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Re: The Dictator Pope (Marcantonio Colonna)

Posté : 06 févr.18, 19:58
par Gilbert Chevalier
3) Qu’est-il advenu de la réforme des finances du Vatican ?

Un problème de corruption


Il n’est pas surprenant que les pires cas de corruption à la Curie se soient toujours produits dans les départements qui gèrent l’argent, à la fois à cause des tentations personnelles de la richesse et parce que les fonctionnaires de ces départements, ignorants du monde des affaires et de la finance, étaient constamment en danger d’être entraînés dans des méthodes de caractère douteux ou d’illégalité pure et simple. Les accusations criminelles auxquelles l’Archevêque Marcinkus et l’Évêque de Bonis se sont exposés dans les années 80 et 90 ont déjà été mentionnées, mais, étonnamment, les avertissements n’ont pas été entendus au Vatican. Au contraire, il y a tout signe qu’une culture d’avarice et de malhonnêteté s’est aggravée au cours des vingt années qui ont précédé l’élection du Pape François au Saint-Siège.

Un exemple flagrant est apparu dans les trois mois qui ont suivi cet événement. C’est le cas de Monseigneur Nunzio Scarano, le chef comptable de l’APSA (Amministrazione del Patrimonio della Sede Apostolica, Administration du Patrimoine du Siège Apostolique), qui a été arrêté en juin 2013 pour avoir tenté de faire entrer clandestinement 22 millions d’euros de Suisse en Italie dans un jet privé. Il s’est avéré que Monseigneur Scarano vivait depuis des années une vie de luxe financée par les avantages de sa nomination au Vatican. Il vivait dans un appartement de dix-sept pièces à Salerne rempli d’œuvres d’art, dont Van Gogh et Chagall, et était connu sous le nom de "Monseigneur 500" pour les billets de 500 euros par lesquels il faisait notoirement ses transactions.

Complice de son plan de contrebande d’argent liquide, Monseigneur Scarano a commis l’erreur de choisir un agent des services secrets italiens, Giovanni Mario Zito, qu’il a payé 217 000 euros pour son rôle. Lorsque Zito a révélé le complot aux autorités, Scarano a nié sa culpabilité et expliqué les 217 000 euros en accusant Zito de les lui voler. Lors du procès de Scarano en janvier 2016, l’accusation de trafic de drogue échoua simplement au motif que le plan n’avait pas été exécuté, mais Scarano fut condamné pour diffamation pour l’accusation qu’il avait portée contre Zito (68).

L’affaire Scarano fut explosive non seulement à titre individuel, mais aussi parce que Monseigneur commença aussitôt à porter des accusations de malversations financières généralisées au Vatican. Il a révélé que les responsables de l’APSA acceptaient régulièrement des cadeaux de banques cherchant à attirer l’argent du Vatican, y compris des voyages, des hôtels cinq étoiles et des massages. Ils ont pris l’habitude de transférer fréquemment des fonds d’une banque à une autre, en partie pour maintenir les avantages. Monseigneur Scarano a également parlé du truquage par les fonctionnaires de l’APSA des processus d’appel d’offres pour des contrats supposés concurrentiels (69).

Benoît XVI avait déjà entamé le processus de réforme : il avait créé l’Autorité d’Information Financière pour assurer la transparence, et il avait pris la décision de faire appel à Moneyval, l’agence du Conseil de l’Europe contre le blanchiment d’argent, pour auditer les organes financiers de la Curie, soumettant ainsi le Vatican à la première inspection extérieure de son histoire. Les choses se sont peut-être arrêtées là, mais les révélations de Scarano ont probablement été le déclencheur d’un examen plus approfondi. En juillet 2013, le Pape François a fondé la Pontificia Commissione Referente di Studio e di Indirizzo sull’Organizzazione della Struttura Economica-Amministrativa della Santa Sede (Commission Pontificale pour l’Étude et l’Adresse de l’Organisation de la Structure Économique et Administrative du Saint-Siège). Cette Commission a ordonné un certain nombre d’expertises, et ils ont analysé les organismes concernés, dont une brève description est nécessaire.

(68) Article paru dans "Crux" du 19 janvier 2016 : Inés San Martin, "Mixed verdicts for ex-Vatican official in corruption trial" (Verdicts mitigés pour un ancien fonctionnaire du Vatican dans un procès pour corruption)

(69) Article paru dans le "National Catholic Register" du 3 octobre 2013 : John L. Allen "Arrested monsignor charges corruption in Vatican finances." (Un monsignor arrêté accuse de corruption les finances du Vatican)

Re: The Dictator Pope (Marcantonio Colonna)

Posté : 08 févr.18, 03:59
par Gilbert Chevalier
3) Qu’est-il advenu de la réforme des finances du Vatican ?

Un problème de corruption


Il n’est pas surprenant que les pires cas de corruption à la Curie se soient toujours produits dans les départements qui gèrent l’argent, à la fois à cause des tentations personnelles de la richesse et parce que les fonctionnaires de ces départements, ignorants du monde des affaires et de la finance, étaient constamment en danger d’être entraînés dans des méthodes de caractère douteux ou d’illégalité pure et simple. Les accusations criminelles auxquelles l’Archevêque Marcinkus et l’Évêque de Bonis se sont exposés dans les années 80 et 90 ont déjà été mentionnées, mais, étonnamment, les avertissements n’ont pas été entendus au Vatican. Au contraire, il y a tout signe qu’une culture d’avarice et de malhonnêteté s’est aggravée au cours des vingt années qui ont précédé l’élection du Pape François au Saint-Siège.

Un exemple flagrant est apparu dans les trois mois qui ont suivi cet événement. C’est le cas de Monseigneur Nunzio Scarano, le chef comptable de l’APSA (Amministrazione del Patrimonio della Sede Apostolica, Administration du Patrimoine du Siège Apostolique), qui a été arrêté en juin 2013 pour avoir tenté de faire entrer clandestinement 22 millions d’euros de Suisse en Italie dans un jet privé. Il s’est avéré que Monseigneur Scarano vivait depuis des années une vie de luxe financée par les avantages de sa nomination au Vatican. Il vivait dans un appartement de dix-sept pièces à Salerne rempli d’œuvres d’art, dont Van Gogh et Chagall, et était connu sous le nom de "Monseigneur 500" pour les billets de 500 euros par lesquels il faisait notoirement ses transactions.

Complice de son plan de contrebande d’argent liquide, Monseigneur Scarano a commis l’erreur de choisir un agent des services secrets italiens, Giovanni Mario Zito, qu’il a payé 217 000 euros pour son rôle. Lorsque Zito a révélé le complot aux autorités, Scarano a nié sa culpabilité et expliqué les 217 000 euros en accusant Zito de les lui voler. Lors du procès de Scarano en janvier 2016, l’accusation de trafic de drogue échoua simplement au motif que le plan n’avait pas été exécuté, mais Scarano fut condamné pour diffamation pour l’accusation qu’il avait portée contre Zito (68).

L’affaire Scarano fut explosive non seulement à titre individuel, mais aussi parce que Monseigneur commença aussitôt à porter des accusations de malversations financières généralisées au Vatican. Il a révélé que les responsables de l’APSA acceptaient régulièrement des cadeaux de banques cherchant à attirer l’argent du Vatican, y compris des voyages, des hôtels cinq étoiles et des massages. Ils ont pris l’habitude de transférer fréquemment des fonds d’une banque à une autre, en partie pour maintenir les avantages. Monseigneur Scarano a également parlé du truquage par les fonctionnaires de l’APSA des processus d’appel d’offres pour des contrats supposés concurrentiels (69).

Benoît XVI avait déjà entamé le processus de réforme : il avait créé l’Autorité d’Information Financière pour assurer la transparence, et il avait pris la décision de faire appel à Moneyval, l’agence du Conseil de l’Europe contre le blanchiment d’argent, pour auditer les organes financiers de la Curie, soumettant ainsi le Vatican à la première inspection extérieure de son histoire. Les choses se sont peut-être arrêtées là, mais les révélations de Scarano ont probablement été le déclencheur d’un examen plus approfondi. En juillet 2013, le Pape François a fondé la Pontificia Commissione Referente di Studio e di Indirizzo sull’Organizzazione della Struttura Economica-Amministrativa della Santa Sede (Commission Pontificale pour l’Étude et l’Adresse de l’Organisation de la Structure Économique et Administrative du Saint-Siège). Cette Commission a ordonné un certain nombre d’expertises, et ils ont analysé les organismes concernés, dont une brève description est nécessaire.

(68) Article paru dans "Crux" du 19 janvier 2016 : Inés San Martin, "Mixed verdicts for ex-Vatican official in corruption trial" (Verdicts mitigés pour un ancien fonctionnaire du Vatican dans un procès pour corruption)

(69) Article paru dans le "National Catholic Register" du 3 octobre 2013 : John L. Allen "Arrested monsignor charges corruption in Vatican finances." (Un monsignor arrêté accuse de corruption les finances du Vatican)



Les organismes financiers du Vatican

L’Administration du Patrimoine du Siège Apostolique (APSA) était et est le département de trésorerie et de comptabilité générale du Vatican. Elle disposait d’une « section ordinaire », chargée d’administrer le patrimoine immobilier du Saint-Siège, avec un bureau d’achat, et d’une « section extraordinaire » qui gérait un important portefeuille d’investissement.

L’Institut pour les Œuvres de Religion (IOR) est populairement connu sous le nom de « Banque du Vatican », qui est la fonction qu’il exerce. Il gère des comptes qui sont censés être destinés à des organismes ou des particuliers liés au Vatican, mais l’enquête en 2013 a montré qu’un grand nombre ont été détenus par des personnes en dehors du Vatican, probablement pour des fins de fraude fiscale. Des milliers de comptes ont été brusquement fermés à ce moment-là. En juillet 2013, le chef de l’IOR, Ernst von Freyberg, a reconnu publiquement que le blanchiment d’argent faisait partie des activités permises par le laxisme du contrôle, et il a nommé Monseigneur Scarano comme « un véritable professionnel du blanchiment d’argent ».

Un autre organe qu’il faut considérer est le Gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican, qui a la charge des importantes sommes d’argent provenant des musées et des divers magasins et supermarchés de la Cité du Vatican.

Au-delà, il y avait la Secrétairerie d’État qui, comme on l’a fait remarquer plus haut, avait acquis un pouvoir croissant au cours des cinquante dernières années en tant qu’organe ayant autorité sur tous les départements de la Curie. En particulier, le Cardinal Bertone, dans le cadre de la construction de son empire entre 2006 et 2013, avait pris soin d’établir le contrôle de tous les aspects des finances du Vatican. Les départements d’intérêt particulier étaient la Préfecture des Affaires Économiques du Saint-Siège (dont les responsabilités devaient être assumées par le nouveau Secrétariat à l’Économie en 2015), la Congrégation de la Propagande, qui dispose d’un énorme budget, et la Congrégation pour les Causes des Saints, en raison des sommes importantes qui affluent pour financer les procès de béatification et de canonisation – une activité qui devint une grande affaire avec l’augmentation de ces procès sous Jean-Paul II.


Une réforme paralysée

En février 2014, les enquêtes de la Commission mises en place l’été précédent ont révélé, entre autres, que 94 millions d’euros avaient été trouvés à la Secrétairerie d’État et n’étaient pas comptabilisés dans les états financiers (70). Cela ne constituerait que la pointe de l’iceberg. Sur la base des consultations qui avaient été faites, le Conseil a formulé des recommandations globales pour la réforme des structures financières du Vatican. En tant qu’organe de supervision générale, il devait y avoir un Conseil pour l’Économie, composé de huit prélats et de sept laïcs, qui se réunirait tous les deux mois. La réforme structurelle la plus radicale a été la création d’un Secrétariat pour l’Économie, doté de pouvoirs très étendus. Il devait être placé sur un pied d’égalité avec la Secrétairerie d’État, relevant directement du Pape, et il devait assumer des responsabilités étendues jusqu’ici assumées par les autres organismes. Il absorberait la Préfecture des Affaires Économiques et prendrait le relais de l’ensemble de la « section ordinaire » de l’APSA , la gestion des biens immobiliers et du personnel. Plus ambitieusement encore, il assumerait les responsabilités financières et humaines de la Secrétairerie d’État, dans le cadre d’une réduction globale du pouvoir de ce dernier qui était proposé à l’époque.

