- I. Naissance et enfance du Christ (1,1 --- 2,23).

-- II. Promulgation du Royaume des Cieux (3,1 --- 7,27).

A) Section narrative (3,1 --- 4,25).

B) Discours évangélique en sept parties (5,1 --- 7,27).

-- III. Prédication du Royaume des Cieux (7,28 --- 10,42).

A) Section narrative, dix miracles (7,28 --- 9,38).

B) Discours apostolique en sept parties (10,1-42).

-- IV. Le Mystère du Royaume des Cieux (11,1 --- 13,52).

A) Section narrative (11,1 --- 12,50).

B) Discours parabolique en sept paraboles (13,1-52).

-- V. L'Église, prémices du Royaume (13,53 --- 18,35).

A) Section narrative (13,53 --- 17,27).

B) Discours ecclésiastique en sept parties (18,1-35)

-- VI. Avènement prochain du Royaume (19,1 --- 25,46).

A) Section narrative (dont sept malédictions) (19 1 --- 23,39).

B) Discours eschatologique en sept parties (24,1 --- 25,46).

-- VII. Passion et Résurrection (26,1 --- 28,20).


Ce plan septénaire est d'autant plus remarquable s'il a pour auteur Philippe, l'un des Sept. La pensée juive s'organisait volontiers selon ce rythme septénaire qui était un moyen mnémotechnique et qui, en même temps, faisait référence à l'Heptaméron de la Genèse. On retrouverait ce rythme dans l'Apocalypse, dans l'évangile de Jean, et même dans l'épître aux Hébreux, ainsi que dans maints écrits pseudépigraphiques (IV Esdras, par exemple...).


Utilisation de Marc par l'évangile de Matthieu.
Matthieu grec, a-t-on dit, a réutilisé la presque totalité de l'évangile de Marc. Il en a même fait, comme Luc, la charpente de son propre ouvrage. Toutefois, à la différence de Luc, il a, surtout pour le début, bien moins respecté la séquence de Marc, montrant par là qu'il n'avait pas, au premier chef, de préoccupations chronologiques, ou biographiques.

On peut dénombrer au moins 22 péricopes de Marc que Matthieu grec a déplacées, dont 10 importantes que l'on peut citer :

Mt 8,14-17 = Mc 1,29-34
Mt 8,2-4 = Mc 1,40-45
Mt 9,2-17 = Mc 2,1-22
Mt 12,1-21 = Mc 2,23 --- 3,12
Mt 12,22-37 = Mc 3,22-30
Mt 12,46 --- 13,15 = Mc 3,31 --- 4,12
Mt 13,18-23 = Mc 4,13-20
Mt 13,31-32 = Mc 4,30-32
Mt 13,34-35 = Mc 4,33-34
Mt 10,1.9-14 = Mc 6,6 b-13
Il leur fait subir des sauts considérables, plaçant par exemple la guérison de la belle-mère de Simon-Pierre après l'enseignement sur la montagne ou le choix des Douze, alors que Marc et Luc la placent avant. Plaçant la guérison d'un paralytique et l'appel de Matthieu-Lévi après la tempête apaisée, alors que Marc et Luc l'ont avant. Etc.

Mais on observe un phénomène remarquable, c'est qu'à l'intérieur de ces péricopes déplacées, Matthieu grec conserve (malgré certains ajouts ou certaines suppressions, comme constamment) l'ordre originel de Marc que l'on retrouve en principe dans saint Luc (Luc, quant à lui, n'ayant pas déplacé le plus souvent ces péricopes).

On a là une preuve tangible, à la fois du respect de Matthieu grec pour la teneur du récit de Marc et de la véracité de la Théorie des deux sources. C'est bien Marc qui est le document-maître que les deux autres synoptiques, et parfois même Jean, ont démarqué.

Mais on doit constater aussi, autre phénomène remarquable, qu'à partir de :

Mt 14,1 = Mc 6,14
Matthieu grec (sans doute Philippe) suit dorénavant très fidèlement la séquence de Marc (avec toujours des compléments ou des suppressions, et quelques interversions mineures) jusqu'à la fin (authentique) de cet évangile, bien plus fidèlement même que Luc, qui, lui, ampute de façon importante le texte de Marc, ou l'interrompt pour de longues plages d'insertions.

Les compléments ou les omissions de Marc, par Matthieu grec ou Luc, sont faits de façon indépendante par ces deux derniers évangélistes. Ce qui conforte encore la Théorie des deux sources.

Pour expliquer certains accords mineurs de Matthieu grec et Luc, contre Marc, certains exégètes allemands ont imaginé l'existence d'un état antérieur de Marc, l'Urmarkus, légèrement différent de celui que nous connaissons, que Matthieu grec et Luc auraient utilisé en commun.

Sans être prouvée, on peut faire remarquer que cette proposition s'accorderait fort bien avec "l'hypothèse du diacre Philippe". L'Urmarkus ne serait autre qu'une version privée de Marc, non encore publiée, celle que Luc aurait communiquée au diacre Philippe lors de son séjour en Palestine. Son auteur, Marc, l'aurait ensuite remaniée quelque peu, avant publication.


Utilisation des logia, la source Q, par Matthieu grec.
On définit la source Q comme étant ce que les évangiles de Matthieu et de Luc ont en commun, en dehors de Marc. En ce sens la source Q n'est pas du tout un document hypothétique, comme on le lit parfois ; mais elle peut fort bien être reconstituée.

Il y eut nécessairement une source commune pour Matthieu grec et Luc, en dehors de Marc.

Mais le problème est qu'on ne peut pas délimiter ce document, ni même lui assigner un ordre précis. On n'est pas sûr du tout, on a même la forte présomption du contraire, que Matthieu grec et Luc ne l'ont pas rapporté chacun in extenso. D'autre part les sentences qu'on y trouve, en plus de quelques rares récits, ne sont pas données dans le même ordre par Matthieu grec et Luc. Lequel des deux a le mieux respecté l'ordre originel du document ?

De plus les citations de ce document insérées par nos deux synoptiques ne sont pas, le plus souvent, faites mot à mot, mais sous forme périphrastique; plutôt sens pour sens.

Pour la reconstitution de ce document on ne peut pas échapper à des hypothèses. Il semble que le plus vraisemblable soit d'admettre que Luc a mieux respecté que Matthieu grec l'ordre et la teneur de la source Q, et qu'il l'a introduite telle quelle dans son évangile, dans deux plages principales :

Lc 6,20 --- 8,3
Lc 9,51 --- 18,14.
On peut y ajouter : Lc 22,30.

De plus il semble bien que :

Mt 3,7-10.12; 4,2-11a = Lc 3,7-9.17; 4,2b-13
fut aussi un document à part, qu'on peut, faute de preuve du contraire, assimiler à la source Q.

Les sentences, ou les discours, que Matthieu grec a en propre et qui ne figurent pas dans la source Q, telle que reconstituée ci-dessus, peuvent être, sans inconvénient, attribués à une source matthéenne orale, car le diacre Philippe aurait été le confident de l'apôtre Matthieu avant son départ pour la mission.

Il ne semble pas qu'on puisse guère aller plus avant.

Ici donc, on identifie purement et simplement les logia du Seigneur dont l'existence est connue par la tradition et la source Q, définie par les exégètes allemands.

Matthieu grec, sans doute le diacre Philippe, aura utilisé très librement les deux traditions matthéennes, celle écrite en principe commune avec Luc, et celle orale qui lui est propre, en plus des résultats de son enquête personnelle et de ses souvenirs.

C'est lui-même qui aura traduit oralement, à l'intention de Luc, les documents hébreux, ou araméens, qu'il avait en sa possession.


La généalogie matthéenne du Christ.
Matthieu grec a mis en exergue la généalogie du Christ (cf. Mt 1,1-17), lui attribuant une importance apologétique considérable, que d'ordinaire les exégètes ne soulignent pas assez.

Cette généalogie résume à elle seule tout l'Ancien Testament, et le rattache au Nouveau. De fait pour nous, dans nos bibles, elle ouvre la lecture du Nouveau Testament.

La généalogie de Matthieu grec est celle de Joseph et des "frères du Seigneur", voulant prouver aux juifs que Jésus était bien le descendant légal de David, de Salomon et de tous les rois d'Israël (ou de Juda), l'héritier du trône et, par voie de conséquence, le Messie promis. C'est d'ailleurs sous ce titre officiel de "roi des juifs" (Mt 27,37) que Jésus sera crucifié. "Tu es le roi des juifs? [demandait Pilate] Jésus répliqua: 'Tu le dis'." (Mt 27,11).

C'est tellement vrai que plus tard les descendants de Jude "frère du Seigneur" furent inquiétés à plusieurs reprises par le pouvoir romain comme prétendants implicites à la royauté. (Cf. Eusèbe de Césarée, H.E. III, 12 et 19-20).

En ce temps-là les archives du peuple juif n'avaient pas encore été détruites (elles le seront plus tard, au moment des révoltes juives et de la prise de Jérusalem, par les romains). La généalogie (surtout une généalogie royale !) devait être exacte, et vérifiable, sinon elle aurait tourné au détriment de la cause qu'elle prétendait servir.

Cependant saint Irénée, père de l'Église, a souligné très fortement que la généalogie donnée par Matthieu ne pouvait pas être la généalogie réelle de Jésus, car Jéchonias et tous ses descendants ont été formellement exclus de l'ascendance messianique par le prophète Jérémie. (Cf. Adv. Hae. III, 21, 9). De fait Joseph n'est que le père virginal, ou légal (selon la Torah), de Jésus. (Cf. Mt 1,16.18-25).

C'est Luc qui exposera la véritable généalogie de Jésus, par sa mère Marie, elle-même descendante de David, mais par Nathan et non pas par Salomon (cf. Lc 3,23-38). Cette thèse n'est pas nouvelle, ou en l'air, mais elle est défendue de façon très argumentée par saint Irénée (cf. Adv. Hae. III, 9, 2; 16,3; 21-22).

Luc l'a sans doute fait après concertation avec le diacre Philippe.

Quant à Philippe lui-même, il devait tenir sa généalogie du Christ, soit de l'apôtre Matthieu, soit directement des "frères du Seigneur" qui vivaient à Jérusalem et qui y gouvernaient l'Église: Jacques le mineur, Simon et Jude "frère de Jacques", cette Église dont il était le diacre fidèle, et même le premier des diacres, après la mort d'Étienne (cf. Ac 6,5).


Les évangiles de l'enfance, selon Matthieu grec.
De même pour les évangiles de l'enfance (cf. Mt 1,18 --- 2,23), Matthieu grec rapporte le point de vue de Joseph et des "frères du Seigneur", tandis que Luc (cf. Lc 1 --- 2) donnera le point de vue de Marie, sans doute à travers le témoignage de l'apôtre Jean, préalablement contacté par lui.

Les faits racontés sont très différents, mais ils restent néanmoins conciliables et superposables. Il y eut très probablement concertation préalable, à ce sujet, entre Matthieu grec (Philippe) et Luc, car les propos de l'un et de l'autre sont exactement parallèles, ou symétriques, dans leur évangile respectif. Les exégètes ont souvent relevé la convergence des affirmations biographiques, ou théologiques, implicites, qui sont contenues dans ces deux récits. Ainsi selon Joseph A. Fitzmyer (The gospel according to Luke I-IX, page 307) :

1) La naissance de Jésus est rapportée au règne d'Hérode.
2) Marie, qui devient sa mère, est une vierge engagée envers Joseph, mais ils n'ont pas encore cohabité.
3) Joseph est de la maison de David.
4) Un ange venu du ciel annonce l'événement de la naissance de Jésus.
5) Jésus est lui-même reconnu comme fils de David.
6) Sa conception intervient grâce à l'action du Saint-Esprit.
7) Joseph est exclu de la conception.
8) Le nom de "Jésus" est prescrit par le ciel, avant la naissance.
9) L'ange identifie Jésus comme "Sauveur".
10) Jésus est né après que Marie et Joseph ont commencé de vivre ensemble.
11) Jésus est né à Bethléem.
12) Jésus s'installe, avec Marie et Joseph, à Nazareth, en Galilée.
On ne donne pas les références qui sont faciles à retrouver, dans Matthieu et dans Luc.

Bien que les faits racontés par Matthieu grec ne puissent être prouvés historiquement, on remarque néanmoins combien ils sont conformes à la psychologie des personnages qu'on connaît par ailleurs, par exemple Hérode, et aux mœurs du temps. Le cadre historique est incontestable, avec les derniers temps d'Hérode puis sa succession.

Dès l'entrée, Jésus est présenté comme Sauveur (cf. Mt 1,21), Emmanuel (1,23), roi (2,2), Messie ou Christ (2,4), Fils de Dieu (2,15), en accomplissement de toutes les prophéties.


Les cinq discours de Matthieu grec.
Nous avons montré (voir le plan ci-dessus), que le premier évangile s'organise autour de cinq grands discours, placés dans la bouche de Jésus, au milieu de sections narratives, dont les épisodes sont empruntés le plus souvent à Marc, en plus des récits de l'enfance qui viennent d'une source particulière comme nous l'avons exposé.

Quatre de ces discours (sauf le premier: le discours évangélique, ou Sermon sur la montagne) existent déjà dans Marc, mais Matthieu grec les a considérablement amplifiés, en puisant dans la source Q, ou dans son fonds personnel.

Ces discours s'organisent eux-mêmes sur un plan septénaire.

