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Les 4 incommensurables

Posté : 18 févr.18, 09:00
par komyo
Dans le bouddhisme theravāda, ces quatre qualités (metta, karuna, mudita et upekkha) sont décrites notamment dans le Brahmavihara Sutta ou le Mettam Sutta ainsi qu'à plusieurs reprises dans les soutras. Elles sont la réponse à toutes les situations qui relèvent du contact social et du rapport aux autres. Elles doivent être cultivées car elles élèvent spirituellement l'humain vers des hauteurs divines où la dualité s'estompe entre les êtres sensibles. Pratiquer ces quatre qualités incommensurables conduit à renaître dans le monde du Grand Brahmâ. Le Bouddha explique ainsi l'appellation « quatre demeures de Brahma » :

« Ô moines, il vous faut savoir que celui qu'on appelle Grand Brahmâ, mille Brahmâs ne peuvent l'égaler. N'étant pas surpassé, il contrôle mille mondes. C'est pourquoi son palais est appelé « demeures de Brahma ». Ô moines, celui qui excelle en ces quatre « demeures de Brahma » est capable de contempler ces milles mondes. C'est pourquoi on les appelle « demeures de Brahma »

En s'exerçant continuellement et en développant ses sentiments de bienveillance, de compassion, de joie et d'équanimité, le méditant élève sa conscience méditative jusqu'à l'état du dieu Mahâ Brahmâ ou Grand Brahmâ8. Il peut espérer renaître dans ce monde divin au-delà des mondes du désir. On peut alors se rendre compte de l'interconnexion fondamentale entre les êtres de l'univers et transformer le monde. Si ces quatre incommensurables sont jointes avec la conscience du non-soi et de l'impermanence de tous les phénomènes, elles peuvent alors mener à l'Éveil suprême.

Voici comment l'accomplir (d'après une formule répétée dans de nombreux soutras) :

« Je demeurerai en faisant rayonner un esprit de bienveillance,


Dans un quartier de l'univers, et de même pour le second quartier, le troisième, le quatrième,
Et de même au-dessus, au-dessous, à travers,
Et partout dans sa totalité ;
Envers chacun comme envers moi-même,
Je demeurerai faisant rayonner en tout lieu de l'univers,
Avec un esprit imprégné de bienveillance,
Large, profond, élevé, incommensurable,


Sans haine et libéré de toute inimitié. »
Exactement la même pratique s'applique à la compassion, à la joie et à l'équanimité. Il s'agit à chaque fois de répandre une pensée de bienveillance, de compassion, de joie ou d'équanimité dans la conscience que nous avons du monde. Changer notre regard sur les êtres en adoptant une disposition plus ouverte et plus favorable. Cette pratique des Quatre Incommensurables selon le Bouddha implique que l'on dépasse ses cadres limités de sa petite subjectivité. Par exemple, on aime ses parents, ses amis, son chien et son poisson rouge. Ce que nous demande le Bouddha, c'est de dépasser cela pour cultiver un esprit qui contemple l'infini et l'illimité en s'imprégnant de cette bienveillance, de cette compassion, de cette joie et de cette équanimité à l'égard des inconnus, des gens qu'on ne regarde même pas ou même d'animaux insignifiants. Cela s'étend aussi à nos ennemis et à ceux qui nous font du mal. Cela s'étend pour les êtres sensibles proches de nous qui apparaissent dans notre vie, mais aussi pour ceux qui sont lointains et que l'on ne verra peut-être jamais (dans cette vie-ci du moins). C'est donc à un amour du prochain que le Bouddha nous invite, mais aussi à un amour du lointain ! D'un cadre limité, on étend progressivement ces sentiments d'amour et de bienveillance à l'univers entier. Cela demande un long entraînement de l'esprit. C'est pourquoi dans l'introduction du Soutra de l'attention au va-et-vient de la respiration, l'Anapana Sati Sutta, le Bouddha mentionne que certains méditants se concentrent particulièrement sur les pratiques de la bienveillance, de la compassion, de la joie et de l'équanimité comme pratiques principales : « Il y a ceux qui pratiquent la Bienveillance, il y a ceux qui pratiquent la Compassion, il y a ceux qui pratiquent la Joie et ceux qui pratiquent l'Équanimité ». Le Bouddha insiste aussi dans le Soutra de la Parabole de l'Étoffe sur le fait que la méditation des Quatre Incommensurables est également un facteur de purification des fautes conjointement à la prise des Trois Refuges.