Mais les Cardinaux au cœur de la Curie étaient trop puissants pour permettre un tel bouleversement. Le Cardinal Parolin, que le Pape François avait nommé Secrétaire d’État en octobre 2013, s’est battu avec acharnement pour défendre les intérêts de sa trop grande puissance. Le mythe selon lequel le Pape François, en tant que réformateur radical qui met de côté les intérêts acquis, est réfuté par la suite. Quoi de plus facile que d’accepter un plan élaboré sur la base des recommandations d’éminentes sociétés de conseil – KPMG, McKinsey & Co., Ernst & Young, Promontory Financial Group – ayant une compétence reconnue en matière d’efficacité et de transparence ? Mais le Pape François a laissé une clique de cardinaux entraver la réforme dès le début. Ses principales directives ont été mises en place – la création du Conseil et du Secrétariat pour l’Économie – mais des parties importantes ont été écartées. Par exemple, il a été souligné qu’un organisme purement administratif tel que l’APSA n’avait pas besoin d’avoir un cardinal à sa tête ; mais cette condition était trop précieuse pour être abandonnée, et l’APSA continue d’être dirigée par un cardinal (Domenico Calcagno, dont les actes seront inspectés sous peu). L’APSA n’a pas cédé sa gestion immobilière au Secrétariat pour l’Économie, mais a cédé le contrôle des revenus locatifs. Le Gouvernorat et la Congrégation de la Propagande restaient autonomes. La Secrétairerie d’État a résisté à toutes les tentatives de réduction et, dans le domaine financier, elle a gardé le contrôle du Denier de Saint-Pierre, les dons faits au Saint-Siège par les fidèles du monde entier, soit plus de 50 millions d’euros par an (71).

Le Cardinal australien George Pell, qui avait la réputation d’être un administrateur solide, a été nommé à la tête du Secrétariat pour l’Économie en février 2014, avec un mandat de cinq ans. Avec son allié, le laïc français Jean-Baptiste de Franssu, responsable de l’IOR, Pell commença rapidement à influencer les affaires du Vatican. En quelques mois, le Cardinal a annoncé ouvertement qu’il avait trouvé 936 millions d’euros dans les divers dicastères du Vatican qui n’avaient pas été inscrits au bilan, et en février 2015 le chiffre avait été porté à 1,4 milliard (72). Ces révélations ne le rendirent pas populaire auprès des fonctionnaires qui l’entouraient. Le Cardinal Pell n’a jamais été un maître de la diplomatie, et les Italiens ne sont pas familiers avec la personnalité d’un anglo-saxon franc et honnête, dont ce modèle a été donné parmi eux.

(70) Gianluigi Nuzzi, "Merchants in the Temple" (Les Marchands du Temple), p. 76. [Via Crucis p.97]

(71) Nuzzi, op.cit., p.56. [Via Crucis p.72]

(72) Nuzzi, op. cit., p.202. [Via Crucis p.265]

Re: The Dictator Pope (Marcantonio Colonna)

Posté : 09 févr.18, 10:29
par Gilbert Chevalier
La Vieille Garde

L’opposition au Cardinal Pell a été dirigée par quatre cardinaux qui ne s’intéressent pas seulement à retarder la réforme financière, mais aussi à remettre les structures du Vatican dans la position antérieure à l’apparition de Pell. Nous pouvons commencer par le Cardinal Domenico Calcagno, qui est président de l’APSA depuis 2011 et qui est le plus scandaleux des quatre. Gianluigi Nuzzi, dans l’un de ses commentaires les plus éloquents, décrit Calcagno comme « le prélat intrigant et savant connaisseur des secrets de la Curie » (73). Avant d’être nommé à la Curie, Calcagno avait été Évêque de Savone, où entre 2002 et 2003 il a ignoré les cas répétés de violences sexuelles contre des mineurs par un de ses prêtres, le déplaçant simplement dans une autre paroisse. Ce qui est encore plus choquant, c’est que Calcagno fait toujours l’objet d’une enquête pour des transactions immobilières qui ont nui aux finances du diocèse (74). C’est un constat, sous le pontificat de François, que ce passé n’est pas jugé incompatible avec la tenue de l’un des postes financiers clés au Vatican.

Giuseppe Versaldi, Président de la Préfecture des Affaires Économiques de 2011 à 2015, est un autre cardinal qui, à première vue, semble avoir disparu du champ financier. En 2014, le Cardinal Versaldi a été surpris, dans un appel téléphonique intercepté, informant le chef de l’hôpital Bambino Gesù du Vatican de ne pas faire savoir au Pape que 30 millions d’euros des fonds de l’hôpital avaient été détournés (75). La réponse à cette découverte, un an après sous le pontificat du Pape François, fut d’une légèreté révélatrice. Le Cardinal Versaldi a perdu la Préfecture des Affaires Économiques mais a été récompensé en étant nommé Préfet de la Congrégation pour l’Éducation Catholique, poste qu’il occupe encore aujourd’hui. De là, il entretient des relations constantes avec le Cardinal Calcagno et ne ménage aucun effort pour récupérer son ancien pouvoir.

Le troisième cardinal à remarquer est Giuseppe Bertello, Président du Gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican, dont le manque d’enthousiasme pour la transparence a été constaté dès les premières étapes des efforts de réforme. Gianluigi Nuzzi décrit les réponses obstruantes que lui et son Secrétaire Général ont données fin 2013 aux demandes d’informations financières formulées par la Commission pour la réforme (76). Ce que Calcagno, Versaldi et Bertello ont en commun, c’est qu’ils ont tous été amenés au Vatican par le Cardinal Bertone lorsqu’il était Secrétaire d’État. Cette association a été jugée toxique dans les premières étapes du pontificat de François, et on a supposé que leurs têtes allaient bientôt rouler. En fait, ils sont toujours au pouvoir et ont fait preuve d’une résistance extraordinaire.

Au-dessus de ces trois derniers se trouve le Secrétaire d’État, le Cardinal Pietro Parolin. Sa résistance au nouveau régime de transparence prétendument introduit par le Pape François a été bien documentée par Gianluigi Nuzzi (77), mais sa principale caractéristique est sa détermination à ne pas abandonner une once de son énorme pouvoir. Dans cette cause, il a immédiatement identifié le Cardinal Pell comme l’ennemi principal, et il s’est consacré au cours des trois dernières années à retarder ses efforts de réforme et à réduire son pouvoir. En cela, le Pape François lui a donné la main libre, lui accordant à maintes reprises ses demandes pour qu’il se débarrasse de la nouvelle structure financière qui semblait avoir été mise en place en 2014.

Il convient de noter qu’aucun des quatre cardinaux mentionnés ne peut être considéré comme représentant une caste curialiste vouée à la préservation du contrôle contre un pape réformateur. Tous sont arrivés à leurs postes assez récemment, les Cardinaux Calcagno, Versaldi et Bertello ayant été installés par le Secrétaire d’État Bertone la même année, 2011, tandis que le Cardinal Parolin a été nommé par le Pape François lui-même en 2013. Ce pour quoi ils se battent, ce n’est pas pour un système de gouvernement traditionnel, mais pour un système qui a pris sa forme actuelle, avec tous ses abus, à une époque très récente.

(73) Nuzzi, "Merchants in the Temple" (Les Marchands du Temple), p.113. Les linguistes peuvent être intéressés à noter que "calcagno" signifie en italien "talon".

(74) Article dans "Lettera 43" du 21 mai 2017 de Francesco Peloso : "Vaticano, la guerra tra dicasteri finanziari frena la riforma del papa" (Vatican, la guerre entre les services financiers freine la réforme du pape). Peloso écrit : « Le cardinal Calcagno est resté à la tête de l’APSA, sous enquête pour des activités immobilières qui finissent par endommager les caisses du diocèse. Pourtant, il est toujours à sa place. »

(75) Agenza Nazionale Stampa Associata, 20 juin 2015 : Nina Fabrizio et Fausto Gasparroni, "Crac Divina Provvidenza : spunta cardinale Versaldi : ’Tacere al Papa 30 milioni sull’ Idi." Ce type de malversation n’était pas nouveau : deux ans plus tôt, 400 000 euros avaient été détournés des fonds du Bambino Gesù pour rénover l’appartement du Cardinal Bertone, alors Secrétaire d’État (cf. note 85 ci-dessous).

(76) Nuzzi, op. cit., p.81. [Via Crucis p.107]

(77) Nuzzi, op. cit., pp.53-54 et 169-170. [Via Crucis p.70-71 et 218-220.]

Re: The Dictator Pope (Marcantonio Colonna)

Posté : 12 févr.18, 20:03
par Gilbert Chevalier
Le renversement de la réforme

La clé de l’inversion de la réforme conçue en 2014 réside dans le contraste entre le savoir-faire politique du Cardinal Pell et les quatre cardinaux qui l’ont combattu. En tant qu’anglo-saxon, George Pell avait les présupposés d’une culture parlementaire : la réforme des structures du Vatican avait été décrétée par l’autorité légale, les fonctionnaires respecteraient évidemment la politique et travailleraient à sa mise en œuvre, et il ne restait plus qu’à aller de l’avant. Cette méprise n’a pas été le cas des Cardinaux Parolin, Calcagno, Versaldi et Bertello. C’étaient des Italiens, et d’où ils venaient, il y avait une grande différence entre ce qu’un gouvernement a dit qu’il allait faire et ce qu’il avait l’intention de faire. Avant tout, les leçons historiques des cours royales italiennes, et notamment de la cour papale, étaient dans la moelle des os. Dans ce monde, les résultats n’ont pas été obtenus par le débat et les résolutions administratives, ils ont été gagnés en ayant l’oreille du monarque, le fréquentant jour après jour, et en laissant tomber des conseils plausibles constamment à son oreille. C’est le chemin qu’ils ont suivi avec beaucoup de succès.

Le principal scandale des quatre dernières années a été la manière dont l’APSA, sous le Cardinal Calcagno, a pu reprendre son pouvoir. Alors que l’attention des médias se concentrait sur l’IOR (ce qui est compréhensible au vu de ses méfaits passés), il n’a pas été remarqué que l’APSA elle-même fonctionnait comme une "Banque du Vatican" parallèle, et qu’elle a échappé aux réformes auxquelles l’IOR est soumise. L’APSA gère depuis longtemps des comptes pour des clients privés et leur ouvre des comptes codés dans des banques suisses (on ne sait pas si cela existe encore). C’est une ressource très prisée des Italiens riches, car elle leur permet de placer de l’argent dans des fonds d’investissement et d’éviter de payer des impôts. Dans le cadre de ces services, l’APSA a agi en concurrence avec sa propre institution sœur dans sa quête de clients, les fonctionnaires étant connus pour assurer aux investisseurs que l’APSA obtiendrait de meilleurs résultats que l’IOR. Il y a des raisons de croire que c’est l’APSA plutôt que l’IOR qui a été la véritable usine de la criminalité dans les finances du Vatican (78). Sous le Cardinal Calcagno, l’APSA a ignoré les tentatives de réforme avec une facilité déconcertante, tout en défiant les règles de la nouvelle économie en engageant des consultants externes et des avocats coûteux pour l’aider à sceller son passé obscur. Quant au Pape François, il a été mis au courant de tout cela à plusieurs reprises, mais il n’a rien fait.