I. Discours évangélique (5, 1 - 7,27)

1. Loi nouvelle (5,1-16)
2. Loi ancienne (5,17-19)
3. Justice nouvelle (5,20-48)
4. Pratiques renouvelées du judaïsme (6,1-18)
5. Détachement des richesses (6,19-34)
6. Relations avec le prochain (7,1-12)
7. Nécessité de la mise en pratique (7,13-27)
II. Discours apostolique (10)

1. Choix des Douze (10,1-4)
2. Consignes aux Douze (10,5-16)
3. Persécution des missionnaires (10,17-25)
4. Parler ouvertement (10,26-33)
5. Jésus cause de dissensions (10,34-36)
6. Se renoncer pour suivre Jésus (10,37-39)
7. L'accueil des envoyés (10,40-42)
III. Discours parabolique (13,1-52)

1. Parabole du semeur.
2. Parabole de l'ivraie.
3. Parabole du grain de sénevé.
4. Parabole du levain.
5. Parabole du trésor.
6. Parabole de la perle.
7. Parabole du filet.
IV. Discours ecclésiastique (18)

1. Qui est le plus grand ? (18,1-4)
2. Le scandale (18,5-11)
3. La brebis égarée (18,12-14)
4. La correction fraternelle (18,15-18)
5. La prière en commun (18,19-20)
6. Le pardon des offenses (18,21-22)
7. Parabole du débiteur impitoyable (18,23-25)
V. Discours eschatologique (24 - 25)

1. Commencement des douleurs (24,4-14)
2. Tribulations de Jérusalem (24,15-25)
3. Avènement du Fils de l'homme (24,26-44)
4. Parabole du majordome (24,45-51)
5. Parabole des dix vierges (25,1-13)
6. Parabole des talents (25,14-30)
7. Le jugement dernier (25,31-46)
On remarquera (notations empruntées à la Bible de Jérusalem) le rapport entre le premier discours (proclamation du Royaume) et le cinquième (venue du Royaume), entre le deuxième (discours missionnaire) et le quatrième (vie communautaire dans l'Église). Le troisième discours forme donc le centre de la composition.

L'organisation des cinq discours, et tout l'évangile avec lui, obéiraient donc à une construction chiasmatique: A,B,C,B',A'.

La modeste parabole de la femme qui pétrit du pain (cf. Mt 13,33), qui se trouve au centre du discours parabolique, serait donc au cœur de tout l'évangile : "Le Royaume des Cieux est semblable à du levain qu'une femme a pris et enfoui dans trois mesures de farine, jusqu'à ce que le tout ait levé."

Si Marie, sa mère, est la femme que Jésus a observée en train de pétrir la pâte - et pourquoi ne serait-ce pas elle? -; si la farine est toute l'humanité (antérieure à Jésus, contemporaine de Jésus et postérieure à Jésus) et si le levain est la Parole de Dieu (c'est-à-dire Jésus lui-même), on a là, sous des dehors humbles, une belle illustration de l'aventure humaine, et même un bon résumé de tout l'évangile.

Le thème principal de tous ces discours, c'est l'avènement du Royaume de Cieux (ou de Dieu), dont l'Église, sur cette terre, est déjà la préfiguration.

La charte du Royaume des Cieux est promulguée sur la montagne (I).

Le Royaume des Cieux est prêché par l'envoi en mission des Douze (II).

Son mystère caché est dévoilé par les paraboles, et par l'enseignement évangélique (III).

L'Église constitue les prémices, dès ici-bas, du Royaume des Cieux si elle observe sa charte (IV).

Enfin le Royaume des Cieux adviendra, après bien des péripéties, par l'avènement définitif du Fils de l'homme (V).

"L'annonce de la venue du Royaume entraîne une conduite humaine qui dans Matthieu s'exprime surtout par la poursuite de la justice et l'obéissance à la Loi. La justice, thème préféré de Matthieu (3,15; 5,6; 6,1.33; 21,32), est ici la réponse humaine d'obéissance à la volonté du Père, plutôt que le don divin du pardon qu'elle est pour saint Paul. La validité de la Loi (Torah) est affirmée, 5,17-20, mais son développement par les pharisiens est rejeté en faveur de son interprétation par Jésus, qui insiste surtout sur les préceptes éthiques, sur le Décalogue et sur les grands commandements de l'amour de Dieu et du prochain." (Citation de la Bible de Jérusalem, 1998, page 1670).


La Passion, la Résurrection, l'envoi en mission, dans Matthieu.
Dans le récit de la Passion et de la Résurrection du Christ, comme de l'envoi en mission, Matthieu grec, comme les trois autres évangiles, suit très fidèlement le schéma de Marc, jusqu'à la fin authentique de cet évangile, qu'on situe en Mc 16,8.

Comme les autres, il le réécrit à sa manière, sans guère en changer la substance.

Matthieu grec confirme en particulier, comme Luc, la chronologie de Marc qui fait tenir l'Onction à Béthanie deux jours avant la Pâque (Mt 26,2), célébrer la Sainte Cène le soir même de Pâque (26,17), et qui fait rester Jésus au moins six heures en croix, le vendredi, après avoir été crucifié à neuf heures du matin (cf. Mt 27,45).

Il rajoute seulement quelques épisodes, selon son enquête personnelle :

Le récit de la mort de Judas (Mt 27,3-10) dont on trouve une autre version, légèrement différente, dans les Actes des Apôtres (Ac 1,18-19) ; ce qui démontre encore une fois les liens étroits qui peuvent exister entre le premier évangile et les Actes des Apôtres.
L'anecdote de la femme de Pilate qui intervient en faveur de Jésus (Mt 27,19).
Le lavement ostentatoire des mains par le même Pilate, se désolidarisant des assassins de Jésus (Mt 27,24).
Les manifestions telluriques après la mort de Jésus, et la résurrection de nombreux trépassés (Mt 27,51b-53).
La garde du tombeau après la Passion, réclamée par les chefs juifs (Mt 27,62-66).
Le nouveau tremblement de terre et le spectacle grandiose de l'ange qui vient rouler la pierre du sépulcre, au moment de la Résurrection (Mt 28,2-4).
Enfin la supercherie des chefs juifs pour nier la résurrection de Jésus (Mt 28,11-15).
Après la Résurrection, Matthieu grec, à la différence de Luc et de la finale rajoutée à l'évangile de Marc (Mc 16,9-20) qui suit Luc et peut-être Jean, après une première apparition du Christ aux saintes femmes (Mt 28,9-10), reporte les apparitions du Christ aux apôtres, et l'envoi en mission, en Galilée (Mt 28,16-20) où l'ange (Mt 28,7) et Jésus lui-même (Mt 28,10) avaient donné rendez-vous aux disciples.

De même, l'évangéliste Jean placera une apparition du Christ à ses disciples, en Galilée, au bord du lac de Tibériade (cf. Jn 21).

Tout en suivant de très près la séquence de Marc, Matthieu grec l'a enrichie de nouveaux épisodes, abrégeant cependant la narration de Marc en certains endroits. Il semble avoir bénéficié d'une tradition propre, différente de celle de Luc, puisqu'il ne signale pas la comparution de Jésus devant Hérode (cf. Lc 23,8-12).


Une tradition matthéenne orale ?
En plus d'une tradition matthéenne écrite, en principe commune avec Luc, et que, à la suite des exégètes allemands du XIX e siècle, on a affublée du nom de "source Q", il semble bien que le premier évangile a bénéficié d'une source matthéenne orale, spéciale à cet évangile.

Philippe avait connu personnellement l'apôtre Matthieu. C'est de lui qu'il avait reçu, comme des onze autres, le charisme du diaconat, et le mandat de la prédication évangélique. (Cf. Ac 6,6; 8,1.14). C'est l'apôtre Matthieu qui, partant pour l'étranger (Rufin nous dit l'Éthiopie : cf. H.E. III, 1, 1, traduction latine de Rufin), lui aurait remis son évangile araméen, en fait les logia, ou discours du Seigneur, avec la charge de les traduire et publier.

En plus de ces logia, le premier évangile nous transmet des renseignements précieux et originaux sur le douanier Matthieu, devenu l'un des Douze. Alors que Marc, suivi par Luc, nous raconte l'appel d'un certain Lévi, fils d'Alphée, Matthieu grec nous apprend, dans le récit parallèle qu'il s'agit de Matthieu même ; "Son nom était Matthieu" (Mt 9,9), l'un des Douze (cf. Mc 3,18).

Donnant à son tour la liste des apôtres, Matthieu grec mentionnerait que ce Matthieu était publicain (cf. Mt 10,3).

C'est le premier évangile seul qui nous parlerait de la redevance du Temple acquittée par Jésus et Pierre (cf. Mt 17,24-27). On peut voir là une notation propre au collecteur d'impôt qu'était Matthieu. Il donnait à la monnaie de l'impôt son nom technique de "didrachme". En véritable spécialiste des finances il nous apprenait qu'un statère valait deux didrachmes (soit encore un tétradrachme) pour payer l'impôt susdit et qu'il suffirait donc pour deux personnes (cf. Mt 17,27).

Saint Matthieu, apôtre et scribe du Christ (en langue araméenne) se trouverait parfaitement défini, à la fin du discours parabolique : "...scribe devenu disciple du Royaume des Cieux...semblable à un propriétaire qui tire de son trésor du neuf et du vieux." (Mt 13,52). Certains exégètes (Bible de Jérusalem) ont cru trouver là une signature discrète de l'évangéliste primitif.

Le premier évangile nous rapporterait des paraboles remarquables, propres à lui, qui mettraient en œuvre l'argent: parabole du débiteur impitoyable, qui nous parlerait de 10.000 talents, somme colossale, et de cent deniers (cf. Mt 18,23-35); parabole des talents (cf. Mt 25,14-30), alors que Luc parlerait de mines (cf. Lc 19,11-27).

C'était le premier évangile qui dans la prière du Notre Père évoquerait la remise des dettes et les débiteurs (cf. Mt 6,12), tandis que Luc mentionnerait pour sa part la remise des péchés et le devoir de remettre à quiconque nous doit (cf. Lc 11,4).

C'était le premier évangile seul qui donnerait le prix de la trahison de Judas: "Trente pièces d'argent" (Mt 26,15), c'est-à-dire trente sicles (et non trente deniers comme on le dit souvent), la valeur d'un esclave (cf. Ex 21,32), tandis que Marc (14,11) et Luc (22,5) ne feraient état que d'une certaine somme d'argent. De même Matthieu seul nous préciserait que Judas aurait rapporté cette somme : "les trente pièces d'argent, aux grands prêtres et aux scribes" (Mt 27,3) puis les auraient jetées, saisi de désespoir, non dans le tronc mais dans le sanctuaire même (naos) du Temple (cf. Mt 27,5).

De même, dans le récit de la Résurrection, Matthieu grec serait seul à nous dire que les grands prêtres et les anciens "donnèrent aux soldats une forte somme d'argent, avec cette consigne : 'Vous direz ceci: ses disciples sont venus de nuit et l'ont dérobé pendant que nous dormions'." (Mt 28,12-13).

Philippe, héritier direct de Matthieu et dépositaire de son témoignage, aura voulu laisser sous le patronage de Matthieu seul le premier évangile tout entier, dans son édition définitive.


L'aspect pétrinien du Ier évangile.
Les exégètes ont souvent noté le caractère pétrinien du premier évangile. Plus que les deux autres synoptiques, il insistait sur la primauté de l'apôtre Pierre.

Cela n'a rien de surprenant si l'on admet que ledit premier évangile eut pour rédacteur principal, et final, le diacre Philippe. On connaît par les Actes des Apôtres les rapports étroits qu'avait entretenus Philippe avec le Prince des apôtres. Ordonné diacre à l'initiative de Pierre, et par ses mains à la tête des Douze, Philippe devait le recevoir maintes fois en Samarie ou ailleurs en Judée (cf. Ac 6 --- 12). Le témoignage de Philippe dans le premier évangile, comme aussi dans les Actes, pouvait être de première main.

Le premier évangile ajoutait au rapport de Marc, lui-même collaborateur de Pierre et son interprète, des détails sur Pierre, ou des paroles le concernant, qui ne pouvaient guère provenir que des confidences personnelles du chef des apôtres au diacre Philippe: la marche de Pierre sur les flots (cf. Mt 14,28-32), le Tu es Petrus (cf. Mt 16,17-19), peut-être la redevance du Temple acquittée par Jésus et Pierre à Capharnaüm (cf. Mt 17,24-27). Ces faits ne nous sont connus que par la relation du premier évangile, insérée dans la trame de Marc.

Le premier évangile était celui de la prédication du Royaume des Cieux. Mais ledit Royaume des Cieux ne se réalisait sur la terre que par le truchement d'une communauté de disciples, qui était l'Église; et cette Église même était bâtie sur l'apôtre Pierre.

À la confession de foi de la messianité de Jésus, rapportée par Marc (8,29) et Luc (9,20), Matthieu grec (Philippe) avait rajoutée, dans la bouche de Pierre, la confession explicite de la divinité de Jésus (cf. Mt 16,16). C'était en réponse à cette dernière confession que Pierre s'était entendu institué, par le Christ, comme le majordome du Royaume des Cieux.


Conclusion: L'évangile ecclésiastique. L'évangile du Royaume.
Ce premier évangile si complet et si bien organisé fut reçu et utilisé dans l'Église primitive avec une faveur marquée.

