Un message que j'ai reçu :
Le Coran dit que Jésus n'a pas été crucifié ni tué d'une autre manière (Coran 4-157). Avec le nombre incroyable de textes évangéliques qui parlent de la mort de Jésus sur la croix avant sa résurrection, je doute fort que tous ces textes aient été rajoutés dans le seul but de contredire ce que votre Coran avance ! C'est plutôt le Coran qui a été écrit dans le but de prétendre allègrement tout le contraire de ce que disent les textes évangéliques !
-
Réponse :
Aucun musulman doté d'un minimum de connaissances n'a dit que tel ou tel passage des textes évangéliques avait été rajouté après la venue du Coran. Tout au contraire, chacun sait que le Coran a été communiqué au VIIème siècle de l'ère chrétienne, quand le canon des textes évangéliques avait été déjà établi, puisqu'il l'a été au IVème siècle, soit trois siècles plus tôt. Ce n'est donc pas la peine d'en rajouter, s'il vous plaît.
Par contre il est vrai que le Coran affirme autre chose que ce que les quatre textes évangéliques reconnus comme canoniques par l'Eglise relatent à propos de ce qui arriva à Jésus à la fin de sa mission : les quatre textes évangéliques affirment que Jésus est mort sur la croix (Matthieu, chapitre 27, Marc, chapitre 15, Luc, chapitre 23, et Jean, chapitre 19) ; le Coran, lui, affirme que Jésus n'a été ni tué ni crucifié mais que Dieu l'a protégé de ses assaillants et qu'Il l'a élevé à Lui (Coran 4/157-158).
Nous musulmans avons une autre démarche que la vôtre. Vous prenez le texte des quatre Evangiles comme référence et lisez le texte coranique dans le cadre de ce que ces textes évangéliques disent. Pour notre part, nous avons la démarche exactement inverse : nous prenons les textes du Coran et de la Sunna comme références et appréhendons dans leur cadre ce que les textes évangéliques disent (lire notre article sur le sujet).
-
Ceux qui ont relaté la crucifixion de Jésus n'ont pas forgé un mensonge :
Ce qu'il faut savoir c'est que nous musulmans disons que les textes évangéliques canoniques constituent une tentative humaine de relater la mission de Jésus, et qu'il y a dans ces textes des éléments authentiques ainsi que des erreurs de relation (lisez l'article dont nous venons de donner le lien) ; il faut noter que nous disons aussi qu'il y a des erreurs de relation dans les textes de la Sîra et dans les recueils de Hadîths.
Cependant, non seulement nous ne pensons pas que les passages des Evangiles relatant la crucifixion de Jésus auraient été écrits pour contredire le Coran, mais de plus nous ne pensons même pas que ceux qui ont relaté cette crucifixion auraient menti, c'est-à-dire auraient délibérément écrit chose qu'il savaient ne pas être véridique au sujet de la fin de la mission de Jésus.
Il faut savoir que, comme nous l'avons dit dans l'article suscité, les textes évangéliques ont été écrits non par les disciples directs de Jésus mais par des personnages postérieurs, qui ont rédigé leur écrit sur la base de ce qu'ils tenaient – avec quelques maillons intermédiaires dans la chaîne de narration – des disciples directs de Jésus. Or ces derniers n'ont pas menti mais ont relaté à son sujet ce qu'ils ont entendu des gens leur relater (puisque eux-mêmes étaient absents au moment du procès de Jésus). Et ce que ces gens leur ont relaté, ils ne l'ont pas non plus forgé mais ont été mis dans une illusion à son sujet.
Les proches disciples de Jésus n'ont pas pu être les témoins directs d'une crucifixion de Jésus, puisque tous s'enfuirent lors de l'arrestation du Messie : "Alors les disciples l'abandonnèrent tous et prirent la fuite" (Matthieu 26/56) ; "Et tous l'abandonnèrent et prirent la fuite" (Marc 14/50). Certes, il y eut "Pierre et un autre disciple" qui suivirent Jésus ; cet autre disciple, étant connu du Grand Prêtre, entra dans le palais de celui-ci avec Jésus (Jean 18/15-16) ; puis il parla à la dame qui gardait la porte de la cour du palais et Pierre put entrer lui aussi (Jean 18/16). Pierre resta donc assis dans la cour. Mais questionné par la servante, il nia être le disciple de Jésus (Jean 18/17) ; se rappelant alors que Jésus lui avait dit qu'il le renierait, il sortit en pleurant (Mathieu 26/69-75, Marc 14/66/72, Luc 22/56/62). De plus, Jésus fut ensuite conduit, de chez le Grand Prêtre, à Pilate, puis à Hérode Antipas, avant d'être renvoyé devant Pilate (Luc 23). Aucun de ses disciples ne l'accompagnait.
Certes, l'Evangile selon Jean relate que des femmes se tenaient debout près de Jésus sur la croix, et que celui-ci parla même à un de ses disciples, lui enjoignant de prendre soin de sa mère (Jean 19/25), mais les Evangiles synoptiques relatent, eux, que ces femmes se tenaient à distance du lieu de crucifixion (Matthieu 27/55, Marc 15/40, Luc 23/49). Nous pensons donc qu'ici il y a eu erreur de relation : de loin elles ont cru qu'il s'agissait de Jésus ; or ce n'était pas lui.