La malhonnêteté, ou du moins une grande part d’incompétence, était l’ingrédient du scandale qui a éclaté en 2016. Il y a une quinzaine d’années, la gestion des grandes propriétés immobilières de la Basilique Saint-Pierre a été retirée aux Chanoines eux-mêmes et transférée à l’APSA. Le portefeuille comprenait quelque 300 biens immobiliers, principalement dans le centre de Rome et souvent d’une grande valeur historique. En 2016, il a été constaté qu’environ 80 des appartements concernés avaient tout simplement été laissés à l’abandon. Beaucoup d’autres sont loués à des loyers ridiculement bon marché, ou les loyers ne sont tout simplement pas payés par les locataires et ne sont pas perçus ; parfois les loyers préférentiels sont un moyen légitime d’assurer un logement à Rome aux employés de l’Église, mais souvent les méthodes décrites ont été utilisées pour faire des faveurs personnelles sans justification officielle. Il en résulta que les revenus de ce riche patrimoine avaient été transformés en un déficit de 700 000 euros, et les Chanoines de Saint-Pierre se sont fait dire en 2016 qu’ils ne pouvaient pas élire de nouveaux membres parce qu’il n’y avait pas de fonds pour les payer (79).

Ce n’est là qu’un aspect du régime qui prévaut à l’APSA. Le Cardinal Pell a demandé à plusieurs reprises au Pape le renvoi du Cardinal Calcagno, et François lui a répondu qu’il le renverrait si la preuve était apportée. En fait preuve après preuve a été présenté, mais Calcagno continue d’être protégé. Il sait comment garder la faveur, et depuis longtemps il dîne avec le Pape presque tous les soirs. Dans la guerre contre Pell que le Cardinal Calcagno gagne régulièrement, il a récupéré pour l’APSA la supervision des avoirs financiers du Vatican qui avaient été transférés au Secrétariat de l’Économie.

La lutte contre la corruption au Vatican a été réduite à une moquerie par les hauts fonctionnaires qui continuent d’occuper de hautes fonctions. Le signe le plus révélateur est le fait qu’aucune poursuite pour délit financier n’a eu lieu devant le Tribunal de l’État de la Cité du Vatican sous le Pape François. L’organisme de surveillance du Vatican, l’Autorité d’Information Financière, a envoyé 17 rapports au Bureau du Promoteur de la Justice, mais aucun d’entre eux n’a donné lieu à des poursuites, encore moins à une condamnation. On peut opposer cela au sort de Monseigneur Lucio Vallejo, l’ancien Secrétaire de la Préfecture des Affaires Économiques, jugé à l’été 2016 et condamné à 18 mois de prison (qu’il a purgé dans les cellules du Vatican) pour avoir divulgué des documents secrets à Gianluigi Nuzzi dans l’intention de dénoncer les réformes imparfaites. En même temps, sa complice Francesca Chaouqui a été condamnée à dix mois de prison avec sursis. Ces deux-là sont presque les seules poursuites qui ont découlé de tous les scandales financiers du Vatican. Le message est clair : la criminalité financière demeure dans le dossier indéfiniment ; c’est la dénonciation qui sera rigoureusement poursuivie (80).

Le sort de l’audit global introduit par le Cardinal Pell a été un signe avant-coureur du refus de la réforme financière. En décembre 2015, il a été décrété que PricewaterhouseCoopers réaliserait un audit externe de tous les organes du Vatican, et cela a commencé immédiatement. Après quatre mois, cependant, sa suspension a été annoncée, sans motif (81), et en juin 2016, elle a été officiellement annulée. Le changement est venu du Cardinal Parolin lui-même, dont le substitut, l’Archevêque Becciu, a téléphoné à PricewaterhouseCoopers pour les informer que l’audit ne serait pas appliqué à la Secrétairerie d’État, ce qui le rendait pratiquement inutile.

Avant même le début de l’audit, en octobre 2014, il y avait eu restauration d’une partie des compétences qui avaient été transférées au Secrétariat pour l’Économie, et en juillet 2016, par un Motu Proprio signé par le Pape, les larges pouvoirs initialement accordés au Secrétariat ont été révoqués et il ne lui restait plus qu’un rôle de supervision (82). Le Wall Street Journal l’a décrit comme « un signe que les intérêts établis du Vatican ont gagné le soutien du Pape » (83). Le Secrétariat n’avait pas été informé à l’avance du Motu Proprio, pas plus qu’il n’avait été consulté au sujet de l’annulation de l’audit de PricewaterhouseCoopers. C’était un signal clair que la Secrétairerie d’État reprenait le contrôle et n’observait pas les dispositions. En fait, la réalité est bien pire que celle du dossier. Le Secrétariat pour l’Économie est aujourd’hui pratiquement vide, et nombre de ses collaborateurs nominaux sont en fait soumis à l’APSA, à qui ils doivent leur véritable fidélité. Après avoir recouvré le contrôle de ses ressources humaines, la Secrétairerie d’État utilise ce pouvoir pour s’assurer que les emplois du Cardinal Pell ne sont occupés que par des contrats à court terme et sans la sécurité et les avantages généreux qui s’appliquent à la Secrétairerie d’État et à l’APSA.

Ces faits indiquent-ils que le Pape François est contre la réforme financière en soi ? Cela semble être une conclusion injustifiée, mais de son point de vue, elle est loin derrière les jeux de pouvoir qui sont au cœur de son style de gouvernement. George Pell entre dans une classe de prélat – les Cardinaux Burke et Müller en sont d’autres exemples marquants – qui ont mérité l’aversion de François à cause de leur indépendance et de leur refus de tomber dans le rôle de pions. Le Cardinal Pell a pris l’habitude de s’adresser au Pape sur une variété de sujets, pas seulement financiers, et il n’a jamais été impressionné par le bilan de François en tant que réformateur. En ce qui concerne la réforme financière et administrative de la Curie ou la lutte contre les prêtres délinquants sexuels, Pell a déclaré : « François est l’opposé de Théodore Roosevelt. Il parle fort et porte un petit bâton. » Le Pape François n’aime pas les gens de ce genre autour de lui, surtout dans une telle position de pouvoir qu’il a confiée à Pell en 2014. Mais ce n’est pas non plus son style de frapper directement de telles personnages. Le bon commentaire a été fait : « Plutôt que de tirer un clou, le pape François trouve un autre outil. » (84) Et les outils qu’il préfère à Pell sont le Cardinal Calcagno, qui lui est redevable pour la restauration de son pouvoir, et le Cardinal Parolin, qui, en tant que Secrétaire d’État, a mis en œuvre et accepté toutes les mesures tyranniques de son pontificat.

Une autre menace pesait depuis longtemps sur le Cardinal Pell et s’est matérialisée. En tant qu’évêque en Australie, il a été accusé d’avoir omis de prendre des mesures contre les cas d’abus sexuels parmi son clergé, et il a admis avoir commis des erreurs à un moment où la conscience du problème était moins aiguë qu’aujourd’hui. Le but de ce livre n’est pas de présenter le Cardinal Pell comme un héros, et il se peut qu’un manque de sensibilité dans son personnage soit responsable de ses échecs. Plus récemment, il a été accusé d’avoir lui-même abusé de garçons, dans des allégations liées à des incidents survenus il y a quarante ans et qu’il a nié dès le moment où ils ont été signalés. Avant de savoir si les autorités australiennes engageraient des poursuites, il a été noté que les accusations portaient sur des infractions tellement mineures que, s’il s’était agi d’une affaire ordinaire, elles auraient été abandonnées depuis longtemps, et une politicienne australienne, Amanda Vanstone, a dit à ce sujet : « Ce que nous voyons ne vaut pas mieux qu’un lynchage des âges sombres. » (85) La décision de poursuivre a été prise en juin 2017, et le Cardinal Pell est retourné en Australie pour subir son procès. Il y a ceux qui pensent que les ennemis de Pell, tant en Australie qu’au Vatican, ont utilisé cette arme contre lui, et ils signalent des coïncidences remarquables entre les flambées de violence sexuelle et les moments de pression de la guerre du Vatican.

Dans l’affirmative, le système présente une certaine faiblesse. Premièrement, le Cardinal Pell n’a pas été prié de démissionner de sa nomination au Vatican, comme ses ennemis l’auraient espéré. Deuxièmement, il semble peu probable qu’il soit reconnu coupable, même en première instance, et encore moins en appel. Cela signifie qu’il retournera probablement un jour à Rome et reprendra les rênes. Dans ce cas (et comme on l’a vu depuis le début) la stratégie de l’opposition semble être de lui couper les ailes le plus possible, d’attendre l’expiration de son mandat de cinq ans, de tout remettre en place comme c’était avant qu’ils soit nommé, puis de rejeter sur Pell le blâme de l’échec des réformes financières. En toute apparence, c’est la voie que le Pape soutient.

Même à ce niveau, cependant, on peut être autorisé à signaler un problème : le Pape François ne vivra pas éternellement. Il y a toujours le risque que le prochain pape soit un véritable réformateur, qu’il ordonne une enquête sur ce qui s’est passé au Vatican, et que le monde découvre comment la réforme promise a été complètement falsifiée. Les gens évalueront ce que cela signifie que trois cardinaux qui étaient censés être en route pour la sortie en 2013 sont maintenant de retour, et qu’une intention déclarée de réduire le pouvoir de la Secrétairerie d’État a abouti à une situation dans laquelle la Secrétairerie est plus puissante et arbitraire que jamais.

Les détails de l’échec de la réforme financière du Vatican sont connus des journalistes qui ont étudié le sujet : ils sont donnés dans les nombreux articles cités dans ce chapitre. Mais les leçons générales restent à tirer. Un véritable acte d’accusation a été occulté par l’idée étrangère d’un parti conservateur et curialiste au Vatican, vaguement conçu et mal décrit. À l’intérieur de la Curie, chacun sait exactement qui sont les ennemis du Cardinal Pell, et ils savent aussi que, loin d’être en lutte pour résister à la volonté du Pape, ils tirent leur pouvoir de la faveur que leur accorde le Pape François.

(79) Article dans "Il Messaggero" du 29 avril 2016 : Franca Giansoldati, ’’Vaticano, scandalo case : un buco di 700 mila euro." (Le Vatican, affaire scandaleuse : un trou de 700 mille euros.)

(80) En juillet 2017, une exception se produisit tardivement lorsque le tribunal du Vatican commença à juger l’affaire relativement mineure des 400 000 euros détournés des fonds de l’hôpital Bambino Gesù pour rénover l’appartement du Cardinal Bertone (voir plus haut à la note 75). Fait significatif, le déclencheur de cette poursuite pourrait avoir été l’irritation du Pape François devant le fait que le Cardinal Bertone a exercé son droit de continuer à vivre au Vatican même après sa destitution en tant que Secrétaire d’État.

(81) Article dans "Cathotic Culture" du 21 avril 2016 : Philip Lawler, "The drive for Vatican reform has stalled". (L’élan pour la réforme du Vatican est au point mort)

(82) Article dans "LifeSiteNews" du 11 juillet 2016 : Philip Lawler, "Another blow to Vatican transparency and accountability". (Un autre coup porté à la transparence et à la responsabilité du Vatican)

(83) Francis X. Rocca dans "The Wall Street Journal" du 7 September 2016 : "The Trials and Tribulations of the Vatican’s Financial Chief : Pope Francis trimmed powers of Cardinal George Pell, charged with cleaning up the city-state’s muddled accounts, in setback for broader overhaul of Vatican." (Les Procès et les Tribulations du Chef Financier du Vatican : le Pape François a réduit les pouvoirs du Cardinal George Pell, chargé de nettoyer les comptes confus de l’État de la Cité, au détriment d’une refonte plus large du Vatican.)

(84) John Allen dans "Crux", 8 décembre 2016.

(85) Cité dans "Catholic World Report" du 13 juillet 2017, article de Carl Olson, "Is Cardinal Pell ’the quintessential scapegoat’ ?". (Le Cardinal Pell est-il le bouc émissaire par excellence ?) Il convient de noter que l’impopularité dont le Cardinal Pell a été victime en Australie provenait en grande partie du lobby homosexuel, qui n’aimait pas la position qu’il avait adoptée à cet égard.