Cela ne saurait surprendre s'il eut pour rédacteur final le diacre Philippe qui l'aurait composé, après consultation de Luc, et même concertation avec lui, au nom de l'apôtre Matthieu, bien sûr, dont il détenait l'héritage et sous le patronyme duquel il le laissa (lui ou l'Église postérieure), mais aussi au nom de toute l'Église de Jérusalem dont il était le diacre et qui l'avait peut-être délégué à cet office.

Encore une fois sa réception très ancienne dans l'Église, et la faveur universelle dont il a bénéficié, ne sauraient nous étonner.

Il est pour nous très important d'admettre que le premier évangile, Matthieu grec, ait été composé en Palestine, plus précisément à Césarée maritime, et non pas à Antioche ou ailleurs, comme on l'a souvent supposé sans aucune preuve, ni même aucune vraisemblance.

L'auteur du premier évangile nous apparaît à plus d'une reprise comme un fin connaisseur de la Palestine. Il lui arrivait même de corriger discrètement la géographie un peu approximative de Marc, ou même de Luc. Ainsi en Mt 8,28 il précisait que Jésus, débarqué sur l'autre rive, était parvenu au pays des Gadaréniens et non pas au territoire des Géraséniens (cf. Mc 5,1; Lc 8,26). Il appert que la ville de Gadara, en Décapole, était bien plus proche du lac de Tibériade que la ville de Gérasa.

En Mt 15,39 Matthieu grec (Philippe) changeait le nom de Dalmanoutha, donné par Marc (8,10) et inconnu des géographes, en celui de Magadan. Certes Magadan était tout aussi impossible à situer sur les cartes: mais précisément plus d'un exégète y voyaient une corruption, due à un copiste, du nom de "Magdala", bourgade fort bien identifiée des bords du lac. (Cf. Mgr Clemens Kopp, Itinéraires évangéliques, 1964, page 347).

En Mt 27,7 Matthieu grec (Philippe) nous informait que les grands prêtres achetèrent avec les trente sicles de Judas le "champ du potier", bien connu des habitants de Jérusalem (cf. Ac 1,19), comme lieu de sépulture pour les étrangers. "Voilà pourquoi ce champ-là s'est appelé jusqu'à ce jour le 'Champ du Sang'" (Mt 27,8). Le renseignement était d'une grande acribie géographique. Et il correspondait parfaitement à l'indication livrée par Luc dans les Actes.

Les trois évangiles synoptiques (et même Jean, en un sens, qui est bien plus synoptique qu'on ne le dit) ont été rédigés d'une manière volontairement concordante, même s'il subsiste entre eux quelques menues différences de détails.

Philippe et Luc ont repris, et suivi, avec grand respect et une considération évidente le témoignage de Marc, parce qu'il émanait directement de l'autorité de l'apôtre Pierre.

Mais chacun l'a remanié ou complété, ou parfois abrégé, selon son charisme.

Il faut bien comprendre que Philippe comme Luc avaient comme préoccupation primordiale de ne pas laisser perdre les logia de l'apôtre Matthieu, ainsi que ses confidences parlées. C'est pourquoi ils les ont amalgamés d'une manière différente dans le matériau brut livré par Marc.

Ils ont complété le tout par les résultats de leur enquête personnelle, ou même par leurs souvenirs propres.

Cependant Matthieu grec (sans doute Philippe), avec ces éléments, et ces contraintes, a fait œuvre tout à fait originale et bien différente de Luc et bien sûr de Marc.

Plus qu'une vie de Jésus, son évangile est un discours, ou une homélie, ou une hymne, pour prouver, comme nous l'avons dit, la divinité du Christ et pour annoncer l'avènement imminent, et même déjà là, du Royaume des Cieux, dont l'Église de Jésus-Christ constitue déjà l'esquisse sur cette terre.

Jésus-Christ est le Fils de l'homme qui doit revenir régner triomphalement à la fin de l'histoire humaine, même s'il est en même temps, ô combien paradoxalement, le "Serviteur souffrant" d'Isaïe, qui devait connaître, et qui a effectivement connu parmi nous, les plus grands abaissements.

Le premier évangile qu'on peut considérer comme typiquement sémite ou même, comme nous l'avons démontré, typiquement palestinien, se termine pourtant par une phase tout à fait universaliste. Il s'ouvre sur l'espace infini, et sur le temps infini. Il le fait au nom du baptême qui devient la porte d'entrée officielle à la fois dans l'Église et dans le Royaume de Dieu. Il le fait au nom de la Sainte Trinité, qu'il est bien le seul, dans tout le Nouveau Testament, à proclamer nommément et clairement, même si tous les autres livres la sous-entendent : "Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit." (28,19)

Il ajoute pourtant ces deux notes essentielles :

"Observer tout ce que je vous ai prescrit" (Mt 28,20), c'est-à-dire le Sermon sur la Montagne, c'est-à-dire la charité.

Et la promesse, qui vaut pour aujourd'hui : "Je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin de l'âge." (Mt 28,20).
Modifié en dernier par pravoslavac le 28 mai07, 06:51, modifié 1 fois.

pravoslavac

Christianisme [Orthodoxe]
Christianisme [Orthodoxe]
Messages : 165
Enregistré le : 14 févr.06, 02:42
Réponses : 0

Ecrit le 28 mai07, 06:47

Message par pravoslavac »

L'évangile selon Marc (kata Markon) forme avec les trois autres évangiles, le cœur du Nouveau Testament, la partie la plus récente de la Bible. Le deuxième (par sa place) des quatre évangiles canoniques est aussi le plus bref et probablement le plus ancien ; c'est l'un des évangiles synoptiques.

Son auteur est Marc, généralement identifié au Marc compagnon de Paul, puis de Pierre, qui nous est connu par le Nouveau Testament, spécialement les Actes des Apôtres et les épîtres de Paul et de Pierre.

Il a probablement été écrit avant la catastrophe de 70 (après Jésus-Christ) car dans le discours eschatologique de Mc 13 il n'est fait aucune distinction entre la ruine de Jérusalem et la fin du monde (cf. Mc 13,24).

Il a certainement été écrit après la catastophe de 70 car il sait que le Temple sera détruit. Or il est écrit dans Ezéchiel (46.15) que les sacrifices du Temple sont éternels. Donc la ruine du Temple doit coïncider avec la fin du monde.

Les logia de l'apôtre Matthieu, rédigés en langue hébraïque, dont l'existence nous est connue par la tradition, et qui étaient sans doute plus anciens, n'avaient probablement pas la forme d'un évangile, mais plutôt celle d'un recueil de sentences ou de discours.

Saint Irénée de Lyon écrivait vers 180 : "Marc, le disciple et l'interprète de Pierre, nous transmit lui aussi par écrit ce que prêchait Pierre". (Adv. Hae. III Prologue).

L'influence de Pierre se lit, paradoxalement, dans la grande humilité de son porte-parole : à la différence de Matthieu et de Jean, il n'insiste pas sur la primauté de son chef et ne cache rien de ses faiblesses.

Sans doute Marc se peint-il lui-même dans son évangile comme le jeune homme qui s'enfuit, sans son manteau, durant la nuit de Gethsémani (cf. Mc 14,51-52). Il est le "Jean, surnommé Marc" mentionné en Ac 12,12.

Cet épisode provient d'une prophétie d'Amos (2.16 : "Le plus courageux des guerriers s'enfuira nu dans ce jour-là, dit l'Éternel."). Nulle part l'auteur de cet Evangile ne se prétend témoin de ce qu'il raconte.

Cet évangile "selon Pierre" est l'évangile du "Fils de Dieu" et aussi du "Fils de l'Homme". Marc montre la divinité de l'Homme-Dieu et souligne en même temps la réelle humanité de Jésus, compatissant ou pris de colère, anxieux ("Mon âme est triste à mourir", Mc 14,34) ou assoupi (cf. Mc 4,38).





Témoignage de la tradition ancienne
L'historien Eusèbe de Césarée, au début du IVe siècle, décrivait ainsi la genèse de l'évangile selon Marc.

Après que l'apôtre Pierre eut entrepris de prêcher à Rome, au début du principat de l'empereur Claude, c'est-à-dire vers les années 41-42, les auditeurs de Pierre "ne tinrent pas pour suffisant de l'avoir entendu une fois pour toutes, ni d'avoir reçu l'enseignement oral du message divin, mais que, par toutes sortes d'instances, ils supplièrent Marc, dont l'évangile nous est parvenu et qui était le compagnon de Pierre, de leur laisser un monument écrit de l'enseignement qui leur avait été transmis oralement: ils ne cessèrent pas leurs demandes avant d'avoir contraint Marc et ainsi ils furent la cause de la mise par écrit de l'évangile appelé 'selon Marc'."

"L'apôtre, dit-on, connut le fait par une révélation de l'Esprit; il se réjouit du désir de ces hommes et il confirma le livre pour la lecture dans les assemblées."

"Clément, au sixième livre des Hypotyposes, rapporte le fait et l'évêque d'Hiérapolis, nommé Papias, le confirme de son témoignage." (H. E. II, 15, 1-2).

La relation d'Eusèbe, en effet, se trouve confirmée par le témoignage de l'Église ancienne, non seulement Clément d'Alexandrie et Papias, mais encore Irénée et même, semble-t-il, le Canon de Muratori (quoique lacunaire).

Nous connaissons de ce fait le lieu de sa rédaction : Rome; ce que l'analyse interne n'infirme pas, mais au contraire rend très probable.

Nous connaissons aussi la date de sa composition : sans doute les années de l'empereur Claude, soit 41-54. Mais saint Irénée nous dit qu'il fut mis par écrit après le départ des apôtres, leur "exode" ; ce qui laisse en suspens la date exacte. (Cf. Adv. Hae. III, Prologue).

Le second évangile fut très certainement rédigé avant les années 57-59, s'il est vrai qu'il fut consulté à cette date par Matthieu grec (sans doute Philippe) et Luc à Césarée maritime, avant la rédaction de leur évangile respectif. Car ils devaient abondamment se servir de Marc, peut-être sous la forme d'une version primitive et non encore publiée.

La genèse de notre second évangile, telle qu'elle nous est présentée par Eusèbe, paraît très vraisemblable car elle nous explique que cet évangile ait été placé sous le patronage de Marc, et non directement sous celui de l'apôtre Pierre, qui eût été plus prestigieux. D'autre part elle définit remarquablement le genre littéraire de ce document, ainsi que sa destination première: la lecture dans les assemblées chrétiennes, avec le blanc-seing et l'autorité de l'apôtre Pierre.


Le second évangile, une haggadah ?
L'évangile selon Marc serait conçu pour la lecture dans les assemblées chrétiennes, spécialement pour les grandes fêtes, et en particulier pour la veillée pascale.

C'est pourquoi l'exégète belge Benoît Standaert, O.S.B., a proposé de voir dans l'évangile de saint Marc une haggadah pascale chrétienne.

La lecture d'une haggadah, le soir de Pâque, était une coutume très ancrée dans les familles juives. Et bien souvent, elle le reste encore.

L'analyse interne de notre second évangile ne fait que conforter cette hypothèse. Il expose avant tout le dernier "passage" de Jésus, sa dernière Pâque, sa mort et sa résurrection.

Le récit, tissé de réminiscences bibliques, évoque en même temps l'Exode, l'épopée au désert du peuple élu sous la conduite de Moïse, le cycle d'Élie, ou encore le sacrifice d'Abraham. Tout ce que les juifs avaient coutume, ou ont encore, de se remémorer le soir de Pâque.

De plus l'évangile entier respire une ambiance initiatique et baptismale, par allusion à ce baptême que l'on pratiquait (et pratique encore) avec tant de solennité lors de la veillée pascale.

Il débute au Jourdain par le baptême du Christ des mains de Jean le Baptiste. Il fait revivre au chrétien toute la catéchèse baptismale (esquissée par exemple dans Rm 6), qui est une invitation à la mort et à la résurrection, par la plongée dans les eaux, avec le Christ.

Une grande partie de l'évangile de Marc, six chapitres sur seize, est consacré au récit des derniers jours de Jésus à Jérusalem. Ce schéma des derniers jours et de la Passion du Christ sera repris soigneusement, avec des compléments, par les deux autres synoptiques, et même par Jean à partir de l'Onction à Béthanie.


Plan de l'évangile de Marc, d'après Benoît Standaert
Dans leur grande majorité les exégètes, y compris ceux de Rome dans leurs prestigieuses universités, ont coutume de diviser l'évangile de Marc en deux parties, selon l'indication qui serait donnée par l'auteur lui-même dans son titre : "Commencement de l'Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu."

La première partie (1,1 --- 9,13) aurait pour but de nous montrer que Jésus est le "Christ" ou Messie ; la seconde partie (9,14 --- 16,20) nous ferait accéder à la notion de "Fils de Dieu".

Malgré les autorités dont il peut se prévaloir, nous ne suivrons pas ici ce schéma un peu simpliste et, malgré les apparences, mal argumenté.

En effet dès l'exorde, Jésus-Christ nous est présenté par Jean-Baptiste à la fois comme Christ et comme Fils de Dieu. Dès la première partie les démons eux-mêmes reconnaissent Jésus comme le Fils de Dieu (5,7). Avant la fin de la soi-disant première partie, Jésus est reconnu solennellement par le Père comme son Fils bien-aimé (9,7). Par contre la Passion de Jésus sera, avant tout, celle du "Christ, le Fils du Béni" (14,61), et celle du "Roi" (15,2).

Les juifs, comme le montre la question de Caïphe citée supra (14,61), et toute la tradition biblique, ne distinguaient pas entre les notions de "Messie" et de "Fils de Dieu". Pour eux, c'était tout un. N'alléguons ici que le psaume deuxième : "Tu es mon fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré." (Ps 2,7).