Dans le Mahāyāna, les Quatre Incommensurables sont considérés comme essentiels à la pratique du Bodhicitta dit « d'aspiration », et sont partie intégrante de la prise de vœux du Bodhisattva (pranidhāna). Ces Quatre Incommensurables sont pratiquées conjointement avec la conscience de la vacuité pour véritablement s'accomplir en tant que pratiques des bodhisattvas. Il est dit dans le Vimalakīrti Nirdesha Sūtra : « Cultiver les quatre pensées incommensurables, autrement que pour renaître dans un monde de Brahmā, telle est la pratique du bodhisattva. » En effet, en dehors du cadre du bodhicitta, ces pratiques sont censées accorder la renaissance dans les paradis de Brahmā. Considérant cette motivation quelque peu égoïste, et la voie des dieux périlleuse à cet égard, Bouddha Shākyamuni a réorienté cette pratique vers l'accession à l'Éveil suprême et incomparable (anuttara samyaksambodhi).

Bibliographie
Traduction de Walpola Rahula, L'enseignement du Bouddha (d'après les textes les plus anciens), Paris, Seuil, coll. « Points/Sagesses », 1951, p. 163-164. Môhan Wijayaratna adopte la même traduction dans ses ouvrages. Voir aussi Ajahn Amaro, d'après le Brahmavihara sutta, dans Small boat, Great Mountain. Version PDF en distribution libre : http://www.abhayagiri.org/index.php/main/books/ [archive]

Ekottarâgamasûtra (canon chinois), Taisho, II, 125, 29, 10, traduit dans : Jean Eracle, Parole du Bouddha (tirées de la tradition primitive), Paris, Le Seuil/Points Sagesses, 1991, p. 180.
↑ Le Tevijja Sutta mentionne explicitement que la méditation continue des quatre incommensurables conduit à égaler l'état de Brahmâ. Tevijja Sutta, Digha Nikaya, I, 235-253. Traduction française dans Môhan Wijayaratna, Sermons du Bouddha, Paris, Seuil, coll. « Points/Sagesse », 2005, « 15 », p. 139-162.

Anapanasati Sutta, Majjhima Nikâya, 118. Traduction française dans Thich Nhat Hanh, La respiration essentielle (Notre rendez-vous avec la vie), Paris, éd. Albin Michel, 1990. Traduction à partir de la version pâlie ainsi qu'une autre à partir du canon chinois.
↑ Vatthûpama Sutta, Majjhima Nikaya, 7. Traduction française dans Walpola Rahula 1951, p. 160-166.
↑ Version chinoise de Kumārajīva. Soutra de la liberté inconcevable : les enseignements de Vimalakîrti (trad. Patrick Carré), Paris, Librairie Arthème Fayard, coll. « Trésors du bouddhisme », 2000 (ISBN 2-213-60646-3), chap. V, p. 92.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Quatre_Incommensurables

Re: Les 4 incommensurables

Posté : 23 févr.18, 05:18
par Shonin
Komyo,

" Il s'agit à chaque fois de répandre une pensée de bienveillance, de compassion, de joie ou d'équanimité dans la conscience que nous avons du monde."

grand merci pour tes choix de partage.
aucun ne me laisse indifférente, je m'enrichis à ton contacte.
quelle chance alors.
Un dernier mot,
tu es une rare personne que je croise qui me permet de voir plus loin, et de savoir que je ne sais rien.
Peut-il exister échange plus riche ?
c'est en vrai une négation et non plus une question, dans mon cas.

Salut!