Re: The Dictator Pope (Marcantonio Colonna)

Posté : 16 févr.18, 10:00
par Gilbert Chevalier
Guerre ouverte

Le conflit entre le Secrétariat de l’Économie et l’APSA entre dans une phase nouvelle et violente en mai 2017, lorsqu’une missive est distribuée de ce dernier aux départements du Vatican, les chargeant de fournir des informations financières pour un audit de PricewaterhouseCoopers qui devait se dérouler sous la direction de l’APSA – la mesure même qui avait été bloquée lors de son essai par le Secrétariat pour l’Économie. Monseigneur Rivella, qui était responsable de la lettre, a affirmé que le Conseil pour l’Économie avait autorisé l’APSA à entreprendre une procédure de révision, ce qui s’est rapidement avéré faux. En quelques jours, le Cardinal Pell et le Vérificateur Général ont envoyé des lettres aux services concernés pour dénoncer l’ordre et déclarer que l’APSA dépassait ses compétences (86).

Le vainqueur de cette bataille est vite révélé : le 20 juin, la "démission" est annoncée du Vérificateur Général, Libero Milone (87), prétendument parce qu’il refuse d’accepter une réduction de son salaire. Après des mois de silence, Milone révéla publiquement les circonstances de son licenciement le 24 septembre (88), et son témoignage de première main est présenté ici, complété par quelques détails qui ont été ajoutés par des témoins oculaires. Milone a raconté que, le matin du 19 juin, l’Archevêque Becciu lui a ordonné de démissionner lors d’un entretien privé, et a déclaré que l’ordre venait du Pape François en personne. Malgré les protestations de Mr Milone selon lesquelles les plaintes contre lui étaient fabriquées de toutes pièces, le licenciement s’est déroulé dans le style d’un État totalitaire. Le même jour, la Police du Vatican a fait une descente dans le bureau du Vérificateur Général, accompagnée de membres du Service d’Incendie du Vatican. Ils ont arrêté et interrogé Mr Milone pendant des heures, le menaçant souvent après avoir saisi tout son matériel électronique, personnel et professionnel, ainsi que tous les dossiers présents dans son bureau. Ils ont ensuite forcé la porte du bureau du Sous-Vérificateur Général, Ferruccio Pannico, pour prendre et emporter ses dossiers. Curieusement, les clefs du bureau de Mr Pannico et la combinaison du coffre-fort étaient à la disposition des agents de police, mais une procédure plus bruyante et intimidante utilisant des haches, des pieds-de-biche, des marteaux et des ciseaux ont été privilégiés. Mr Pannico, absent du bureau, a également été contraint de démissionner. Des simples employés et des visiteurs malheureux au bureau ce jour-là ont été détenus et privés de leurs téléphones cellulaires pendant leur interrogatoire. Les démissions de Milone et Pannico sont le résultat d’un ultimatum : démissionner ou être arrêté. Ils ont été obligés de signer des lettres scellant leurs lèvres, et Mr Milone, dans son interview du 24 septembre, n’a encore pu révéler qu’une partie de la vérité.

Contrairement à l’allégation en apparence selon laquelle la démission concernait le refus de Mr Milone d’accepter une réduction de salaire, les accusations portées contre lui le 19 juin étaient de nature tout à fait différente et comprenaient la "plainte" qu’il avait adressée à une entreprise extérieure au Vatican lorsqu’il avait constaté que son ordinateur avait été trafiqué. C’était en effet vrai : les consultants ont constaté que l’ordinateur avait été la cible d’un accès non autorisé, alors que l’ordinateur de son secrétaire avait été infecté par des logiciels espions qui copiaient des fichiers. Il est intéressant de noter que lorsque Mr Milone a fait ses révélations le 24 septembre, l’Archevêque Becciu a réagi avec véhémence en niant ses accusations et en déclarant que la raison de son licenciement était que Milone (le fonctionnaire, rappelons-le, qui avait été nommé pour enquêter sur des méfaits financiers au Vatican) avait "espionné" ses supérieurs et son personnel, y compris Becciu lui-même. Il s’agit en effet d’une organisation qui a porté l’espionnage interne à un niveau inconnu depuis la Roumanie de Ceausescu (89).

Quant à la véritable cause du licenciement de Mr Milone, on a vite dit qu’il se rapprochait trop près des finances de la Secrétairerie d’État. L’un des organismes dont ses recherches menaçaient la vie privée était Centesimus Annus, une fondation sous-examen qui est censée être un centre de collecte de fonds de l’Église, mais qui a été qualifiée par Moneyval en 2012 comme le contrôle d’une grande partie de la richesse du Vatican. Plus délicatement encore, Milone commençait à poursuivre l’allégation selon laquelle le Denier de Saint-Pierre - les dons des fidèles au Saint-Siège - avaient été détournés pour aider au financement de la campagne présidentielle de Hillary Clinton l’année précédente.

Le moment où le coup a été porté était également important, et il est lié à l’annonce faite quelques jours plus tard que le Cardinal Pell allait être accusé de maltraitance d’enfants par la police australienne. Le 19 juin, seul la Secrétairerie d’État le savait à Rome, par l’intermédiaire de son nonce en Australie, tandis que le Bureau de Presse du Vatican faisait cette annonce, avec une panoplie inutile, dix jours plus tard. La conclusion à tirer est qu’avec Pell mis hors de cause, la Secrétairerie d’État a estimé qu’il était prudent de se débarrasser également de son principal allié et que le scandale serait bientôt éclipsé par celui des allégations d’abus sexuel.

La responsabilité personnelle du Pape François pour cette manœuvre politique admet peu de doute. L’Archevêque Becciu a assuré à Milone, le 19 juin, que l’ordre de licenciement venait du Pape, et il n’y a guère de raisons d’en douter : il s’inscrit dans le modèle des nombreuses défenses ordonnées par Jorge Bergoglio, dans les coulisses, au cours de sa carrière. Dans son interview du 24 septembre, Milone a révélé qu’à la suite de son licenciement, il a écrit une lettre au Pape, par un canal sécurisé, dénonçant l’injustice et protestant contre le fait qu’il était victime d’une "una montatura" (un coup-monté). Il n’a jamais reçu de réponse, et ses efforts pour parler personnellement au pape François n’ont pas été couronnés de succès.

Le rôle joué dans cette affaire par le Promoteur de la Justice du Vatican mérite également d’être commenté. Son approche draconienne à l’égard de Mr Milone contraste avec sa politique déficiente, décrite plus haut, en ce qui concerne les nombreux cas de crimes financiers signalés à son bureau. La paralysie du système judiciaire au Vatican reste une source de préoccupation majeure.

L’épisode douloureux qui a été décrit soulève un certain nombre de questions, dont les suivantes :
  • Étant donné que le bureau du Vérificateur Général est situé sur des propriétés extraterritoriales mais non pas sur le territoire de l’État du Vatican, la Police du Vatican a-t-elle outrepassé sa juridiction en traversant le territoire Italien et en effectuant le raid et la détention en dehors de l’État du Vatican ?
  • Étant donné qu’une descente policière de ce genre n’a manifestement pas lieu dans le cadre d’un différend salarial, et qu’elle ne justifierait pas le transport de boîtes remplies de dossiers, serait-ce parce que les enquêtes de Milone l’ont rapproché trop dangereusement des vérités impliquant des personnes en position de pouvoir, de sorte qu’il a dû être arrêté et que les preuves ont été retirées ?
  • Enfin, comment le Pape François peut-il penser qu’une réforme des finances du Vatican est possible s’il a lui-même placé la quasi-totalité du pouvoir, de la police et de la justice entre les mains des structures mêmes et des personnes responsables de la corruption ?
(86) "Lettera 43", 21 mai 2017 : Francesco Peloso, "Vaticane, la guerra tra dicasteri finanziari frena la riforma del papa" (Vatican, la guerre entre les services financiers freine la réforme du pape) ; et "National Catholic Register" du 10 mai 2017 : Edward Pentin, "Cardinal Pell Reprimands Vatican’s Real Estate Body for Exceeding Its Authority." (Le Cardinal Pell réprimande l’Organisme Immobilier du Vatican pour avoir outrepassé son autorité)

(87) Article dans "Catholic Culture" du 20 juin 2017 : Philip Lawler, "The Vatican auditor resigns – another crushing blow for financial reform". (Le Vérificateur du Vatican démissionne – un autre coup dur pour la réforme financière)

(88) Interview de Libero Milone donnée au "Corriere della Sera", "Wall Street Journal", "Reuters" et "Sky Tg24", publiée par le "Corriere della Sera" le 24 septembre 2017. Voir aussi l’article de Philip Pullella dans "Reuters World News" de la même date, "Auditor says he was forced to quit Vatican after finding irregularities." (Le Vérificateur dit qu’il a été forcé de quitter le Vatican après avoir constaté des irrégularités)

(89) Pour plus de détails à ce sujet, voir le chapitre 6 ci-dessous.



Un constat troublant et une conclusion tout aussi troublante

Pour résumer ce qui a été dit jusqu’à présent : quatre organismes vitaux ont été mis en place au cours des dernières années : l’Autorité d’Information Financière, le Conseil pour l’Économie, le Secrétariat pour l’Économie et le Cabinet du Vérificateur Général. Depuis leur création, ces entités ont été la cible d’attaques des membres de la Vieille Garde laissés en place et habilités par le Pape François lui-même. Grâce à l’infiltration dans l’Autorité d’Information Financière et le Conseil pour l’Économie, avec la réduction et la suppression définitive du Préfet, le Cardinal Pell, et la révocation du Vérificateur Général, Libero Milone, ces quatre organismes ont été neutralisés, voire anéantis.

Le Pape était-il au courant de ces attaques ? Les initiés nous confirment que la réponse est oui, et qu’il a signé des décrets exécutifs illogiques l’un après l’autre pour accélérer leur disparition.

Cela nous amène à trois dernières questions :
  • Compte tenu du blocage effectif des quatre organismes mentionnés et du rétablissement de l’ancienne structure du Vatican, combien de temps la justice italienne attendra-t-elle avant d’exiger les noms des citoyens italiens qui ont enfreint la loi italienne, dans des actes allant du blanchiment d’argent à l’évasion fiscale, en utilisant des comptes de l’APSA et des canaux financiers protégés contre les paradis fiscaux offshore ?
  • Est-il possible que les autorités bancaires européennes et internationales décident de fermer l’accès de l’APSA aux facilités bancaires mondiales jusqu’à ce qu’un nettoyage des structures et de la population du Vatican ait eu lieu sous surveillance externe ?
  • Pouvons-nous voir le Gouvernement Italien dénoncer le Traité du Latran de 1929 qui a fait du Vatican un État étranger, créant ainsi le terrain de jeu sans loi et corrompu qu’il est devenu ?

Re: The Dictator Pope (Marcantonio Colonna)

Posté : 19 févr.18, 05:19
par Gilbert Chevalier
Illustrations

1. Quel est le vrai François ?
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... a2e8zcoMmw )


Section : La Mafia de Saint-Gall

2. Cardinal Carlo Maria Martini, Archevêque de Milan
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... bcNZZA4HZA )
« L'Église doit reconnaître ses erreurs et prendre un chemin de changement radical, en commençant par le Pape et les évêques », a dit le Cardinal Martini. (Il ne savait pas à quel point il avait raison.)

3. Cardinal Walter Kasper, Archevêque de Stuttgart
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... bcNZZA4HZA )
« Les évêques Africains ne devraient pas nous dire quoi faire », pensa le Cardinal Kasper, en poussant son programme doctrinal à travers le Synode sur la Famille.

4. Cardinal Godfried Danneels, Archevêque de Bruxelles
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... 6fF7SmxwGC )
Ici, on le voit arriver au siège de la police de Bruxelles pour être interrogé sur les abus sexuels commis par son clergé. Sa réponse à une victime était de suggérer que la victime devrait demander pardon.


Section : Les Porteurs du Pouvoir du Vatican

5. Cardinal Pietro Parolin
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... 3ajc2ZPdRx )
Nommé Secrétaire d'État par François en 2013, il a été le principal instrument de la dictature papale et a déjoué les tentatives de réforme de la Curie qui voulaient réduire le pouvoir de la Secrétairerie d'État.

6. Archevêque Angelo Becciu
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... d3d2pqapyD )
Substitut du Cardinal Parolin à la Secrétairerie d’État et de plus en plus l'exécuteur des actes arbitraires de François.