Nous préférons suivre le plan proposé par le même B. Standaert, que nous évoquions plus haut. Il a reconnu dans l'évangile de saint Marc une construction littéraire très bien charpentée, malgré le style volontairement simple, selon les règles de la composition, rhétorique ou dramatique, en vigueur au premier siècle.


--- I. Prologue (1,1-13)
Au Jourdain, Jean-Baptiste désigne Jésus comme le Messie et le Fils de Dieu.


--- II. Narration (1,14 --- 6,13)
Présentation de Jésus par actions et par paroles, en Galilée et sur le lac de Tibériade. Il suscite l'étonnement.

ARGUMENTATION-1-2-3 : QUI EST JÉSUS ?


--- III.1. Interrogation de plus en plus pressante (6,14 --- 8,26)
À travers la Galilée comme en dehors de la Galilée.


--- IV.2. Réponse à Césarée de Philippe et à l'Hermon (8,27 --- 9,13)
Il est le Messie, le Fils de Dieu, mais un Messie souffrant qui demande qu'on le suive.


--- V.3. Comment suivre Jésus ? (9,14 --- 10,52)
À travers la Galilée, puis la Judée, puis la Pérée, puis en direction de Jérusalem.


--- VI. Dénouement (11,1 --- 15,47)
Mort de Jésus à Jérusalem.


--- VII. Épilogue (16,1-8)
Résurrection de Jésus le matin de Pâques : "Il vous précède en Galilée." (16,7).


--- VIII. Finale (non marcienne) (16,9-20)
Récits des apparitions aux disciples.

Avec un peu de bonne volonté, on peut reconnaître là le septénaire familier de la littérature juive (la huitième partie n'étant pas de la plume de Marc). Mais l'évangile de Marc suit fidèlement toutes les péripéties du drame antique.

1. Le Prologue (Mc 1,1-13)

Jean-Baptiste vient sur scène pour présenter le drame.

2. La narration (1,14 --- 6,13)

Ne fait qu'exposer. Elle est comparable à la narration conventionnelle d'un discours.

3. L'argumentation (6,14 --- 10,52)

C'est la partie centrale, dénommée ainsi par les rhéteurs antiques.

Première section : 6,14 --- 8,26 qui pose clairement le problème de l'identité de Jésus.
Deuxième section : 8,27 --- 9,13 répond à la question: il est le Messie promis, le Fils de Dieu, mais en même temps le Messie souffrant qui demande qu'on le suive. C'est le nœud de l'intrigue.
Troisième section : 9,14 --- 10,52 expose les exigences de la sequela du Christ.
4. Dénouement (11,1 --- 15,47)

Dénouement tragique du drame, par la mort exemplaire du héros.

5. L'épilogue (16,1-8) L'évangile s'achève comme le drame antique. Un messager du ciel, tel un deus ex machina, communique aux femmes ce qui ne peut être représenté sur scène : "Il est ressuscité." (16,6).


La finale de Marc
Il est reconnu que la finale de Marc (16,9-20) ne fut pas écrite par l'évangéliste. Elle ne figure pas dans maints manuscrits importants, par exemple le Vaticanus et le Sinaïticus. Elle n'est pas de son style, mais semble plutôt résumer les autres évangiles : Luc et peut-être Jean, dans leurs conclusions.

Elle n'en est pas moins canonique, et très ancienne. Peut-être de la main de Luc, qui aurait réédité l'évangile de Marc ?

On a souvent supposé que la finale actuelle (qui connaît d'ailleurs une forme plus brève dans certains manuscrits) était là pour suppléer une finale accidentellement perdue.

Mais, outre le peu de vraisemblance d'un tel scénario (pour un manuscrit si souvent recopié!), une fin brusque de l'évangile au verset 16,8 pourrait s'expliquer dans notre hypothèse. Pour le narrateur de la veillée de Pâques, devant l'assemblée chrétienne, elle serait là comme des points de suspension déférents, pour laisser la parole au président de la synaxe eucharistique, c'est-à-dire à l'évêque : A vous, père vénéré, de conclure la séance en évoquant la résurrection du Christ.

Mais pour la lecture privée, et pour la publication, on aura voulu combler la lacune par un bref récit des apparitions du Christ à ses disciples.


Utilisation de Marc par Matthieu grec et Luc
La Théorie des deux sources, majoritairement acceptée (malgré ses difficultés!), a bien montré que les évangélistes Matthieu grec (sans doute le diacre Philippe) et Luc devaient beaucoup à l'évangile de Marc. Ils l'ont utilisé et incorporé dans leur propre ouvrage au point d'en faire l'ossature de leur évangile respectif.

Selon des statistiques, Matthieu grec aurait repris, en substance, 600 versets de Marc sur 661 : la presque totalité; et Luc au moins 350 sur 661, c'est-à-dire plus de la moitié. Au total, la teneur de Marc se retrouve presque en entier dans les deux autres synoptiques.

Mais il y a plus. Le schéma organisationnel de la vie du Christ, tel que fixé par Marc, se retrouve dans Matthieu grec et Luc : un ministère galiléen, suivi d'une seule montée à Jérusalem pour la dernière Pâque du Christ. Matthieu grec et Luc ont seulement complété ce schéma, d'une part par les récits de la naissance et de l'enfance, composés symétriquement, et d'autre part par les paroles ou discours de Jésus contenus dans les logia de l'apôtre Matthieu, qu'il ne fallait surtout pas laisser perdre.

Mise à part une première partie de Marc (1,1 - 6,13) que Matthieu grec a assez profondément bouleversée, les deux synoptiques ont remarquablement respecté la séquence de Marc, y compris et surtout pour le récit de la Passion. Ils confirment sa chronologie pour les derniers jours ou les dernières heures de Jésus.

L'entrée messianique à Jérusalem, en débouchant de Jéricho, eut lieu avant la semaine de Pâque (cf. Mc 11,1), avant l'Onction à Béthanie qui prit place deux jours avant Pâque (cf. Mc 14,1). La dernière Cène, véritable repas pascal avec manducation de l'agneau, fut célébrée le soir de Pâque (cf. Mc 14,12). Jésus fut livré dès le lendemain aux chefs juifs (cf. Mc 14,53) puis à Pilate (cf. Mc 15,1). Et Jésus, le Vendredi saint, est resté au moins six heures en croix, de neuf heures du matin (cf. Mc 15,25) à trois heures passées de l'après-midi (cf. Mc 15,34).


Utilisation de Marc par Jean
On pourrait croire a priori que l'évangéliste - et apôtre - Jean n'a pas connu l'évangile de Marc, mais seulement celui de Luc, avec lequel il offre bien des affinités, et même des points de contact probables. La séquence des événements définie par Marc, qui se retrouve dans Jean, lui viendrait à travers la lecture de l'évangile de Luc.

Un examen plus poussé oblige à admettre que Jean a connu directement l'évangile de Marc. Ce qui n'a d'ailleurs rien de surprenant, car l'évangile de Marc était déjà ancien, et fort répandu, quand Jean se mit, dit-on (Canon de Muratori) à la demande de ses confrères survivants, à la rédaction de son propre évangile.

En Jn 6,16-21 Jean a la marche sur les eaux de Jésus de Mc 6,45-52 que Luc n'a pas.
En Jn 10,40 Jean note le séjour en Pérée de Mc 10,1 que Luc omet.
Jn 12,1-11 décrit l'Onction à Béthanie de Mc 14,3-9, que Luc également omet.
La flagellation et le couronnement d'épines de Jn 19,1-3 sont rapportés par Marc (15,15b-20) et non par Luc.
Jean est bien plus synoptique qu'on ne le dit, par rapport à ses trois confrères. Et cette synopsie lui vient directement de Marc. Jean est synoptique pour la prédication de Jean-Baptiste au Jourdain. (1,6-18), pour la première multiplication des pains et la marche sur les eaux (6,1-21) remarquablement complémentaires dans les quatre évangiles (sauf que Luc n'a pas, avons-nous dit, la marche sur les eaux), pour la profession de foi de Pierre (6,67-71), et surtout le récit des derniers jours de Jésus et de la Passion à partir de l'Onction à Béthanie (sauf ajouts ou suppressions).

Manifestement le plan de la Semaine Sainte provient de Marc et, à travers lui, du témoignage de l'apôtre Pierre. Il n'a rien d'une tradition extérieure, et indépendante, comme on le dit souvent.

De plus Jean est synoptique négativement, si l'on peut dire, car il omet sciemment bien des faits, en les supposant connus par ailleurs. Il a simplement voulu compléter, et même corriger par endroit, le canevas un peu sommaire de Marc (qui ne fut pas un témoin direct de la plupart des épisodes).


Une simple vie de Jésus, du Baptême à la Résurrection
Selon ses premiers mots, le livre de Marc est une "Bonne Nouvelle", un évangile.

C'est la Bonne Nouvelle de l'avènement du Messie et aussi la Bonne Nouvelle du salut, qui est l'enseignement proclamé par Jésus lui-même : "Jésus vint en Galilée, proclamant l'Évangile de Dieu et disant : 'Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche'." (1,14-15).

Les disciples à leur tour devront proclamer cette Bonne Nouvelle dans le monde entier. (Cf. 13,10; 14,9; 16,15).

Croire en l'évangile exige repentir (1,15) et renoncement (8,34-35). Car cette bonne nouvelle ne doit pas être reçue seulement passivement. Elle exige collaboration et choix.

Le mot grec Bonne Nouvelle est le plus souvent traduit par le terme technique d'Évangile. Mais on ne doit jamais oublier sa signification première. L'"évangile", dans le monde ancien, désignait habituellement l'avènement d'un nouveau souverain qui était censé amener une ère de paix et de prospérité.

Ici, c'est l'avènement du Roi définitif qui est proclamé : le Fils de l'homme ; et l'avènement du Royaume définitif : le Royaume de Dieu.

La figure du Fils de l'homme est tout droit sortie du livre de Daniel (cf. Dn 7), du livre d'Hénoch (cf. I H 45 - 49 ; 62 - 63), du livre d'Esdras (cf. IV Esdras 13). Toutes lectures dont Jésus lui-même, et ses contemporains, devaient être friands.

Le Fils de l'homme est celui qui s'avance sur les nuées du ciel en présence de l'Ancien des jours ; il est l'Élu, l'Oint de Dieu, le Messie ou Christ, le Saint de Dieu, le Fils de Dieu né avant les siècles. À lui sont promis le jugement final du monde et la royauté éternelle.

Mais son royaume ne s'inaugurera pas par la violence, ou par la force des armes. Il appelle à la conversion. Il réclame l'adhésion des cœurs. Il est le règne d'un Dieu saint.

Car paradoxalement ce Fils de l'homme, cet Élu, est prédestiné à un avenir douloureux, un avenir d'abaissement, avant d'entrer dans sa gloire.

Pour décrire l'avènement de ce nouveau royaume, si contrasté, Marc n'emploiera pas de longues dissertations comme Paul, ou comme Barnabé (l'auteur probable de l'épître aux Hébreux). Il racontera simplement ce qu'il sait: le ministère public de Jésus, du Jourdain à la croix.

À la place de Pierre, il déploiera le kérygme (l'annonce) apostolique qui va du Baptême à la Résurrection (cf. Ac 1,21-22).

L'évangile de Marc est une "biographie" du Christ, entremêlée d'actes et de discours, de gestes, de paraboles, de miracles et de persécutions subies. Une biographie comme on savait en faire à cette époque, car le genre était très prisé. Il la fera avec application, observant les lois de la rhétorique antique, mais sans prétention.

Pour les chrétiens, rien n'est plus précieux que son témoignage.


Bref résumé du kérygme
Dès le Prologue (1,1-13) Jésus nous est présenté comme le Messie, le Fils de Dieu. Mais la plupart des acteurs du drame ignoreront jusqu'au bout cette identité. Ce qui créera le suspense. Le Fils de l'homme eschatologique reçoit l'onction divine de l'Esprit Saint qui le conduira désormais, et le Père le proclame son Fils.

Poussé au désert par l'Esprit, Jésus se prépare à affronter son ennemi principal : Satan. Mais les anges le servent, et les bêtes sont témoins.

Dans la Narration (1,14 --- 6,13) nous entendons Jésus inaugurer son règne, qui est celui de Dieu. Il réclame le repentir des foules pour l'accueillir.

Déjà le roi désigne ses premiers disciples, qui seront ses ministres. Première victoire sur Satan, par la guérison d'un démoniaque.

Constamment Jésus impose le silence aux démons, et même à ses amis, pour qu'ils taisent son identité véritable: c'est ce qu'on appelle le secret messianique. Il le leur impose parce qu'il craint que les foules ne se leurrent sur ses intentions, et ne fassent de lui un roi temporel, alors qu'il est le roi eschatologique. Il ne peut et ne veut s'imposer que par un accueil désintéressé: l'accueil des cœurs.

Le Nouveau Souverain s'avance souverainement dans sa patrie, la Galilée. Il désigne ses premiers disciples, qui seront ses ministres. Il chasse les démons. Avec une condescendance royale, il guérit la belle-mère de son premier ministre, Pierre, dans la maison duquel il était descendu. Il parcourt toute la Galilée. Il guérit toute infirmité: les lépreux, les paralytiques. D'un signe il appelle Lévi, fonctionnaire d'Hérode, qui deviendra fonctionnaire du Royaume de Dieu. Il discute avec les Pharisiens. Les foules de tous les pays environnants accourent pour le suivre. Il connaît un immense succès.