Ibn Taymiyya écrit : "On dit que ces livres ont été écrits par Marc, Luc, Jean et Matthieu. Or aucun de ces quatre personnages n'a vu la crucifixion de Jésus, ni aucun des Apôtres, ni aucun des élèves de ceux-ci. Seul un petit groupe de personnes a assisté à ce qu'ils ont cru être la crucifixion de Jésus. Certains ulémas mutazilites, ainsi que Ibn Hazm et d'autres, sont d'avis que ce groupe savait que le crucifié n'était pas Jésus, mais ont délibérément menti en répandant la nouvelle que c'est lui qui a été crucifié. Cependant, la plupart des ulémas sont d'avis que même ceux qui ont assisté à la crucifixion ont été dans l'illusion. Les tenants du premier avis commentent le verset coranique "Wa mâ qatalûhu wa mâ salabûhu wa lâkin shubbiha lahum" [4/157] ainsi : "shubbiha li-n-nâss-illadhîna akhbarahum ulâ'ïka bi salbih" ["Les hommes auxquels ce groupe de gens affirmèrent que Jésus avait été crucifié, ces hommes furent induits en erreur"]. Alors que la plupart des ulémas le commentent ainsi : "Shubbiha li-lladhîna yaqûlûna salabûh" ["Furent dans l'illusion ceux-là mêmes qui dirent : "Ils l'ont crucifié""]" (Al-Jawâb us-sahîh 1/275). "L'épisode de la crucifixion est chose à propos de quoi il y eut illusion. La preuve a été établie [sur la base de l'affirmation coranique] que le crucifié fut quelqu'un d'autre que le Messie et que les gens furent dans l'illusion et crurent qu'il s'agissait du Messie. Aucun des Apôtres n'a vu le Messie crucifié. Par contre certains des gens qui étaient présents ont relaté aux Apôtres qu'ils l'ont vu avoir été crucifié. Certains ulémas disent que ces gens-là ont menti. Mais la plupart des ulémas disent que ces gens furent eux-mêmes dans l'illusion" (Ibid. 2/12).
Quelle illusion il y eut, le texte coranique ne le dit pas ; nous avons relaté,
dans un autre article, une des hypothèses à ce sujet : ce serait l'homme à qui il avait été dit de porter le patibulum lors du chemin de croix qui a été crucifié en lieu et place de Jésus.
Il se peut donc tout à fait que ces gens ayant relaté aux Apôtres (lesquels s'étaient enfuis) qu'ils avaient vu un homme être crucifié et leur ayant affirmé qu'ils avaient reconnu en cet homme leur maître, les Apôtres les crurent, n'ayant pas les moyens de vérifier si c'était bien le Messie ou quelqu'un d'autre. Ils relatèrent à leur tour ce qu'ils avaient entendu dire, et ainsi de suite jusqu'aux auteurs des textes évangéliques. Les musulmans pensent que, n'ayant aucun moyen de connaître de la part de Dieu que ce n'avait pas été le cas, ces Apôtres ne seront pas responsables devant Dieu de cette façon de considérer les choses quant à la fin de Jésus. Ibn Taymiyya a écrit le principe communiqué par les sources de l'islam en la matière : "Celui à qui la totalité des textes n'était pas parvenue, la preuve ne sera pas avérée à son égard par rapport à ce qui ne lui était pas parvenu ("lam taqum 'alayh il-hujjatu bi mâ lam yab'lugh'hu"), parmi les choses dont le sens était de compréhension ardue ; s'il a fait des efforts pour connaître la vérité (quant à ces choses) et qu'il a atteint celle-ci, il aura deux récompenses, et s'il s'est trompé il aura une récompense et son erreur lui sera pardonnée" (Al-Jawâb us-sahîh 1/271). Il écrit également : "Quant à ceux qui ont vécu à une époque éloignée de celle du Messie et à qui, de ses enseignements authentiques, seule une partie et non la totalité est parvenue, la preuve sera avérée quant à eux (devant Dieu) par rapport à ce qui leur était parvenu, mais non pas par rapport à ce qui ne leur était pas parvenu ("qâmat 'alayhim ul-hujjatu bi mâ balaghahum min akhbârihî, dûna mâ lam yab'lugh'hum min akhbârih"). C'est la même chose pour ceux qui suivent Moïse. (…) Dès lors, si on dit que les Apôtres, ou certains Apôtres, ou de nombreux Gens du Livre, ou la plupart des Gens du Livre, croyaient [, avant la révélation du Coran ou avant que la révélation du Coran parvienne jusqu'à eux,] que Jésus avait été crucifié, il s'agira certes d'une croyance en soi erronée, mais cette erreur n'entachera en rien leur foi et n'entraînera pas de punition dans l'au-delà, puisque les livres évangéliques dont ils disposaient relataient la crucifixion de Jésus" (Al-Jawâb us-sahîh 1/274-275).
Il faut de plus souligner que même s'ils pensaient que Jésus avait été crucifié, les Apôtres, qui furent des compagnons de Jésus, n'ont élaboré aucune croyance particulière à partir de cette crucifixion qu'ils croyaient s'être produite.
Lire notre article sur le sujet.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
source :
Maison islam