7. Cardinal Domenico Calcagno
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... cVxYMPgrhU )
Président de l'organisme financier du Vatican APSA et principal ennemi de la réforme financière dans la Curie.


Section : Les Hommes de Confiance du Pape

8. Cardinal Francesco Coccopalmiero
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... dGAatbdKv4 )
Il a protégé un prêtre abuseur d'enfants et a employé quelqu'un du "lobby gay" du Vatican comme secrétaire. Il occupe toujours le premier poste au Vatican à 79 ans.

9. Mgr. Pio Vito Pinto
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... faPcSX3fyQ )
En tant que Doyen de la Rote Romaine, il suggéra que quatre cardinaux soient destitués pour avoir demandé au Pape François de clarifier son enseignement.

10. Archevêque Rino Fisichella
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... JPthcLFr1U )
Il veut que ceux qui critiquent le Pape François subissent une excommunication automatique.

11. Mgr Battista Ricca
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... j692CbsvZ6 )
Se réjouit de la faveur du Pape François en dépit d'une carrière homosexuelle scandaleuse dans le service diplomatique du Vatican.


Section : Le clergé abusant des enfants, qui apprécie la miséricorde du Pape François

12. Don Mauro Inzoli
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... LHJLPweonG )
Connu sous le nom de Don Mercedes pour son style de vie cher (ici vu avec un de ses amis politiciens influents). En liberté malgré de multiples délits de maltraitance d'enfants, protégé par le Cardinal Coccopalmerio et Monseigneur Vito Pinto, et rétabli par le Pape François.

13. Père Nicola Corradi
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... Zpxb721Gvn )
Abuseur d'enfants sourds-muets depuis de nombreuses années en Italie et en Argentine. Les lettres répétées des victimes au Pape François ont été ignorées.


Section : Les Victimes du Pape

14. Cardinal Raymond Burke
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... CbE7UwPFSk )
D'abord écarté par le Pape François comme Préfet de la Signature Apostolique, puis trahi comme Patron de l'Ordre de Malte.

15. Cardinal Robert Sarah
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... CbE7UwPFSk )
Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin : son département a subi une purge totale suite à un appel du Cardinal Sarah pour restaurer l'authenticité liturgique.

16. Cardinal Gerhard Müller
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... eK1VwapwKm )
Ancien Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Renvoyé sans préavis par le Pape François pour avoir été trop orthodoxe.

17. Libero Milone
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... uSZ9obkQjg )
Le Vérificateur Général du Vatican, rejeté peut-être parce qu'il se rapprochait trop de l'histoire selon laquelle le Vatican a secrètement financé la campagne présidentielle de Hillary Clinton.

18. Père Stefano Maria Manelli
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... 8ppfX6CQHm )
Fondateur des Franciscains de l'Immaculée, un des ordres les plus florissants de l'Église moderne, qui a été persécuté et presque détruit par le Pape François.

19. Grand Maître Matthew Festing
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... JCsjkiahNX )
Rejeté par le Pape François comme chef des Chevaliers de Malte pour avoir essayé d'appliquer l'enseignement catholique contre la contraception.

20. Affiches critiquant le Pape François parues à Rome en février 2017
(photo ici : https://gloria.tv/album/NSRNWE9k1LLJ3MQ ... 3umjW462CK )
« Hé, Frankie, tu as démantelé des Congrégations, démis des prêtres, décapité l'Ordre de Malte et les Franciscains de l'Immaculée, ignoré des Cardinaux... où est donc ta miséricorde ? »

Re: The Dictator Pope (Marcantonio Colonna)

Posté : 20 févr.18, 09:59
par Gilbert Chevalier
4. FRAYER UN NOUVEAU CHEMIN (TRÈS TORTUEUX)

1) Les Synodes sur la Famille : une nouvelle approche de la morale sexuelle

Le Synode Extraordinaire : établir un ordre du jour


Le 8 octobre 2013, le Pape François a annoncé la tenue de deux synodes pour discuter des défis auxquels la famille est confrontée. Le premier, le Synode Extraordinaire, se tiendra du 5 au 19 octobre 2014 et le second, le Synode Ordinaire, du 4 au 24 octobre 2015. La période qui a précédé les synodes était dominée par la proposition, dirigée par le Cardinal Walter Kasper, selon laquelle les catholiques qui avaient divorcé et contracté des unions civiles non valides pouvaient être admis aux sacrements de Pénitence et de Sainte Communion sans amendement de la vie. Kasper poursuivait cet objectif depuis de nombreuses années. En septembre 1993, lui et deux autres évêques allemands avaient publié une lettre pastorale appelant à la permission de cette pratique dans certains cas. La Congrégation pour la Doctrine de la Foi a répondu en réaffirmant l’enseignement traditionnel de l’Église, comme le confirmait l’Exhortation Apostolique Familiaris Consortio de 1981.

Le Cardinal Kasper a retrouvé sa place à l’occasion du premier Angélus du nouveau Pape, le 17 mars 2013. La louange de François pour son livre fut, comme mentionné au chapitre 1, le premier signe de la direction du pontificat.

L’organisation des synodes était entre les mains du Secrétariat du Synode dirigé par le Cardinal Lorenzo Baldisseri. Le 26 octobre 2013, le Secrétariat a envoyé un questionnaire à toutes les Conférences épiscopales invitant à répondre aux questions relatives au mariage, à la famille et à l’éthique sexuelle, en mettant l’accent sur les unions irrégulières. Trois jours auparavant, le Cardinal Gerhard Müller, Préfet de la CDF, avait publié dans L’Osservatore Romano un article expliquant pourquoi il était impossible de changer l’enseignement de l’Église sur l’admission des divorcés et remariés aux sacrements (90). Il était manifestement préoccupé par la direction du synode, avant même que l’exercice de consultation officielle n’ait été lancé.

Les craintes du Cardinal Müller pouvaient sembler être justifiées lorsque, le 7 novembre, le Cardinal Reinhard Marx, membre du Conseil interne de neuf cardinaux du Pape François, répondit que Müller ne serait pas en mesure « d’arrêter le débat » (91). Le Cardinal Kasper a été invité à prononcer une allocution au consistoire des cardinaux qui s’est tenu le 20 février 2014 et il a profité de l’occasion pour expliquer longuement sa proposition. Il était le seul cardinal présent à avoir eu une telle opportunité. Il a été rapporté qu’environ les quatre cinquièmes des cardinaux présents se sont prononcés contre sa position (92). Kasper a répondu à la réaction hostile en soulignant qu’il agissait pour le Pape. Il a remercié « le Saint-Père pour ses paroles amicales et pour sa confiance de m’avoir confié ce rapport » (93).

Le P. Federico Lombardi, l’attaché de presse du Saint-Siège, a déclaré aux médias que le Pape avait appelé les cardinaux à s’occuper des problèmes de la famille sans « casuistique » et que le discours de Kasper était « en grande harmonie » avec les paroles du Pape (94). Le lendemain, le Pape a prodigué des louanges à Kasper :
« Hier, avant de m’endormir, je lisais et relisais les remarques du Cardinal Kasper. Je voudrais le remercier, parce que j’ai trouvé une théologie profonde ; et des pensées sereines dans la théologie. C’est agréable de lire la théologie sereine. Cela m’a fait du bien et j’ai eu une idée, et excusez-moi si j’embarrasse votre Éminence, mais l’idée est la suivante : c’est ce qu’on appelle faire de la théologie à genoux. Je vous remercie. Merci. » (95)

Le discours de Kasper a été publié quelques semaines plus tard avec les mots de louange du Pape au dos de la couverture. Vers la même époque, une collection d’extraits d’homélies du Pape François a été publiée sous le titre L’Église de la Miséricorde. L’avant-propos a été écrit par l’Archevêque de Westminster, le Cardinal Vincent Nichols, un dissident de l’enseignement catholique sur l’éthique sexuelle (96). Le prédécesseur à la retraite de Nichols à Westminster, le Cardinal Murphy-O’Connor, membre du groupe de Saint-Gall et militant actif pour l’élection du Cardinal Bergoglio, a déclaré à Vatican Insider en mars 2014 : « Lorsque les cardinaux ont élu Bergoglio, ils ne savaient pas quelle boîte de Pandore ils ouvraient, ils ne savaient pas quel caractère d’acier il était, ils ne savaient pas qu’il était Jésuite de manière très profonde, ils ne savaient pas qui ils étaient en train d’élire. » (97)

Entre février et octobre 2014, Kasper défendit sa proposition, se rendant aux États-Unis et donnant des interviews à diverses publications, stations de radio et de télévision. Pourtant, l’opposition au sein du collège des cardinaux était formidable. Cinq Cardinaux, Walter Brandmüller, Raymond Burke, Carlo Caffara, Gerhard Müller et Velasio de Paolis ont contribué, avec quatre autres érudits, à une réponse complète aux arguments de Kasper publiés sous forme de livre sous le titre Demeurer dans la Vérité du Christ : Mariage et Communion dans l’Église Catholique. Il y a des indications que la réponse a découragé le Cardinal Kasper et le Pape. La Croix a rapporté que le Saint-Père était « mécontent » des cardinaux qui avaient contribué à Demeurer dans la Vérité du Christ. Il a également indiqué qu’il « exigeait » que le Cardinal Müller ne participe pas à la promotion du livre (98).

Le 8 septembre 2014, Kasper a dit à Il Mattino :
« J’ai tout décidé avec lui. Il était d’accord. Que peut faire un cardinal, sinon être avec le Pape ? Je ne suis pas la cible, la cible est un autre..... Ils savent que je n’ai pas fait ces choses tout seul. Je suis d’accord avec le Pape, je lui ai parlé deux fois. Il s’est montré satisfait. Maintenant, ils créent cette controverse. Un Cardinal doit être proche du Pape, à ses côtés. Les Cardinaux sont les coopérateurs du Pape. » (99)

La révélation la plus frappante de la période pré-synodale immédiate a peut-être été celle rendue publique le 20 septembre par Marco Tosatti de La Stampa. Il a révélé que le Cardinal Baldisseri avait été entendu expliquer comment le Synode Extraordinaire allait être géré afin d’atteindre les résultats souhaités par le Secrétariat. La première stratégie, qui avait déjà été accomplie, était que toutes les interventions des pères synodaux devaient être soumises avant le 8 septembre. Cela a permis d’élaborer la deuxième stratégie, qui consistait à lire attentivement toutes les interventions afin de s’assurer que tous les points contraires à l’ordre du jour souhaité puissent être traités de la manière la plus efficace possible avant que l’orateur n’ait eu la possibilité de prendre la parole. La troisième stratégie était simplement d’empêcher certains pères synodaux de s’adresser même à l’assemblée. On leur dira qu’il n’y a plus de temps pour les interventions, mais que leur point de vue sera pris en compte dans le rapport final. La révélation de Tosatti a alerté les participants et les commentateurs sur la menace de manipulation. Lors d’une conférence de presse pré-synodale, le 3 octobre, le Cardinal Baldisseri s’est mis en colère alors que les journalistes remettaient en question le manque de transparence ; « Tu devrais venir ici si tu sais tout, peut-être que tu devrais être un père du synode », dit-il à une journaliste (100).

(90) Gerhard Ludwig Cardinal Müller, "Testimony to the Power of Grace : On the Indissolubility of Marriage and the Debate Concerning Civilly Remarried and the Sacrament" (Témoignage du Pouvoir de la Grâce : Sur l’Indissolubilité du Mariage et le Débat concernant les remariés civilement et le Sacrement), 23 octobre 2014, vatican.va, http://www.vatican.va/roman_curia/congr ... ti_en.html

(91) ’’The Synod on the Family, Kasper and the Call for Mercy" (Le Synode sur la Famille, Kasper et l’Appel à la Miséricorde), 26 février 2014, Rorate Caeli, https://rorate-caeli.blogspot.com/2014/ ... ebels.html

(92) Marco Tosatti, La Stampa, 24 mars 2014. Cité en anglais dans "Very Relevant : Exclusive for La Stampa" (Très pertinent : Exclusif pour La Stampa), 26 mars 2014, Rorate Caeli, https://rorate-caeli.blogspot.com/2014/ ... tampa.html

(93) Walter Cardinal Kasper, "The Gospel of the Family" (L’Évangile de la Famille), (New York, 2014), p.43.