Il institue ses "Douze" et définitifs ministres. Il écarte d’un geste ses parents qui cherchent à l'accaparer. Il répond aux calomnies des scribes. Il enseigne les foules en paraboles. Maître des éléments, et Dieu, il apaise la tempête. Il s'aventure en pays semi-païen, par delà le lac. De part sa puissance évidemment divine, il ressuscite la fille de Jaïre. Il visite sa patrie, Nazareth, où il est accueilli froidement. Il envoie les Douze au devant de lui, en mission deux à deux. Eux-mêmes se mettent à chasser les démons, à guérir les malades.

Au début de l'Argumentation (6,14 ---10,52)

1. dans la première section (6,14 --- 8,26) le narrateur, Marc, commence par un nouvel en-tête (6,14-16) où l'on entend Hérode, le tétrarque, poser la question décisive de l'identité de Jésus.
Suit une digression (prévue par la rhétorique antique) où Marc raconte le sort tragique réservé au Baptiste, préfiguration de celui que devait subir le Fils de l'homme en personne.

Jésus multiplie les pains pour les foules. Il marche sur les eaux. De partout, on lui amène les malades. Il discute avec les inquisiteurs, Pharisiens et Scribes, descendus de Jérusalem pour enquêter sur son cas. Jésus stigmatise les traditions humaines, pratiquées au détriment du commandement divin. Il dévalorise la pureté tout extérieure de la Loi, au profit de la pureté intérieure, celle de la conscience.

Déjà il s'aventure en pays étranger. Il guérit une Syrophénicienne, un sourd-bègue. Multiplie de nouveau les pains, cette fois au profit des païens.

Les Pharisiens incrédules demandent un signe.

Il guérit un aveugle.

2. Dans la section centrale du livre (8,27 --- 9,13) nous entendons Pierre répondre clairement à l’interrogation de Jésus : "Tu es le Christ." (8,29). C'est alors que Jésus annonce une première fois sa passion.
Au cœur du livre (8,34-38) Jésus expose la condition pour suivre ce Messie paradoxal: se renoncer.

Au sommet de l'Hermon, la Transfiguration authentifie solennellement, au nom de Dieu, l'identité de Jésus, et sa mission : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-le." (9,7). Mais Jésus impose encore le silence à ses amis.

3. La troisième section (9,14 --- 10,52) de l'argumentation expose comment suivre Jésus. C'est en Galilée, puis en Judée, puis en Pérée, puis en route vers Jérusalem. D'une phrase, Jésus résume son propos : "Le Fils de l'homme lui-même n'est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour une multitude." (10,45).
Jésus guérit un aveugle à Jéricho, qui le reconnaît comme le "Fils de David." (10,47.48).

Le Dénouement (11,1 --- 15,47) voit l'entrée pacifique du Messie, monté sur un petit âne, dans sa capitale, Jérusalem. Jésus, maître chez lui dans le Temple, en expulse les vendeurs. Les autorités ne peuvent que s'incliner.

Divers enseignements solennels.

Discours eschatologique, où Jésus prédit la ruine de Jérusalem et la fin du monde, sans les distinguer. Selon Daniel, Hénoch, Esdras, il prophétise la venue finale du Fils de l'homme (lui-même) sur les nuées du ciel.

"Veillez !" (13,37).

Deux jours avant la Pâque, à Béthanie, une femme procède par avance à son ensevelissement.

Judas trahit.

Jésus mange sa dernière Pâque avec ses amis ; il institue l'eucharistie.

À Gethsémani, il souffre en compagnie de Pierre, Jacques et Jean. Il appelle son Père : "Abba." (14,36).

Les événements se précipitent. Il est arrêté. Pierre le renie lamentablement. Il est jugé par le Sanhédrin, par Pilate, flagellé, couronné d'épines, crucifié à neuf heures du matin. Il expire à trois heures de l'après-midi. Le centurion romain le déclare "Fils de Dieu." (15,39). Il est enseveli dans le tombeau d'un riche.

L'Épilogue (16,1-8). Au matin du dimanche, les femmes découvrent le tombeau vide. L'ange proclame qu'il est ressuscité et donne rendez-vous, en Galilée, à Pierre et aux autres disciples.


L'évangile de Marc est aussi l'évangile de Pierre. On remarque la place importante de Pierre, tout au long du récit. Rien n'est caché de ses faiblesses, de sa trahison et de la confiance sans faille que, malgré tout, lui accorde le Christ.


Conclusion. Marc, le créateur du genre "évangile"
En rédigeant une vie de Jésus pour proclamer le "kérygme de la foi", l'annonce de la Bonne Nouvelle, Marc a incontestablement créé un genre littéraire nouveau, qui sera repris dans les trois autres évangiles canoniques, et dans bien d'autres évangiles apocryphes (non reconnus par l'Église).

Dès les premiers mots de son ouvrage, il s'est servi d'un vocable qui sera repris par ses imitateurs : "Commencement de l'Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu." (Mc 1,1)

Certes l'apôtre Matthieu avait publié en langue hébraïque des logia, dont l'existence nous est connue par la tradition et qui étaient sans doute plus anciens. Dès l'antiquité on les avait affublés rétrospectivement du titre d'évangile, ou même d' "évangile araméen". Saint Irénée écrivait: "Ainsi Matthieu publia-t-il chez les Hébreux, dans leur propre langue, une forme écrite d'Évangile." (Adv. Hae. III, Prologue).

Mais les logia de l'apôtre Matthieu, la fameuse "source Q" des exégètes allemands, tels qu'on peut les reconstituer grâce aux évangiles canoniques de Matthieu (grec) et Luc, qui les ont largement utilisés, ne contenaient guère que des sentences, ou des discours de Jésus, peut-être notés de son vivant, ou peu de temps après son départ de ce monde, mais très peu de récits :

sûrement la guérison du serviteur d'un centurion (Mt 8,1.5-10.13 = Lc 7,1-10),
et la question de Jean-Baptiste de sa prison (Mt 11,2-11.14-19 = Lc 7,18-35).
Peut-être le détail des tentations du Christ (Mt 4,2-11a = Lc 4,2b-13).
Ils ne formaient pas une histoire suivie de Jésus et leur plan était assez imprécis. La Passion du Sauveur n'était pas racontée.

C'est donc bien Marc qui a créé le genre "évangile", et même lui qui en a établi la structure fondamentale, en particulier pour le récit de la Passion, qui sera largement respectée par ses successeurs.

Le style de Marc est très particulier: primesautier, alerte, précis. Il va en s'améliorant au fil de la narration. Au début assez heurté, concis, rapide, il devient peu à peu plus fluide, plus coulant, tel un torrent qui deviendrait ensuite un fleuve plus tranquille.

C'est que Marc était sans doute un novice. Il s'est formé lui-même en composant.

Il s'attarde souvent sur des détails très concrets, qui dénotent un témoin visuel (il l'était à travers Pierre, son maître) : le coussin où dormait Jésus, à l'arrière de la barque (cf. Mc 4,38), les chaînes, les entraves dont était lié le démoniaque gérasénien, les cris qu'il poussait, les pierres dont il se frappait (cf. Mc 5,3-5), etc.

Bien souvent ses confrères, Matthieu grec et Luc, ont abrégé son propos.

Son évangile est rempli d'aramaïsmes, et il cite nombre de mots araméens : Talitha koum ; Ephatha ; Corban ; Bartimée ; Abba ; Rabbi ; Rabbouni ; Élôï, Élôï, lema sabachtani. Ce qui trahit son origine palestinienne, ainsi que celle de Pierre.

En même temps, on subodore à certains détails que son évangile ne fut pas écrit en Palestine, mais plutôt dans un milieu païen, et même occidental, vraisemblablement à Rome, comme le voulait Eusèbe. Il éprouve le besoin d'expliquer les mœurs juives (cf. Mc 7,3-4). Il précise que les deux piécettes de la veuve, déposées dans le tronc du Temple, valent, en monnaie romaine, un quart d'as (cf. Mc 12,42).

Marc emploie un certain nombre de mots grecs qui ne sont qu'une transcription du latin : le "grabat " du paralytique (cf. Mc 2,4) ; la "légion" du possédé (cf. Mc 5,9) ; le "prétoire" (cf. Mc 15,16) ; le "centurion" (cf. Mc 15,39). Il précise que la femme qui renvoie son mari commet également un adultère (cf. Mc 10,12) : cette clause reflète le droit romain, car le droit juif n'accordait qu'au mari le droit de répudiation. Il signale que la "Parascève" des juifs correspondait à la veille du sabbat (cf. Mc 15,42).

On suppose, comme il est dit dans l'en-tête de cet article, que le jeune homme de Mc 14,51-52 saisi dans la nuit de Gethsémani, mais qui s'enfuit tout nu, en laissant son drap, n'était autre que l'auteur de notre évangile. On ne voit pas pourquoi il aurait noté ce détail insignifiant, que les autres évangélistes ont passé sous silence. On ne voit pas de qui il l'aurait appris.

Mais il y a plus. Nous savons par les Actes des Apôtres que sa mère avait une maison à Jérusalem, où elle accueillait la première communauté chrétienne. (Cf. Ac 12,12). Il est donc fort probable que ce "Jean, surnommé Marc" (id.) fut non seulement un témoin du Christ de auditu, à travers le discours de Pierre, mais aussi un témoin de visu, au moins des derniers temps de la vie du Christ et sûrement de sa passion, auxquels il fut mêlé, étant encore jeune homme.

C'est sans doute à cette circonstance que nous devons de posséder, dans son évangile, une relation si détaillée de ces événements fondateurs.

Cousin de Barnabé (cf. Col 4,10), Marc suivit d'abord Paul dans ses pérégrinations (cf. Ac 12,25; 13,5.13). S'étant séparé de Paul, il accompagna ensuite Barnabé dans son évangélisation de Chypre (cf. Ac 15,37-39). Puis il revint au service de l'apôtre Pierre qu'il avait connu à Jérusalem (cf. Ac 12,12-17). Dans sa première épître, Pierre l'appellera "Marc, mon fils." (1 P 5,13).

Mais il n'était pas pour autant fâché avec Paul (à Dieu ne plaise !) puisque Paul écrira dans sa deuxième épître à Timothée : "Prends Marc et amène-le avec toi, car il m'est précieux pour le ministère." (2 Tm 4,11)...

Certes, il pouvait être précieux à Paul, à cause de l'évangile !

Dans sa deuxième épître aux Corinthiens, Paul déjà mandait :

"Nous envoyons avec lui le frère dont toutes les Églises font l'éloge au sujet de l'Évangile." (2 Co 8,18).

pravoslavac

Christianisme [Orthodoxe]
Christianisme [Orthodoxe]
Messages : 165
Enregistré le : 14 févr.06, 02:42
Réponses : 0

Ecrit le 28 mai07, 06:50

Message par pravoslavac »

L'évangile selon Luc (kata Lukas, où kata signifie selon) a pour auteur Luc (médecin et, selon la légende, peintre, compagnon de saint Paul). Il n'a pas connu lui-même le Christ, durant son ministère public. Il a également composé les Actes des Apôtres, qui sont la suite de son évangile. Les deux livres sont pareillement dédiés à "Théophile" (personnage réel, ou peut-être fictif, figure de l' "ami de Dieu", Théo-phile). Les deux ouvrages ont été rédigés probablement dans les années 60, avant la destruction du Temple (en 70), et avant le martyre des apôtres Pierre et Paul à Rome (en 64 ou 67).

Avec l'évangile selon Marc et l'évangile selon Matthieu, il fait partie des évangiles dits synoptiques. C'est le plus long des quatre évangiles, retenus dans le Nouveau Testament.





La genèse de l'évangile de Luc, et son auteur
La tradition unanime a toujours attribué à Luc, compagnon de Paul, la composition de notre troisième évangile.

Saint Irénée notait dans son Adversus Haereses (vers 180):"De son côté Luc, le compagnon de Paul, consigna en un livre l'Évangile que prêchait celui-ci." (Adv. Hae. III, Prologue)

Un ancien prologue grec de l'évangile de Luc, daté de la fin du second siècle, décrivait ainsi la genèse de cet évangile, et son auteur: "Luc était un syrien d'Antioche, médecin de profession, disciple des apôtres, et plus tard un accompagnateur de Paul jusqu'à son martyre. Il servit le Seigneur sans divertissement, sans femme et sans enfants. Il mourut à l'âge de 84 ans, en Béotie, rempli du Saint Esprit."

Ce prologue poursuivait: "Quoique des évangiles existassent déjà, celui selon Matthieu, composé en Judée, et celui selon Marc en Italie, il fut incité par le Saint-Esprit, et composa cet évangile entièrement dans la région avoisinant l'Achaïe; il rend très clair dans le prologue que les autres (évangiles) avaient été écrits avant le sien [...] Plus tard le même Luc écrivit les Actes des Apôtres." (Cf. Joseph A.Fitzmyer, The Gospel according to Luke, I-IX, 1981, page 38-39).

De même le Canon de Muratori (document romain du milieu du second siècle): "Troisièmement, le livre de l'évangile selon Luc. Ce Luc était médecin. Après l'Ascension du Christ, Paul l'ayant pris pour second à cause de sa connaissance du droit, il écrivit avec son assentiment ce qu'il jugeait bon."