(94) Junno Arocho Esteves, "Fr Lombardi : Consistory Focused on Pastoral Vision of the Family" (P. Lombardi : Consistoire centré sur la vision pastorale de la famille), 20 février 2014, Zenit, https://zenit.org/articles/fr-lombardi- ... he-family/

(95) "Pope Francis expresses support for Cardinal Kasper’s ’serene theology’ on the family" (Le Pape François exprime son soutien à la "théologie sereine" du Cardinal Kasper sur la famille), 21 février 2014, Rome Reports, https://www.romereports.com/pg155863-po ... amily--en/

(96) Un aperçu des positions du Cardinal Nichols peut être lu ici "Cardinal who supports LGBT radicals is moderator of English-speaking synod group" (Le Cardinal qui soutient les radicaux LGBT est modérateur du groupe synodal anglophone), 9 octobre 2015, Voice of the Family, http://voiceofthefamily.com/cardinal-wh ... nod-group/

(97) Gerard O’Connell, "Murphy-O’Connor : Francis is open, honest and made people feel free" (Murphy-O’Connor : François est ouvert, honnête et les gens se sentent libres), Vatican Inseider, http://www.lastampa.it/2014/03/13/vatic ... agina.html

(98) "Cinq cardinaux rappellent leur ferme position doctrinale avant le Synode sur la famille", 17 septembre 2014, La Croix, https://www.la-croix.com/Religion/Actua ... 17-1207711

(99) "Intervista al cardinale Kasper : « Vogliono la guerra al Sinodo, il Papa è il bersaglio »" (Entretien avec le Cardinal Kasper : « Ils veulent la guerre au Synode, le Pape est la cible. ») , 18 septembre 2014, Il Mattino, https://www.ilmattino.it/PRIMOPIANO/CRO ... 9030.shtml

(100) "You should come up here if you know everything’ : Cardinal fires back as press questions Synod’s ’lack of transparency’" (Vous devriez venir ici si vous savez tout : le Cardinal revient sur ses pas en posant des questions à la presse sur le « manque de transparence » du Synode), 3 octobre 2014, LifeSiteNews, https://www.lifesitenews.com/news/you-s ... k-as-press



Obtenir le résultat souhaité

Le Synode Extraordinaire a commencé, le 5 octobre 2014, par un sermon d’ouverture du Pape François condamnant les « mauvais pasteurs » qui « ont posé des fardeaux intolérables sur les épaules des autres et qui ne lèvent pas le petit doigt pour bouger ». « Les assemblées synodales, a-t-il ajouté, ne sont pas faites pour discuter de belles et intelligentes idées, ni pour voir qui est le plus intelligent. » (101)

Les craintes que ce fut une tentative d’intimidation des pères synodaux ont été renforcées par une interview donnée par le Saint-Père au journal argentin La Nación, publiée deux jours après son sermon. L’intervieweur a demandé au Pape s’il était « inquiet » au sujet du livre Demeurer dans la Vérité du Christ. Dans sa réponse, François s’est distingué de ses auteurs en déclarant qu’il aimait « débattre avec les évêques très conservateurs, mais intellectuellement bien formés ». Mais, a-t-il dit, « le monde a changé et l’Église ne peut s’enfermer dans de prétendues interprétations dogmatiques. » (102)

Au cours de la première semaine de l’assemblée, chaque père synodal a eu quatre minutes pour prendre la parole en séance plénière. Pour la première fois dans l’histoire du synode moderne, ni les textes des discours ni les résumés détaillés n’ont été publiés ; au lieu de cela, les attachés de presse du Vatican ont simplement donné un bref aperçu de ce qui avait été dit à partir de leurs propres notes manuscrites. Il est vite apparu que ces synthèses donnaient une impression déséquilibrée des interventions. Le P. Rosica, le porte-parole anglophone, a été particulièrement critiqué à cause de la partialité perçue de ses résumés. Par exemple, Rosica a exprimé son point de vue selon lequel « l’une des interventions saillantes » du jour était la suggestion qu’il y avait un grand désir de voir notre langage « changer pour faire face aux situations concrètes » et que « "vivre dans le péché", "intrinsèquement désordonné" ou "mentalité contraceptive" ne sont pas nécessairement des mots qui invitent les gens à se rapprocher du Christ et de l’Église ». Pourtant, il était loin d’être clair que de telles interventions étaient typiques. Un haut fonctionnaire du Vatican a déclaré au journaliste Edward Pentin : « Presque tous les briefings de Rosica et de Lombardi étaient orientés vers un angle libéral », tandis que les discours « en faveur de la tradition n’ont pas été rapportés » (103).

Marco Tosatti a réfléchi que si dans les synodes précédents on pouvait savoir ce que chaque évêque avait dit, pendant l’assemblée actuelle « on n’avait rien de tout cela, on avait juste un vague "riassunto", ou résumé... On ne pouvait pas savoir ce que tout le monde disait sur les problèmes. » (104) Le Cardinal Müller était parmi ceux qui se sont prononcés contre les nouvelles procédures. Il a insisté sur le fait que « tous les chrétiens ont le droit d’être informés de l’intervention de leurs évêques. » (105) Le Cardinal Burke a dit à Il Foglio : « ...il me semble que quelque chose ne fonctionne pas bien si l’information est manipulée de manière à ne mettre l’accent que sur une seule position au lieu de rapporter fidèlement les différentes positions qui ont été exprimées. Cela m’inquiète beaucoup, parce qu’un nombre constant d’évêques n’acceptent pas l’idée d’une rupture avec l’enseignement traditionnel de l’Église, mais peu le savent. » (106)

La preuve la plus notoire de manipulation est peut-être la Relatio Post Disceptationem, qui a été présentée aux pères synodaux et à la presse le lundi 13 octobre. Ce document se prétendait fondé sur les interventions des pères synodaux. Parmi les éléments les plus controversés de ce rapport figuraient :
1. l’ouverture à la "proposition Kasper",
2. les appels à l’Église pour qu’elle "valorise" l’orientation homosexuelle et
3. les appels à l’Église pour qu’elle se concentre sur les éléments supposés positifs des unions pécheresses, comme la cohabitation.

(101) "Pope Francis' Homily at Opening Mass of Extraordinary Synod on the Family" (L'homélie du Pape François à la messe d'ouverture du Synode Extraordinaire sur la Famille), 5 octobre 2014, Zenit, https://zenit.org/articles/pope-francis ... he-family/

(102) "Pope Francis distances himself from 'very conservative' bishops" (Le Pape François se distancie des évêques "très conservateurs"), 8 octobre 2014, LifeSiteNews, https://www.lifesitenews.com/all/date/2 ... kaspers-co

(103) Edward Pentin, The Rigging of a Vatican Synod ? An Investigation into Alleged Manipulation at the Extraordinary Synod on the Family (Le montage d'un synode du Vatican? Une enquête sur une présumée manipulation au Synode Extraordinaire sur la Famille), (San Francisco, 2015), p.51.

(104) Edward Pentin, The Rigging of a Vatican Synod ? An Investigation into Alleged Manipulation at the Extraordinary Synod on the Family (Le montage d'un synode du Vatican? Une enquête sur une présumée manipulation au Synode Extraordinaire sur la Famille), (San Francisco, 2015), p.51.

(105) "Top Vatican cardinal wants family speeches public" (Le premier cardinal du Vatican veut des discours publics sur la famille), 9 octobre 2014, Daily Mail, http://www.dailymail.co.uk/wires/ap/art ... ublic.html

(106) "Full Text of Cardinal Burke's Major Interview to Il Foglio on the Synod" (Texte intégral de l'Interview importante du Cardinal Burke à Il Foglio sur le Synode), 16 octobre 2014, Rorate Caeli, https://rorate-caeli.blogspot.com/2014/ ... major.html

Re: The Dictator Pope (Marcantonio Colonna)

Posté : 22 févr.18, 09:59
par Gilbert Chevalier
Voix dissidentes

Le rapport a été salué comme une révolution dans l’Église par beaucoup de gens dans les médias, malgré l’insistance de nombreux pères synodaux pour dire qu’il ne reflétait pas fidèlement les interventions faites. Le Cardinal Napier, l’un des quinze membres du Conseil permanent du synode, a rappelé que les pères synodaux se demandaient : « Comment donc dire que cela vient du synode alors que le synode n’en a même pas encore discuté ? » et d’autres qui disaient : « Il y a des choses dites là à propos du synode qui dit ceci, cela et ainsi de suite, mais personne ne les a jamais dites. » Napier a conclu : « C’est là qu’il est devenu évident qu’il y avait une certaine ingénierie en cours. » (107) Il avait été averti de cette menace potentielle. Quelques mois avant le début du synode, l’un de ceux qui étaient associés au synode avait dit à Napier qu’il était « très troublé » par ce qu’il avait vu. « Il s’agissait de manipuler le synode, de l’aménager dans une certaine direction, se souvient Napier. J’ai demandé : “Mais pourquoi ?” Il a dit : “Parce qu’ils veulent un certain résultat.” » (108)

Le Cardinal Pell, Préfet du Secrétariat de l’Économie, a répondu à la Relatio en affirmant que des « éléments radicaux » utilisaient des propositions pour la réception de la Sainte Communion par les remariés comme « cheval de Troie » pour d’autres changements dans l’enseignement de l’Église sur les questions de morale sexuelle. Le rapport était, dit-il, « tendancieux, biaisé ; il ne reflétait pas fidèlement les sentiments des pères synodaux... Dans la réaction immédiate, lorsqu’il y a eu une heure, une heure et demie de discussion, les trois quarts de ceux qui ont pris la parole ont dit avoir eu des problèmes avec le document », a fait remarquer Pell (109).

Le Cardinal Burke a dit au Catholic World Report :
« Je suis entièrement d’accord avec ce que le Cardinal George Pell et le Cardinal Wilfrid Fox Napier ont déclaré au sujet de la manipulation des Pères synodaux par le biais de la Relatio post disceptationem. Il est clair que celui qui a écrit la Relatio a un ordre du jour et a simplement usé de l’autorité d’une réunion solennelle des Cardinaux et des Évêques pour avancer son ordre du jour sans respecter la discussion qui a eu lieu pendant la première semaine du Synode. » (110)

Le Cardinal Baldisseri confirmera plus tard que ce document, et tous les autres documents synodaux, ont reçu l’approbation du Pape François avant leur publication :
« Faites attention car c’est quelque chose qu’il faut vraiment savoir... Le pape présidait toutes les réunions du Conseil du secrétariat. Il préside. Je suis le secrétaire. C’est ainsi que tous les documents furent vus et approuvés par le pape, avec l’aval de sa présence. Même les documents pendant le synode, tels que la Relatio ante disceptationem, la Relatio post disceptationem et la Relatio synodi, ont été vus par lui avant d’être publiés. » (111)

Le Pape François a certes approuvé la Relatio, mais le Cardinal Erdő qui, en tant que Rapporteur Général, en était théoriquement responsable, s’est éloigné de son contenu. Lors de la conférence de presse au cours de laquelle elle a été lancée, lui et l’Archevêque Bruno Forte, Secrétaire Spécial du Synode, étaient tous deux présents. Interrogé sur la signification des passages relatifs à l’homosexualité, Erdő a pointé du doigt Forte et fait remarquer que « celui qui a écrit le texte doit savoir de quoi il parle » (112). Le sujet de l’homosexualité divise particulièrement les pères synodaux. Dans une interview controversée, rapportée par Edward Pentin, le Cardinal Kasper a affirmé que « l’Afrique est totalement différente de l’Occident » et que « vous ne pouvez pas en parler [de l’homosexualité] avec les Africains et les gens des pays musulmans. Ce n’est pas possible. C’est un tabou. Pour nous, nous disons qu’il ne faut pas discriminer, nous ne voulons pas discriminer à certains égards. » Il semblait également suggérer que la position des évêques africains n’était entendue qu’en Afrique, « là où c’est un tabou », mais pas au synode. Le cardinal a ajouté : « Il doit y avoir de la place aussi pour que les conférences épiscopales locales puissent résoudre leurs problèmes, mais je dirais qu’avec l’Afrique c’est impossible [pour nous de les résoudre]. Mais ils ne devraient pas trop nous dire ce qu’on doit faire. » (113)

Beaucoup d’évêques africains ont été irrités par l’insinuation de Kasper que leur position était basée sur un « tabou » arriéré, ainsi que par son affirmation qu’ils ne devaient pas dire aux évêques européens « trop de choses que nous devons faire ». Kasper a d’abord nié avoir dit ces mots, accusant effectivement le journaliste en question de dire des contrevérités. Ce n’est que lorsque Pentin a produit un enregistrement audio de l’entrevue que Kasper a présenté des excuses.

(107) Pentin, "Rigging of a Vatican Synod ?" (Le montage d’un synode du Vatican ?), p.21.

(108) Pentin, "Rigging of a Vatican Synod ?" (Le montage d’un synode du Vatican ?), p.21.

(109) "Cardinal Pell : Synod says no to secular agenda" (Cardinal Pell : Le Synode dit non à l’agenda séculier), 16 octobre 2014, Catholic News Service, http://www.catholicnews.com/data/storie ... 04281.htlm

(110) "Cardinal Burke to CWR : confirms transfer, praises pushback, addresses controversy over remarks by Cardinal Kasper" (Le Cardinal Burke à CWR : il confirme son renvoi, fait état du pushback, aborde la controverse sur les remarques du Cardinal Kasper), 18 octobre 2014, Catholic World Report, http://www.catholicworldreport.com/2014 ... al-kasper/

(111) Pentin, "Rigging of a Vatican Synod ?" (Le montage d’un synode du Vatican ?), p.150.

(112) Pentin, "Rigging of a Vatican Synod ?" (Le montage d’un synode du Vatican ?), p.180.

(113) Edward Pentin, "Statement on Cardinal Kasper Interview" (Déclaration sur l’interview du Cardinal Kasper), 16 octobre 2014, Edward Pentin, http://edwardpentin.co.uk/statement-on- ... interview/



Un objectif à moitié atteint

Après la publication du rapport intermédiaire le 13 octobre, les pères synodaux se sont divisés en petits groupes pour suggérer des amendements au texte. Dans la matinée du jeudi 16 octobre, les rapports des petits groupes ont été remis aux autorités synodales et il a été immédiatement annoncé que, contrairement à la pratique habituelle, les rapports ne seraient pas publiés. Cela provoqua un tumulte immédiat dans la salle synodale où les cardinaux et les évêques se levèrent les uns après les autres pour exiger la publication. On rapporte que le secrétariat synodal a été hué et raillé pendant une quinzaine de minutes jusqu’à ce que le Pape François indique au Cardinal Baldisseri que les rapports pourraient être publiés (114).

L’importance de leur publication a été clairement expliquée par le Cardinal Burke :
« Je considère la publication des rapports des dix petits groupes d’importance cruciale, car ils démontrent que les Pères synodaux n’acceptent pas du tout le contenu de la Relatio... Il y a eu une tentative de ne pas publier les rapports et de demander au Père Lombardi d’en filtrer à nouveau le contenu, mais les Pères synodaux, qui jusque-là n’avaient pas de moyens directs de communication avec le public, ont insisté pour que les rapports soient publiés. Il était essentiel que le public sache, à travers la publication des rapports, que la Relatio est un document gravement imparfait et qu’elle n’exprime pas de manière adéquate l’enseignement et la discipline de l’Église et, sous certains aspects, qu’elle propage l’erreur doctrinale et une fausse approche pastorale. » (115)

La publication de ces rapports a permis que le document final reflète plus fidèlement les contributions des pères synodaux. Dans la version finale, les passages controversés sur l’homosexualité ont été entièrement supprimés et remplacés par de brèves reprises de l’enseignement catholique. Les appels à la reconnaissance des aspects positifs des unions pécheresses sont restés dans le projet final et ont été acceptés par les pères synodaux. Les passages sur la réception de la Sainte Communion pour les divorcés et remariés sont restés sous une forme modifiée, mais n’ont pas obtenu la majorité des deux tiers. Malgré cela, le Pape François ordonna que les paragraphes rejetés restent dans le projet. En agissant ainsi, le pape a outrepassé les règles du synode. L’article 26 §1 de l’Ordo Synodi Episcoporum stipule : « Pour arriver à la majorité des voix, si le vote est pour l’approbation d’un point, deux tiers des votes des Membres votants sont requis ; si c’est pour le rejet d’un point, la majorité absolue des mêmes Membres est nécessaire. » En ordonnant le maintien des paragraphes 52, 53 et 55, le Pape François lui-même s’assurait que la "proposition Kasper" resterait à l’ordre du jour du Synode Ordinaire, bien qu’elle ait été rejetée par les pères du Synode Extraordinaire.

La dernière session du Synode s’est tenue le 18 octobre. Dans son discours de clôture, le Pape François a lancé une attaque cinglante contre les "traditionalistes" et les "intellectuels". Il condamne : « la tentation d’une rigidité hostile, c’est-à-dire de vouloir se refermer dans la parole écrite (la lettre) et de ne pas se laisser surprendre par Dieu, par le Dieu des surprises (l’esprit), dans la loi, dans la certitude de ce que nous savons et non de ce qu’il nous reste à apprendre et à accomplir. Depuis le temps du Christ, c’est la tentation des zélés, des scrupuleux, des consciencieux et des soi-disant – aujourd’hui – "traditionalistes" et aussi des intellectuels. »

Il a conclu: « Maintenant nous avons encore un an pour mûrir, avec un vrai discernement spirituel, les idées proposées et pour trouver des solutions concrètes à tant de difficultés et d’innombrables défis auxquels les familles doivent faire face. » (116)

Le Cardinal Marx en a rapidement tiré les conséquences :
« Les portes sont ouvertes, plus larges que jamais depuis le Concile Vatican II. Les débats synodaux n’étaient qu’un point de départ. François veut faire avancer les choses, faire avancer les processus. Le vrai travail va commencer. » (117)

(114) Pentin, "Rigging of a Vatican Synod ?" (Le montage d’un Synode du Vatican ?), p.130.

(115) "Cardinal Burke to CWR : confirms transfer, praises pushback, addresses controversy over remarks by Cardinal Kasper" (Le Cardinal Burke à CWR : il confirme son renvoi, fait état du pushback, aborde la controverse sur les remarques du Cardinal Kasper), 18 octobre 2014, Catholic World Report. http://www.catholicworldreport.com/2014 ... al-kasper/

(116) "Pope Francis speech at the conclusion of the Synod") (Discours du Pape François à la conclusion du Synode), 18 octobre 2014, Vatican Radio. http://en.radiovaticana.va/news/2014/10 ... od/1108944

(117) Christa Pongratz-Lippit, "Cardinal Marx : Pope Francis has pushed open the doors of the church" (Cardinal Marx : le Pape François a poussé les portes de l’Église), 28 octobre 2014, National Catholic Reporter. https://www.ncronline.org/blogs/ncr-tod ... ors-church

Re: The Dictator Pope (Marcantonio Colonna)

Posté : 26 févr.18, 03:49
par Gilbert Chevalier
Le Synode Ordinaire

De telles déclarations ont fait en sorte que la tension a continué de s’accroître à mesure que le Synode Ordinaire de 2015 approchait. Un incident, qui semblait représenter pour beaucoup la conduite douteuse du processus synodal, fut l’histoire, qui a éclaté en février 2015, de la "disparition" des exemplaires de Demeurer dans la Vérité du Christ qui avaient été envoyés par Ignace Press à tous les pères synodaux. Selon le récit reconstitué par Edward Pentin, des exemplaires du livre ont été expédiés à chaque père du synode, dans la salle du synode, dans des enveloppes adressées individuellement, le premier jour du synode, lundi 6 octobre. Les livres ont été livrés au bureau de poste du Vatican le jeudi ou vendredi de la semaine. À leur arrivée, ils ont été conduits dans les bureaux du secrétariat synodal. C’est ici que l’une des enveloppes aurait été ouverte, le livre identifié, et le Cardinal Baldisseri informé. Pour des raisons qui ne sont pas claires, la procédure correcte n’a pas été suivie au bureau de poste du Vatican et les enveloppes n’ont pas été estampillées.

Pentin écrit :
« Selon de multiples sources, le cardinal était "furieux" d’apprendre que le livre avait été envoyé aux pères synodaux... Une deuxième source du secrétariat a dit qu’une "discussion" avait eu lieu entre les membres du personnel sur ce qu’il fallait faire avec les livres. Le Cardinal Baldisseri, a-t-il dit, "a explosé" au sujet du livre en cours de livraison au synode. » (118)

La même source a informé Pentin que le Cardinal Baldisseri voulait bloquer la livraison des livres, mais le postier du Vatican lui a dit que ce serait illégal. Il a donc fait renvoyer les livres au bureau de poste afin qu’ils soient estampillés correctement et a ensuite retardé la livraison le plus longtemps possible. Ce n’est que le mercredi de la deuxième semaine, alors que le synode tirait à sa fin, et près d’une semaine après leur livraison initiale, que les livres furent finalement livrés aux boîtes aux lettres des pères synodaux. Ils ont été laissés à disposition pendant quelques jours pour satisfaire aux exigences légales, puis ont été retirés. La plupart des pères synodaux n’ont donc jamais reçu leur exemplaire de ce livre, qui défendait la doctrine éternelle de l’Église.

Aussi troublant que cet incident puisse paraître, il ne se compare pas au défi présenté à la doctrine catholique traditionnelle par la publication de l’Instrumentum Laboris, le document de travail du Synode Ordinaire, en juin 2015. Dans le présent document, la Relatio Synodi du Synode Extraordinaire est complétée par un commentaire approfondi qui développe les thèmes présentés dans le document initial et aborde certains sujets qui n’avaient pas été abordés auparavant. Le document contient les paragraphes 52, 53 et 55 de la Relatio Synodi, malgré leur rejet par le premier synode. Cependant, les problèmes liés à l’Instrumentum Laboris vont bien au-delà de cette question. Les critiques ont fait valoir que le document :
  • a sapé l’enseignement de l’Église sur le mal intrinsèque du contrôle artificiel des naissances en proposant une fausse compréhension de la relation entre la conscience et la loi morale (paragraphe 137) ;
  • introduit une ambiguïté dans l’enseignement de l’Église sur les méthodes artificielles de reproduction, telles que la FIV (fécondation in vitro), en discutant du « phénomène » sans porter de jugement sur la moralité de ces méthodes, ni faire référence à l’enseignement antérieur de Donum Vitae et Dignitatis Personae, ou à la perte de vie humaine qui résulte de leur utilisation (paragraphe 34) (119) ;
  • réduit l’indissolubilité du mariage au niveau d’un « idéal » (paragraphe 42) ;
  • suggère que la cohabitation et le « vivre ensemble » pourraient avoir des « aspects positifs » et pourraient, dans une certaine mesure, être considérés comme des formes légitimes d’union (paragraphes 57, 61, 63, 99 et 102) ;
  • a préparé la voie à l’acceptation des unions homosexuelles en reconnaissant la nécessité de définir « le caractère spécifique de ces unions dans la société » (paragraphe 8) ;
  • a nié les pleins droits des parents en ce qui concerne l’éducation sexuelle de leurs enfants (paragraphe 86).
La coalition pro-vie, Voice of the Family, a conclu que : « L’Instrumentum Laboris, à l’instar de la Relatio Post Disceptationem et de la Relatio Synodi du Synode Extraordinaire, menace toute la structure de l’enseignement catholique sur le mariage, la famille et la sexualité humaine. »

La composition du comité chargé de rédiger le rapport final du synode a confirmé ces craintes. Il était clair qu’au moins sept des dix rédacteurs nommés par le Pape François étaient des hommes d’opinions connues comme "progressistes". Outre le Cardinal Baldisseri et l’Archevêque Bruno Forte, il s’agit du Cardinal Wuerl de Washington, du Cardinal Dew de Wellington (120), de l’Archevêque Victor Manuel Fernandez d’Argentine (121), de Mgr Marcello Semeraro d’Albano et du Général des Jésuites, le Père Adolfo Nicolás.