Il continue: "Cependant lui non plus ne vit pas le Seigneur dans la chair. Et par conséquent selon ce dont il avait pu s'informer il commença à le dire à partir de la Nativité de Jean." (Revue biblique, 1933).

Luc nous est bien connu par le Nouveau Testament, s'il est vrai qu'il fut l'auteur du troisième évangile et des Actes des Apôtres, s'il est vrai qu'il fut l'accompagnateur de Paul et qu'il s'exprimerait, à la première personne, dans toutes les sections "Nous" des Actes (16,10-17; 20,5 --- 21,18; 27,1 --- 28,16).

On trouve déjà le "Nous" dans le texte occidental des Actes (T.O.) au verset 11,28 et donc dès le temps de la fondation de l'Église d'Antioche (vers l'an 37). Cela confirme le renseignement donné dans le prologue ci-dessus, que Luc serait antiochien.

Paul se réfère à Luc en Col 4,14 où il l'appelle "le cher médecin" ; de même dans l'épître à Philémon (24) où Luc se trouve en compagnie de Marc, pendant la première captivité romaine de Paul, et dans la deuxième à Timothée (4,11): "Seul Luc est avec moi."

La mention ci-dessus a fait supposer avec vraisemblance que Luc devait être, sous les directives de Paul, le rédacteur des épîtres dites pastorales (1 Tm; 2 Tm; Tt). En effet, on croit y reconnaître son style. *

Tout cela paraît clair et concordant. Mais il reste à expliquer un fait littéraire précis, révélé par l'analyse interne des évangiles, et des rapports qu'ils semblent entretenir entre eux.

Comment se fait-il que Matthieu grec et Luc ont utilisé conjointement, d'une part l'évangile de Marc qu'ils ont inséré dans leur narration au point d'en faire le canevas de leur propre ouvrage, et d'autre part une source inconnue, mais commune, qu'on a baptisée du nom de "source Q" (du mot allemand Quelle, source)?

Ils ont complété ce travail par l'adjonction parallèle des récits de l'enfance, et par les résultats de leur enquête personnelle. Il reste aussi à expliquer pourquoi, si Luc a écrit l'évangile et les Actes en Grèce (voir ci-dessus), le livre des Actes se termine à la fin de la première captivité romaine de Paul, à Rome, et ne raconte pas la fin de sa vie.

C'est à toutes ces questions que va essayer de répondre "l'hypothèse du diacre Philippe", développement de la Théorie des deux sources (dont la source Q).


L'hypothèse du diacre Philippe
L'hypothèse du diacre Philippe est un aménagement de la "Théorie des deux sources" (voir l'article : Problème synoptique).

D'après cette hypothèse, le diacre Philippe, l'un des Sept, serait l'auteur réel de l'évangile de Matthieu, après concertation avec Luc, compagnon de Paul de Tarse lors du séjour en Palestine de ce dernier, vers 57-59 (cf. Ac 21,8 --- 27,2) ; plus précisément à Césarée maritime, lieu de résidence de Philippe, où Paul lui-même fut retenu prisonnier pendant près de deux ans.

Philippe et Luc auraient hérité de deux sources :

les logia du Seigneur rédigés en araméen par l'apôtre Matthieu, selon la tradition,
et l'évangile de Marc, issu du témoignage et des prédications de l'apôtre Pierre.
Philippe comme Luc auraient eu tout le temps de mener leur enquête personnelle.

L'helléniste Philippe et Luc auraient ensuite composé indépendamment l'un de l'autre, en grec, leur évangile respectif, l'un à Césarée maritime (Philippe), et l'autre à Rome (Luc).

Il ne serait pas impossible que Philippe comme Luc se fussent servis d'une version privée de Marc, plus ancienne (l'Urmarkus des exégètes allemands), non publiée et légèrement différente de celle que nous connaissons.

Le diacre Philippe (ou l'Église après lui) aurait laissé le premier évangile sous le patronage de l'apôtre Matthieu, parce qu'il y insérait largement les logia et que le nom d'un apôtre était plus prestigieux.

Il faut remarquer qu'en Ac 21,8 Philippe est dit "Philippe l'évangéliste", ce qui signale pour le moins un spécialiste de l'évangile.

Cette hypothèse a l'avantage de concilier remarquablement les données de la tradition (critique externe) et les données textuelles de la question synoptique (critique interne). En particulier, elle lève certaines apories de la théorie des deux sources.

Pourquoi Matthieu grec (selon cette hypothèse Philippe) et Luc, quoique ayant travaillé indépendamment l'un de l'autre, connaissent-ils malgré tout des accords remarquables : même place des évangiles de l'enfance avec des développements parallèles quoique différents, insertion au même endroit dans la trame de Marc (3,19) des Béatitudes et du Sermon sur la Montagne (quoique sous des formes très dissemblables, et quoique Marc en cet endroit ne parle ni de béatitudes ni de sermon), utilisation de deux sources identiques: les logia et Marc (quoique avec des modalités très diverses), sans parler de maints accords de détail (contre Marc) qui sont depuis longtemps des "croix" pour les exégètes.

Il n'y eut donc pas copie entre eux, mais bien concertation préalable, et même lecture commune des mêmes sources.

D'autre part il est très vraisemblable que le premier évangile (Matthieu grec) ait été composé en Palestine car il dénote une connaissance précise de ce pays.

On peut relever de surcroît que le témoignage intensif du diacre Philippe pour la rédaction des Actes des Apôtres paraît plus que probable.

Certaines traditions très anciennes nous disent que l'évangile de Luc, et les Actes, auraient été composés en Grèce, et que Luc lui-même serait mort en Grèce.

Mais précisément Luc a suivi Paul en Grèce après la fin de la première captivité romaine (cf. 1 Tm 1,3) et il a pu retourner en Grèce après le martyre de l'Apôtre.

On doit effectivement constater que l'évangile de Luc et les Actes nous sont parvenus sous deux formes légèrement différentes: le texte alexandrin, ou texte reçu, et le texte dit "occidental" (le T.O.), qui toutes les deux paraissent authentiques, de la main de Luc.

Ces livres ont pu connaître deux éditions, une à Rome, à la fin de la première captivité romaine de Paul (effectivement la narration des Actes s'arrête là). Et l'autre en Grèce. Luc, qui n'avait pas forcément emporté tous ses documents, a pu reconstituer son texte de mémoire, en y apportant quelques variantes originales, quoique minimes.


Utilisation de l'évangile de Marc par Luc
On a déjà dit ailleurs (voir : évangile selon Marc) que Luc avait utilisé, en substance, au moins 350 versets de Marc sur 661.

Mais il a fait bien plus. Il s'est servi du travail de Marc comme de l'armature de son propre livre, à l'instar de Matthieu grec (Philippe). Mieux que Philippe, il en a respecté la séquence, ou suite, ou ordre.

Neuf brèves péricopes de Marc, seulement, sont déplacées par Luc. Et encore parmi ces neuf, plusieurs de ces déplacements apparents sont dus simplement au fait (on peut l'inférer avec une bonne probabilité) que Luc, les ayant trouvées en double, dans Marc et dans les logia, les a supprimées dans le parallèle avec Marc et les a laissées avec les logia.

Les épisodes que Luc a réellement déplacés se réduisent donc à cinq péricopes, que l'on peut citer:

Lc 3,3 = Mc 1,4
Lc 3,16c = Mc 1,8b
Lc 8,19-21 = Mc 3,31-35
Lc 22,19-20 = Mc 14,22-25
Lc 23,33b = Mc 15,27
On le constate, ce sont des déplacements insignifiants, et très limités dans l'espace; plutôt des inversions rédactionnelles.

Notons cependant qu'au moment de la dernière Cène, Luc a placé l'institution de l'eucharistie (cf. Lc 22,19-20) avant l’annonce de la trahison de Judas Iscariote, alors que Marc (14,22-25), suivi par Matthieu (26,26-29), l'a placée après.

En réalité Luc s'est servi de Marc, et de ses autres sources, en les intercalant dans des plages bien visibles, avec de nettes sutures, au point que le plan que l'on devra établir de l'évangile de Luc tiendra compte, en priorité, de ces plages, avant tout autre considération, théologique ou chronologique.

Les passages de Luc que l'on peut attribuer à Marc sont:

3,1 --- 6,19 (moins la généalogie: 3,23-38)
8,4 --- 9,50
18,15-43
19,28 --- 23,7
23,13 --- 24,8
Soit la majorité des récits de Luc, non tous cependant, car il en a pris dans son enquête personnelle, ou même dans la source Q. Mais Marc reste évidemment le guide, et le prototype de son livre: ce fait souligne la considération et l'autorité qu'il lui accordait, lui historien, à l'instar de Matthieu grec. Car cet évangile représentait le témoignage de Pierre.

On doit relever cependant, ce qui vient un peu atténuer les propos précédents, que Luc, à la différence de Matthieu grec, a pratiqué de grandes coupes dans la narration de Marc, que, bien souvent, on s'explique, parce qu'il a des épisodes équivalents, et que, d'autres fois, on ne s'explique pas.

Notons surtout la grande omission de Mc 6,45 --- 8,26 qui inclut la seconde multiplication des pains, l'étape en Pérée et la question sur le divorce (Mc 10,1-12), la demande des fils de Zébédée (Mc 10,35-45), le figuier stérile et desséché (Mc 11,12-14.20-26), le plus grand commandement (Mc 12,28-34) etc.

On ne doit jamais oublier qu'entre le moment de la consultation commune des documents par Matthieu grec et Luc (vers 57-59) à Césarée maritime, et celui de la rédaction du troisième évangile à Rome (vers 60-62), un événement sensationnel s'est produit: l'un des naufrages les plus spectaculaires de toute la littérature antique, narré par Luc en personne (cf. Ac 27,9-44). Luc a dû perdre en route plus d'un manuscrit !


Les logia dans Luc
Il semble que Luc ait utilisé les logia de l'apôtre Matthieu (la fameuse "source Q" des exégètes allemands) dans deux plages bien délimitées de son évangile:

Lc 6,20 --- 8,3
Lc 9,51 --- 18,14
Autrement dit le Sermon sur la montagne (ou plutôt, chez Luc, en redescendant de la montagne) et la fameuse insertion dans la chaîne de Marc (entre les deux versets Mc 9,50 et Mc 10,1) de l'immense plage Lc 9,51 --- 18,14 que l'on pourrait appeler l' « insertion des montées », par allusion aux psaumes du même nom, puisqu'elle s'inscrit dans le cadre de la dernière montée de Jésus à Jérusalem telle que narrée par Luc.

"Or il advint, comme s'accomplissait le temps où il devait être enlevé, qu'il prit résolument le chemin de Jérusalem." (Lc 9,51)

À ces deux plages, il convient d'ajouter le logion isolé: Lc 22,30 correspondant à Mt 19,28, mais surtout les imprécations de Jean-Baptiste et le détail des tentations du Christ, au début de la vie publique: Lc 3,7-9.17; 4,2b-13 = Mt 3,7-10.12; 4,2-11a.

Lesdites imprécations et tentations pouvaient d'ailleurs faire l'objet d'un document à part, distinct de la source Q. Mais on n'a aucun moyen de le démontrer.

On sait que l'existence de la source Q ne fait aucun doute, puisque Matthieu grec et Luc possèdent en commun des textes qui ne sont pas dans Marc.

Par contre il est très difficile, impossible même, de délimiter les contours précis de ce document, son plan, son libellé exact, puisque d'une part Matthieu grec (Philippe) et Luc ne l'ont pas repris dans le même ordre ni le plus souvent selon le même libellé; et d'autre part on ne sait pas s'ils l'ont rapporté in extenso (le contraire est même probable).

Dans la fameuse plage : Lc 9,51 --- 18,14 Luc a sans doute rajouté des récits ou paraboles de son crû, tirés de son fonds personnel: par exemple l’histoire du bon samaritain Lc 10,29-37) ; Lazare et le mauvais riche: Lc 16,19-31; le pharisien et le publicain: Lc 18,9-14; puisque ces péricopes n'ont pas d'équivalent dans Matthieu grec.

On ne possède aucun moyen de s'en assurer; et dans la suite, par méthode, on fera comme s'il les avait pris dans la source Q, autrement dit dans les logia de l'apôtre Matthieu.


Plan de Luc d'après ses sources connues, ou présumées
À part Marc, dont on connaît le texte, les sources de Luc sont toutes présumées, et même incertaines. Même la "source Q" est pour partie incertaine: elle est certaine dans la mesure où elle est commune à Matthieu grec et Luc (hors Marc); elle est incertaine pour les péricopes propres au seul Matthieu grec ou au seul Luc et qu'on peut penser néanmoins lui appartenir.

Mais l'existence de ces sources et les intercalations de Luc dans le texte de Marc, elles, ne sont pas douteuses, mais se repèrent par des sutures bien visibles, quand on suit l'évangile de Marc en parallèle.

Ces intercalations sont la structure même de notre troisième évangile et le procédé de Luc. Elles représentent sa méthode et sa manière de composer. Ce fait d'expérience, pour l'exégète attentif, se vérifiera pareillement dans les Actes des Apôtres, second ouvrage de Luc : où il fera intervenir alternativement les témoignages de Jean (supposé), du diacre Philippe, de Paul, de Marc (supposé), de Luc lui-même, l'auteur, avec ses carnets de route etc.

On pourrait caricaturer sa méthode, dans l'évangile, par cette boutade : du Marc, entrelardé des logia de Matthieu, le tout garni de mes assaisonnements personnels.

Curieusement donc le troisième évangile, œuvre de l'historien et styliste Luc, s'offre à nous comme le moins structuré, planifié, composé, des quatre évangiles canoniques (Jean se révélera comme typiquement septénaire, selon la formule sémitique habituelle, et savamment distribué, telle l'Apocalypse, même si la plupart des exégètes ne s'en aperçoivent pas).

On a souvent résumé l'évangile de Luc par cette formule lapidaire: une montée de Jésus à Jérusalem, et vers la croix du Golgotha ; tout son livre ne serait qu'une montée.

Cette formule est exacte, bien sûr, sauf qu'on peut faire remarquer que cette ligne très simple de la montée vers Jérusalem existait déjà dans Marc.

Non. L'historien Luc a d'abord voulu préserver la substance de tous ses documents, même s'il les a abrégés. Il s'est situé d'emblée dans une attitude très humble à leur égard, bien qu'il les ait revêtus de son style splendide et imprégnés de sa haute spiritualité; au sens propre et explicite du mot: son sens de l'Esprit Saint.

C'est pourquoi le plan que nous proposerons, de Luc, fera d'abord appel à la nomination et à l'identification (présumées) de ses sources.

Les autres plans qu'on peut lire de Luc, y compris sous des plumes savantes, paraissent artificiels, et même, à la limite, faux car ils ne tiennent pas compte de son procédé empirique de composition.


Plan de Luc, d'après ses sources connues, ou présumées :




MARIE (PAR JEAN) : 1,1 --- 2,52 (plus 3,23-38).
La naissance. L'enfance. La généalogie.




MARC : 3,1 --- 6,19 (moins 3,23-38).
Ministère public, en Galilée, jusqu'au discours inaugural.




MATTHIEU ARAMÉEN : 6,20 --- 8,3
Discours inaugural, et ses suites.




MARC : 8,4 --- 9,50
Suite du ministère galiléen.




MATTHIEU ARAMÉEN : 9,51 --- 18,14
Montée vers Jérusalem.




MARC : 18,15-43
Jésus dans la vallée du Jourdain. Arrivée à Jéricho.




LUC (ENQUÊTE PERSONNELLE) : 19,1-27
Zachée, et la parabole des mines, à Jéricho.




MARC : 19,28 --- 23,7
Entrée à Jérusalem. Ministère à Jérusalem. Début du procès.




LUC (ENQUÊTE PERSONNELLE) : 23,8-12
Comparution devant Hérode.




MARC : 23,13 --- 24,8
Suite du procès. Crucifixion. Résurrection.




JEAN : 24,9-53
Récit des apparitions. Ascension.


On pourrait aisément compléter ce schéma, en nommant et commentant tous les épisodes qui sont contenus dans l'évangile de Luc (on peut en dénombrer 171).


Les évangiles de l'enfance dans Luc
On a vu à propos de l'évangile selon Matthieu que "Matthieu grec" (peut-être le diacre Philippe) et Luc, qui s'étaient longuement consultés à Césarée maritime (vers 57-59), avaient dû décider de raconter chacun de leur côté les évangiles de l'enfance, l'un (Philippe) selon le point de vue de Joseph, père légal de Jésus, et des "frères du Seigneur", et l'autre, Luc, selon le point de vue de Marie, mère du Christ, sans doute après avoir contacté l'apôtre Jean qui, on le sait (cf. Jn 19,27), avait recueilli Marie.

Leurs récits sont disposés symétriquement dans leur évangile respectif, et bien que les faits racontés soient différents, ils sont superposables, et en tout cas parfaitement conciliables, pour ce qui concerne les principales affirmations historiques ou doctrinales sur Jésus :

naissance de Jésus à la fin du règne d'Hérode (Mt 2,1; Lc 1,5) ;
Joseph, de la maison de David (Mt 1,16.20; Lc 1,27; 2,4) ;
naissance virginale (Mt 1,25; Lc 1,26-38) ;
conception grâce à l'action du Saint-Esprit (Mt 1,18.20; Lc 1,35) ;
le nom de Jésus choisi par le ciel (Mt 1,21; Lc 1,31) ;
naissance à Bethléem (Mt 2,1; Lc 2,4-7) ;
vie cachée à Nazareth (Mt 2,23; Lc 2,39.51) ;
Jésus, appelé Fils de Dieu (cf. Mt 2,15; Luc 1,32) ;
etc. Objectivement, on ne discerne aucune divergence entre eux. Ce qui, étant donné leur mode d'élaboration indépendant, sauf concertation préalable comme nous le pensons, peut paraître un exploit.

Quand Paul et Luc parvenaient à Césarée maritime (sans doute en 57), ils arrivaient tous deux d'Anatolie. Luc avait pu interroger l'apôtre Jean à Éphèse, s'il y était déjà installé comme le veut la tradition. Ou encore Luc a-t-il pu le rencontrer en Palestine, s'il ne s'était pas encore expatrié. Peut-être même Luc a-t-il pu s'entretenir directement avec Marie, la mère du Christ.

Dans Luc, Marie livrant ses souvenirs, soit à l'apôtre soit directement à l'évangéliste, affirme à deux reprises qu' "elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur." (Lc 2,19; cf. 2,51). Si elle a conservé tous ces souvenirs, c'était pour la postérité. Si elle les a médités, c'est qu'elle a dû chanter bien souvent dans son cœur les cantiques qui y sont contenus : celui de Marie (cf. Lc 1,46-56), celui de Zacharie (cf. Lc 1,67-79), celui du vieillard Syméon (cf. Lc 2,29-32). Toute cette poésie est emplie de réminiscences bibliques. Effectivement, si de tels souvenirs sont parvenus à la connaissance de Luc, et à la nôtre, ce ne peut être que par Marie.


La généalogie lucanienne de Jésus
Au contraire de la généalogie matthéenne (cf. Mt 1,1-17) qui était une généalogie royale, partant d'Abraham et passant par David, par Salomon et par tous les rois de Juda, la généalogie lucanienne de Jésus (cf. Lc 3,23-38) se voudrait une généalogie ascendante (de Jésus à Adam) et collatérale (passant par Nathan, ou Natân, autre fils de David, cf. 2 S 5,14). Comme le voudrait saint Irénée cette généalogie serait la "récapitulation d'Adam" et avec lui de toute l'humanité. (Cf. Adv. Hae. III, 21, 10).

La généalogie de Matthieu cherchait à convaincre les juifs que Jésus était bien le Messie attendu, le "Fils de David", c'est-à-dire l'héritier légitime des rois de Juda. Celle de Luc ne voudrait que renseigner les chrétiens, les "Théophile" de Lc 1,3, sur l'origine réelle et charnelle de Jésus, Fils de Dieu, "concernant son Fils, issu de la lignée de David selon la chair." (Rm 1,3).

Ce fut sans doute sur l'ordre de Paul, dont il était le collaborateur immédiat, que Luc aura inséré en cet endroit de "mon évangile" (Rm 2,16) la généalogie exacte de Jésus, alors que celle de Matthieu n'était, de son propre aveu à elle (cf. Mt 1,16), qu'une généalogie officielle et putative.

Saint Irénée, Père de l'Église, a défendu vigoureusement ce point de vue, affirmant à plusieurs reprises que Marie était elle-même descendante de David (cf. Adv. Hae. III, 9, 2; 16, 3; 21, 5) et que : "C'est de Marie encore Vierge qu'à juste titre il [Jésus] a reçu cette génération qui est la récapitulation d'Adam." (Adv. Hae. III, 21, 10).

Dans le libellé de la généalogie de Luc : "Étant le fils de (croyait-on Joseph), d'Héli, de Matthat,..." (Lc 3,23), l'incise ("croyait-on Joseph") est une négation, comme on le sait par les deux premiers chapitres de l'évangile. Mais cette négation ne porte que sur le premier terme de la liste, sauf à déboucher aussitôt sur des absurdités: Jésus ne serait pas le fils de Joseph, ni d'Héli, ni de Nathan, ni de David, ni de Jessé, ni d'Abraham, ni de Noé, ni d'Adam, ni de Dieu !

On ne voit pas dans quel intérêt, apologétique ou documentaire, Luc aurait inséré dans son évangile une généalogie qu'il aurait sue fausse de bout en bout.

Elle était certainement authentique, non seulement dans l'esprit d'Irénée mais de saint Luc.

Dans le Talmud, Marie, mère de Jésus, est formellement identifiée comme "fille d'Héli". (Chagig. 77,4. Cf. Frédéric Godet, Commentaire sur l'Evangile de Luc, Tome I).

Héli, diminutif d'Eliacin (Dieu élève), pouvait être un équivalent de Joachim (Yahvé élève), nom traditionnellement attribué au père de Marie.

D'ailleurs, objectivement, dans le récit de l'Annonciation, quand l'ange dit à Marie : "Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père" (Lc 1,32), ce ne serait que par Marie qu'il pourrait être dit le véritable "fils de David" puisque quelques instants après nous apprenions qu'il serait conçu du Saint Esprit.

Saint Irénée devait répéter sur tous les tons que Marie était ce "sein de David" que le psaume avait prédit pour porter le Fils de Dieu (cf. Ps 132,11).


Points de contact de Luc avec la tradition johannique
On entre ici dans un domaine conjectural, pour lequel on sera forcément bref.

Cependant, on ne peut nier les contacts plus que probables de Luc avec Jean et avec la tradition johannique précoce.

Comme nous l'avons vu, Luc a d'abord recueilli le témoignage de Jean, qui avait pris Marie chez lui (cf. Jn 19,27), et sans doute de Marie elle-même, pour les précieux souvenirs de l'enfance du Christ et de la généalogie.

Cette généalogie était certainement un bien familial qu'on se transmettait dans la lignée (patrilinéaire) de Marie, comme dans celle de Joseph. Le peuple juif était féru de ces généalogies, et des livres de la Bible sont presque entièrement composés de listes d'ancêtres (cf. Premier livre des chroniques, ou Paralipomènes).

Mais à l'autre bout de son évangile, Luc a dû faire aussi appel aux souvenirs de l'apôtre, au sujet des apparitions du Christ après la Résurrection, quand le témoignage de Marc faisait défaut.

En effet, la fin authentique du second évangile s'arrête à Mc 16,8 correspondant à Lc 24,8.

À partir de Lc 24,9 et de Jn 20,2 les récits des apparitions dans Luc et dans Jean, comme nombre de commentateurs l'ont noté, ont beaucoup de points communs.

Dans les apparitions du Christ racontées par Luc et par Jean, les disciples ne reconnaissent pas le Seigneur au premier abord, mais seulement sur une parole ou sur un signe. (Comparer Lc 24,30-32.35.39-43 et Jn 20,14.16.20; 21,4.6-7). Les péricopes:

Lc 24,12 et Jn 20,3-10
Lc 24,36-43 et Jn 20,19-23
se correspondent. Le verset Lc 24,12 en particulier : "Pierre cependant partit et courut au tombeau. Mais, se penchant, il ne voit que les linges. Et il s'en alla chez lui, tout surpris de ce qui était arrivé", de style lucanien en même temps que johannique, représente une tradition commune au troisième et au quatrième évangile. Le verset Lc 24,24 (dans les pèlerins d'Emmaüs) lui fait écho, et laisse entendre que Pierre ne fut pas seul dans la course au tombeau le matin de Pâques, comme il est dit dans Jean.

Il semble bien que ce témoignage de Jean, dans cette fin du troisième évangile, se poursuive pour le début des Actes des Apôtres qui ne sont que la continuation de l'évangile de Luc, au moins dans les cinq premiers chapitres.

Le personnage de Jean, au côté de l'apôtre Pierre, y jouera un rôle prépondérant. D'autre part il y sera beaucoup fait appel à la notion du "Nom" divin ou du "Nom" de Jésus-Christ, qui est de facture typiquement johannique (cf. Jn 1,12; 14,13.14; 15,16; 16,24.26 ; 20,31; 1 Jn 3,23; 5,13; 3 Jn 7).

À partir du verset 6,1 dans les Actes, le témoignage du diacre Philippe semblera prendre le relais.

Enfin la finale de Marc, qui pourrait être un appendice de la main de Luc pour une réédition du second évangile, paraît un résumé à la fois de la fin de Luc, de la fin de Jean et du début des Actes.

Jean fut un témoin authentique des apparitions du Christ, et il a pu renseigner Luc de première main, y compris pour le récit des pèlerins d'Emmaüs et du rapport qu'ils ont fait aux Onze (cf. Lc 24,35) à leur retour à Jérusalem.


Apports propres de Luc. Les résultats de son enquête personnelle
Le travail rédactionnel de Luc s'avère donc considérable dans cet évangile, qui est le plus long de nos quatre canoniques.

En plus des documents écrits: Marc, et les logia de l'apôtre Matthieu sans doute traduits à son intention par le diacre Philippe, Luc eut tout le temps, vers les années 57-59 où Paul était retenu prisonnier à Césarée maritime, non seulement de consulter Philippe à Césarée même, la capitale administrative, mais encore de monter à Jérusalem, la capitale religieuse, pour y contacter l'Église, et de parcourir la Palestine.

Ses apports propres dans l'évangile, et les résultats de son enquête personnelle, sont très sensibles, quoique difficiles à délimiter avec précision. Car dans la grande insertion de Lc 9,51 --- 18,14 (l'« insertion des montées »), Luc a pu inclure des éléments de son crû, qui n'étaient pas repris de la "source Q", mais que nous y laissons, par provision, faute de points de repère.

Et dans la chaîne de Marc, il a déplacé et modifié des éléments selon, peut-être, les conclusions de son enquête personnelle et les renseignements qu'il a pu collecter.

Les principaux ajouts de Luc sont donc :

I. Les récits de la naissance et de l'enfance (1 --- 2).
Selon Jean, et sans doute Marie, comme nous l'avons dit.

II. L'annonce de l'emprisonnement du Baptiste (3,19-20.
Luc supprimera plus loin l'incise de Marc (6,17-29) sur l'exécution de Jean-Baptiste, et l'anticipe, ici, par une annonce précoce de son emprisonnement. Travail d'historien.

III. La généalogie du Christ (3,23-38).
Insérée ici, après le baptême du Christ dans le Jourdain, d'une manière très différente de Matthieu grec (Philippe) qui avait placé la sienne en entrée, pour montrer que Jésus était l'héritier légitime de tous les rois de Juda. Luc place la sienne juste après la reconnaissance officielle du Fils par le Père au Jourdain, selon le psaume : "Tu es mon Fils ; moi, aujourd'hui, je t'ai engendré" (Lc 3,22) pour prouver que Jésus était en même temps, selon la chair, le très réel "fils de David" (cf. Rm 1,3), donc par sa mère, et le très réel "fils de Dieu", en Adam, même dans son humanité.

IV. Une visite à Nazareth (4,16-30).
Luc anticipe ici la visite à Nazareth de Mc 6,1-6a peut-être selon des renseignements propres. Les deux visites diffèrent beaucoup. Celle de Luc, placée dès le début du ministère public, est tragique et se termine par une tentative d'assassinat. Celle de Marc, après la tempête apaisée, sera plus anodine.

V. La descente à Capharnaüm (4,31-32).
Signalée en cet endroit de concert avec Matthieu grec (4,13), quoiqu'en des termes dissemblables, sans être explicitement dans Marc, en vertu d'une entente préalable ou d'une lecture commune de Marc. On peut voir là une confirmation de "l'hypothèse du diacre Philippe".

VI. Un miracle sur le lac (5,1-11).
Luc a sauté l'appel des premiers disciples au bord du lac de Mc 1,16-20. Il le remplace par le récit d'une pêche miraculeuse, située un peu plus tard. Peut-être conformément au témoignage de Jean.

VII. Les foules à la suite de Jésus (6,17-19).
Luc transpose cet épisode de Marc (3,7-12) juste après le choix des Douze, alors que Marc l'a juste avant. En cet endroit, il interrompt Marc pour y placer, d'accord avec Matthieu grec, le Sermon sur, ou en redescendant de, la montagne.

VIII. La résurrection du fils de la veuve de Naïm (7,11-17).
Luc est seul à rapporter ce miracle éclatant. On peut penser qu'il était dans la "source Q", comme, dans le texte de Luc, l'épisode précédent et l'épisode suivant. Ou peut-être est-ce un ajout de Luc, d'après son enquête personnelle.

IX. La pécheresse pardonnée (7,36-50). L'entourage féminin de Jésus (8,1-3).
Même incertitude. Le très beau récit de la pécheresse pardonnée n’est pas sans rappeler l’onction à Béthanie de Mc 14,3-9 que Luc omettra. L’événement cependant est différent. Avec la description qui lui fait suite, de l’entourage féminin de Jésus, on le suppose pris dans la source Q.

X. La vraie parenté de Jésus (8,19-21).
L'anecdote de Marc (3,31-35) transposée par Luc de juste avant à juste après le discours parabolique.

XI. La dernière montée à Jérusalem (9,51).
Luc profite de la mention de Marc (10,1) : "Partant de là [la Galilée], il vint dans le territoire de la Judée" pour placer sa grande "insertion des montées" (Lc 9,51 --- 18,14) : vers Jérusalem en passant par la Samarie (cf. Lc 17,11).

XII. Le grand commandement (10,25-28). Le bon samaritain (10,29-37). Marthe et Marie (10,38-42). L’ami importun (11,5-8). Le figuier stérile (13,6-9). Guérison d’une femme courbée (13,10-17). Guérison d'un hydropique (14,1-6).
Dans sa grande insertion, Luc place nombre d'épisodes qu'il a en propre, et que nous avons supposés par provision, faute de repères, pris dans la "source Q", bien qu'ils n'aient pas d'équivalents dans Matthieu grec. Il se peut qu'ils proviennent des résultats de l'enquête personnelle de Luc.

XIII. Le choix des places (14,7-11). Le choix des invités (14,12-14). Les invités qui se dérobent (14,15-24).
Même problème que précédemment, sauf que Matthieu grec a un verset parallèle (Mt 23,12) placé après l’entrée à Jérusalem.

XIV. Renoncer à ses biens (14,25-33).
Discours de Jésus propre à Luc, sauf versets parallèles dans Matthieu grec, ou dans Marc.

XV. Les trois paraboles de la miséricorde (15,1-32).
Même problématique, sauf que Matthieu grec a en parallèle (Mt 18,12-14) la parabole de la brebis perdue.

XVI. L'intendant infidèle et ses suites (16,1-15).
Même problématique, sauf que Matthieu grec a un verset parallèle (Mt 6,24) dans le Sermon sur la montagne.

XVII. Lazare et le mauvais riche (16,19-31). Puissance de la foi (17,5-6). Servir avec humilité (17,7-10). Les dix lépreux (17,11-19). La venue du Royaume (17,20-21).
Propres à Luc.

XVIII. Le juge inique (18,1-8). Le Pharisien et le publicain (18,9-14).
Propres à Luc, et encore dans la grande insertion.

XIX. Zachée à Jéricho (19,1-10). La parabole des mines (19,11-27).
Après la reprise du parallèle avec Marc en Lc 18,15. Seul Luc a la belle histoire de Zachée. Seul il place en cet endroit, juste avant l'entrée à Jérusalem, la dure parabole des mines. Remarquons combien cette parabole est judicieusement située, d'un point de vue géographique, car elle fut prononcée devant le palais d'Hérode, à Jéricho, qui n'était pas sans rappeler l'histoire d'Archélaüs, parti à Rome ("dans un pays lointain" (Lc 19,12) pour se faire remettre la royauté. Et son retour impitoyable à l'endroit de ses opposants (cf. Lc 19,27). On suppose que ces éléments sont dus à l’enquête personnelle de Luc.

XX. Les premiers outrages (22,63-65).
Luc a placé les premiers outrages faits à Jésus, après le reniement de Pierre, tandis que Marc (14,65) les a avant.

XXI. La comparution devant Hérode (23,8-12).
Au récit de la Passion des autres évangélistes, Luc rajoute la comparution de Jésus devant Hérode Antipas, selon les résultats de son enquête personnelle.

XXII. Les récits des apparitions du Christ, et de l'Ascension (24,9-53).
Compléments donnés à Marc, d'après le témoignage oral de Jean.


Luc, l'évangéliste de la miséricorde
Malgré ses limites, dues surtout aux incertitudes sur l'étendue réelle de la "source Q", l'analyse a montré le travail d'élaboration de l'auteur. Elle a fait toucher du doigt l'originalité de notre troisième évangile.

Saint Irénée a puissamment résumé, dans une page célèbre (cf. Adv. Hae. III, 14, 3), la nouveauté de l'évangile de Luc. Notre exposé du précédent titre le recoupait en grande partie.

Luc en personne, dans son Prologue, a précisé sa méthode et sa préoccupation première:

"Puisque plusieurs ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, d'après ce que nous ont transmis ceux qui furent dès le début témoins oculaires et serviteurs de la Parole, j'ai décidé, moi aussi, après m'être informé exactement de tout depuis les origines, d'en écrire pour toi l'exposé suivi, excellent Théophile." (Lc 1,1-3).

Théophile devait être un éditeur de Rome par lequel Luc a publié son double ouvrage de l'évangile et des Actes (cf. Ac 1,1), mais aussi un chrétien fervent qui, en l'espèce, les représente tous.

Luc a décidé de suivre l'exemple de plusieurs confrères: Matthieu l'apôtre qui, en hébreu, avait publié l'enseignement du Seigneur et plusieurs de ses faits et gestes, Marc l'interprète et le confident de Pierre, et qui lui-même avait assisté, au sortir de l'enfance, à la Passion du Sauveur et qui avait fréquenté, chez sa mère, les apôtres et la première communauté chrétienne.

Philippe enfin, le diacre et compagnon d'Étienne, qui entreprenait avec l'aide de Luc de confectionner un évangile original reprenant les logia de Matthieu, mais qu'il n'écrirait et ne publierait qu'après le départ pour Rome de Luc et de Paul.

Luc a interrogé les "témoins oculaires et [les] serviteurs de la Parole", ceux de la première génération qui avaient connu le Seigneur: avant tous Jean, l'apôtre, et même la mère de Jésus, ainsi que les "frères du Seigneur" : Jacques, Simon et Jude, et avec eux toute l'Église de Jérusalem, héritière au premier chef de la pensée et de la mémoire de Jésus le Nazaréen. Il enquêta sur place en Palestine, profitant de son séjour forcé et prolongé dans la patrie du Christ. Philippe et Luc, dans leurs investigations, ont dus travailler de concert avec Paul, puisqu'il nous est précisé que ce dernier pouvait recevoir librement dans sa prison (cf. Ac 24,23).

Luc est allé aux sources, ainsi qu'aux documents originaux, comme lui-même l'affirme avec insistance. Il l'a fait en historien consciencieux, même si son œuvre demeure artisanale à bien des égards, comme l'analyse l'a montré.

Nous terminerons notre propos, en nous inspirant librement de la Bible de Jérusalem (1998, pages 1675 sq.).

Si l'on poursuivait dans le détail la comparaison de Luc avec les autres synoptiques, on observerait sur le vif l'activité d'un écrivain qui excellait à présenter les choses d'une manière qui lui était propre, évitant ou atténuant tout ce qui pouvait froisser, ou bien ce qui serait peu compréhensible au lecteur, ménageant les personnes des apôtres, ou les excusant, interprétant les termes obscurs, ou précisant la géographie.

En vrai "scriba mansuetudinis Christi", écrivain de la mansuétude du Christ (Dante), il aimerait à souligner la miséricorde de son Maître pour les pécheurs (15,1.7.10), à raconter des scènes de pardon (7,36-50). Il insisterait volontiers sur la tendresse de Jésus pour les humbles et pour les pauvres, tandis que les orgueilleux et les riches jouisseurs seraient sévèrement traités (16,19-31).

Cependant même la juste condamnation ne se ferait qu'après les délais patients de la miséricorde (13,6-9). Il fallait seulement qu'on se repentît. Ici Luc tenait à répéter l'exigence d'un détachement décisif et absolu des richesses (14,25-33).

On notera les passages propres au troisième évangile sur la nécessité de la prière (18,1-8) et l'exemple qu'en a donné Jésus (6,12).

Enfin comme chez saint Paul, et dans les Actes (suites de l'évangile), l'Esprit Saint occuperait une place de premier plan que Luc seul soulignerait (4,1 ; 24,49).

Ceci, avec l'atmosphère de reconnaissance et d'allégresse spirituelle qui envelopperait tout le troisième évangile, achèverait de donner à l'œuvre de Luc cette ferveur qui touche.

pravoslavac

Christianisme [Orthodoxe]
Christianisme [Orthodoxe]
Messages : 165
Enregistré le : 14 févr.06, 02:42
Réponses : 0

Ecrit le 28 mai07, 06:52

Message par pravoslavac »

bientot

Jean
Actes des Apôtres
Romains
1 Corinthiens
2 Corinthiens
Galates
Éphésiens
Philippiens
Colossiens
1 Thessaloniciens
2 Thessaloniciens
1 Timothée
2 Timothée
Tite
Philémon
Hébreux
Jacques
1 Pierre
2 Pierre
1 Jean
2 Jean
3 Jean
Jude
Apocalypse

medico

Christianisme [Témoins_de_Jéhovah]
Avatar du membre
Christianisme [Témoins_de_Jéhovah]
Messages : 68007
Enregistré le : 27 juin05, 06:23
Réponses : 1
Localisation : FRANCE

Contact :

Ecrit le 28 mai07, 07:16

Message par medico »

sujet trop long :shock:
(Isaïe 30:15) Votre force résidera en ceci : dans le fait de rester calmes et [aussi] dans la confiance . AM - JW - Les Témoins de Jéhovah

zered

[ Christianisme ]
[ Christianisme ]
Messages : 2843
Enregistré le : 09 mai05, 05:00
Réponses : 0
Localisation : Lausanne->CH

Ecrit le 28 mai07, 07:31

Message par zered »

BEAUCOUP trop long

piotr

[ Aucun rang ]
[ Aucun rang ]
Messages : 673
Enregistré le : 19 déc.05, 04:18
Réponses : 0
Localisation : belgique

Ecrit le 29 mai07, 23:00

Message par piotr »

sujet trop long ..... faut faire des bédé ?????

ceci dit, c'est vrai qu'il faut découper les articles pour les peu motivés .....

:lol:

xav

[ Aucun rang ]
xav
[ Aucun rang ]
Messages : 1453
Enregistré le : 08 mai05, 01:18
Réponses : 0
Localisation : Belgique - Province de Brabant (Court-Saint-Etienne)

Ecrit le 31 mai07, 23:26

Message par xav »

Il est demandé dans ce form d'éviter les sujets fleuve.

Personne ne les lit.

Répondre
  • Sujets similaires
    Réponses
    Vues
    Dernier message

Retourner vers « Religion du Christianisme »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 26 invités