Le Pape François a également fait un usage extensif de son pouvoir de faire des nominations spéciales au synode pour donner une voix et un vote aux prélats libéraux qui, autrement, n’auraient pas été présents. En dehors de Walter Kasper lui-même, son choix le plus célèbre fut peut-être le Cardinal Godfried Danneels, l’un des leaders du Groupe de Saint-Gall. Les antécédents de Danneels en matière de dissimulation d’un évêque qui abusait des enfants et de soutien à la légalisation de l’avortement et des unions homosexuelles ont déjà été décrits. Parmi les autres personnes controversées nommées par le Pape figuraient le Cardinal Dew, le Cardinal Cupich de Chicago, qui a ouvertement soutenu l’admission aux sacrements des adultères impénitents et des homosexuels pratiquants, et Walter Kasper lui-même.

Alors que l’ouverture du synode devenait imminente, le Cardinal Robert Sarah a exprimé les inquiétudes de nombreux hommes d’Église de premier plan :
« À l’approche de la XIVe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques consacrée à « La Vocation et la Mission de la Famille dans l’Église et le monde contemporain », les Églises particulières, les facultés de théologie et les groupes et associations de familles intensifient leurs préparatifs en vue de cet événement ecclésial majeur. En même temps, on a le sentiment que les faiseurs d’opinion, les groupes de pression et les lobbies prennent de l’importance. Nous voyons aussi des stratégies de communication se mettre en place ; il semblerait même que de nouvelles méthodologies pour l’assemblée synodale soient examinées afin de donner une voix à certaines lignes de pensée tout en essayant d’en rendre d’autres inaudibles, sinon de les faire taire complètement. Tout nous porte à croire que la prochaine assemblée synodale sera pour beaucoup un synode aux enjeux élevés. L’avenir de la famille est en jeu pour l’humanité aujourd’hui. » (122)

Certes, deux jours avant l’ouverture du Synode, il a été annoncé que la Secrétariat du Synode avait « imaginé une nouvelle méthode » pour mener les discussions. Les pères synodaux passeraient beaucoup plus de temps dans de petits groupes linguistiques de discussion et relativement peu de temps en sessions plénières. Il n’y aurait pas de Relatio Post Disceptationem, ce qui signifie que, contrairement à l’année précédente où ce rapport intérimaire révélait l’ordre du jour au travail et provoquait une riposte, les pères synodaux ne recevraient aucune indication du contenu du rapport final jusqu’au tout dernier jour du Synode.

(118) Pentin, "Rigging of a Vatican Synod ?" (Le montage d’un Synode du Vatican ?), p.61.

(119) "Donum Vitae", Congrégation pour la Doctrine de la Foi, 22 février 1987 ;
"Dignitatis Personae", Congrégation pour la Doctrine de la Foi, 8 septembre 2008.

(120) Il semblerait que Dew, l’une des récentes nominations de François au collège des cardinaux, était l’évêque cité par le Père Rosica comme ayant dit que l’Église devrait abandonner son langage de condamnation du péché. Au cours du Synode d’octobre 2005, l’Archevêque Dew a plaidé pour l’admission des divorcés et remariés à la Sainte Communion.

(121) Plus tard identifié comme l’auteur fantôme principal du Pape François pour Amoris Laetitia.

(122) Robert Cardinal Sarah, « What Sort of Pastoral Mercy in Response to New Challenges on the Family ? A Reading of the Lineamenta » (Quelle sorte de Pastorale de la Miséricorde pour répondre aux nouveaux défis de la Famille ? Une lecture des Lineamenta), dans "Christ’s New Homeland Africa : Contribution to the Synod by African Pastors" (La Nouvelle Patrie du Christ en Afrique : Contribution des Pasteurs Africains au Synode) (San Francisco, 2015).



Le Pape François est mécontent

C’est dans ce contexte que treize cardinaux ont écrit au Pape François pour lui exposer leurs principales préoccupations. Parmi ces cardinaux figuraient Carlo Caffarra, Archevêque de Bologne, Thomas Collins, Archevêque de Toronto, Timothy Dolan, Archevêque de New York, Willem Eijk, Archevêque d’Utrecht, Gerhard Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Wilfrid Fox Napier, Archevêque de Durban, George Pell, préfet du Secrétariat pour l’Économie, Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, Angelo Scola, Archevêque de Milan et Jorge L. Urosa Savino, Archevêque de Caracas. Le texte de la lettre, révélé par le journaliste italien Sandro Magister le 12 octobre 2015, demandait au Pape François « d’examiner un certain nombre de préoccupations que nous avons entendues d’autres pères synodaux et que nous partageons ». Parmi ces préoccupations, mentionnons les suivantes :
  • L’Instrumentum Laboris, dont les « nouvelles procédures guidant le synode semblent lui garantir... une influence excessive », comportait « diverses sections problématiques » et ne pouvait donc pas « servir adéquatement de texte d’orientation ou de fondement à un document final ».
  • Les « nouvelles procédures synodales » seraient « perçues dans certains milieux comme manquant d’ouverture et de véritable collégialité. Dans le passé, le processus de faire des propositions et de voter sur elles a servi valablement le but de prendre la mesure de l’esprit des pères synodaux. L’absence de propositions et des discussions et votes qui s’y rapportent semblent décourager le débat ouvert et limiter la discussion à de petits groupes ; il nous semble donc urgent de rétablir l’élaboration des propositions qui seront soumises au vote de l’ensemble du synode. Le vote sur un document final intervient trop tard dans le processus pour permettre un examen complet et un ajustement sérieux du texte. »
  • « Le manque de contribution des pères synodaux dans la composition du comité de rédaction a créé un malaise considérable. Les membres ont été nommés, et non élus, sans consultation. De même, quiconque rédige quoi que ce soit au niveau des petits cercles devrait être élu et non pas nommé. »
Les cardinaux ont conclu : « ces choses ont créé un souci que les nouvelles procédures ne sont pas conformes à l’esprit et au but traditionnel d’un synode. Il n’est pas clair pourquoi ces changements procéduraux sont nécessaires. Un certain nombre de pères estiment que le nouveau processus semble conçu pour faciliter des résultats prédéterminés sur des questions litigieuses importantes. » (123)

Des rapports ont commencé à circuler que le Pape François est tombé en rage, en présence des évêques et des prêtres, à la réception de la lettre à la Casa Santa Marta, et la nouvelle a été d’une diatribe telle qu’on n’en a sûrement pas entendu de lèvres papales depuis plusieurs siècles. Il Giornale mentionne des rumeurs selon lesquelles le pape s’exclama : « Si c’est le cas, ils peuvent partir. L’Église n’en a pas besoin. Je vais tous les virer ! » (124) Selon d’autres rapports, il a dit : « Ne savent-ils pas que c’est moi qui suis le chef ici ? J’aurai leurs chapeaux rouges. »

Quelle que soit la véracité de ces propos, la réponse du Pape François dans la Salle du Synode, du mardi 6 octobre a été claire. Dans un discours imprévu au synode, le pape a mis en garde contre une « herméneutique de la conspiration » qui était « sociologiquement faible et spirituellement inutile » (125).

(123) Sandro Magister, "Thirteen Cardinals Have Written to the Pope. Here’s the Letter" (Treize Cardinaux ont écrit au Pape. Voici la lettre ), 12 octobre 2015, chiesa.espressonline.it, http://chiesa.espresso.repubblica.it/ar ... html?eng=y
(en français : http://chiesa.espresso.repubblica.it/ar ... .html?fr=y )

(124) Mario Valenza, "Papa Bergoglio : scoppio d’ira e malore dopo la lettera dei cardinali" (Pape Bergoglio : accès de colère et de fureur après la lettre des cardinaux), 13 octobre 2015, Il Giornale. http://www.ilgiornale.it/news/cronache/ ... 82085.html

(125) Edward Pentin, "Married Couples Have Their Say at the Synod" (Les couples mariés ont leur mot à dire au Synode), 8 octobre 2015, National Catholic Register. http://www.ncregister.com/daily-news/ma ... -the-synod

Re: The Dictator Pope (Marcantonio Colonna)

Posté : 01 mars18, 10:21
par Gilbert Chevalier
Inclinaison de la balance

L’intervention du Pape François traitait également d’une autre crise qui avait surgi au sein du parti "progressiste", à savoir la défense directe de l’enseignement moral catholique établi par le Cardinal Erdő, le Rapporteur Général du Synode. Dans son rapport d’ouverture, présenté le premier jour de l’assemblée, Erdő a réaffirmé l’enseignement de l’Église à travers tout le spectre de l’éthique sexuelle, y compris en rejetant résolument la "proposition Kasper". La réaffirmation de l’orthodoxie catholique par Erdő a encouragé de nombreux pères synodaux, mais le Pape François a agi de manière décisive pour la saper. Dans son intervention imprévue du lendemain matin, le Pape François a ordonné aux pères de considérer le Synode Ordinaire comme étant en parfaite continuité avec le Synode Extraordinaire. Il leur a dit qu’ils ne devaient considérer que trois documents comme documents formels du synode ; il s’agissait de son propre discours d’ouverture au Synode Extraordinaire, de la Relatio du Synode Extraordinaire et de son propre discours de clôture de ce synode. Il a également souligné que c’est l’Instrumentum Laboris qui devrait guider la discussion dans les prochains jours.

Cela a sapé l’autorité du rapport du Cardinal Erdő et a signalé aux pères synodaux qu’il souhaitait que les discussions se déroulent dans le sens établi par la Relatio Synodi oblique plutôt que par le Cardinal Erdő. Le pape a également précisé que la question de la réception de la Sainte Communion par les « divorcés et remariés » était à l’ordre du jour pour le synode. Le contenu de l’intervention du Saint-Père a été répété à plusieurs reprises par le P. Lombardi et d’autres intervenants lors de la conférence de presse (126). Les actions du Pape François semblaient orientées vers l’affaiblissement des efforts du Cardinal Erdő pour réorienter le Synode Ordinaire vers l’affirmation et la défense de la doctrine catholique.

À bien des égards importants, le Synode Ordinaire a suivi une voie similaire à celle de la première assemblée. Le service de presse semblait encore une fois manipuler le contenu. Le P. Rosica a tenu à rapporter une intervention dans laquelle il a été dit que « dans la pastorale des personnes, le langage de l’inclusion doit être notre langue, en tenant toujours compte des possibilités et des solutions pastorales et canoniques ». Il a également fait référence à des interventions appelant à une « nouvelle catéchèse pour le mariage », à un « nouveau langage pour parler aux gens de notre temps », à de nouvelles « approches pastorales pour ceux qui vivent ensemble avant le mariage » et à une nouvelle approche de l’homosexualité.

L’une des interventions relayées par Rosica était la suggestion que la question de la Sainte Communion pour les divorcés et remariés pouvait être résolue de différentes manières dans différentes parties du monde. Cela conduirait à des pratiques différentes, et implicitement des doctrines différentes, dans différentes parties de l’Église. Ces appels à la "décentralisation" s’inscrivaient dans le cadre de la stratégie globale adoptée par le parti "progressiste" (127).

Dans un important discours prononcé le 17 octobre 2015, à mi-parcours du Synode, le Pape François déclarait qu’il « ressentait le besoin de procéder à une saine "décentralisation" » du pouvoir vers « les Conférences Épiscopales ». « Nous devons réfléchir à une meilleure réalisation à travers ces organismes », a-t-il dit, parce que « l’espoir du Concile que de tels organismes contribuent à accroître l’esprit de collégialité épiscopale n’a pas encore été pleinement réalisé » (128).

La demande de dévolution du pouvoir, y compris « une véritable autorité doctrinale », a été réitérée par certains pères synodaux. L’Abbé Jeremias Schroder, qui a assisté au synode en tant que représentant de l’Union des Supérieurs Généraux, a déclaré que tant « l’acceptation sociale de l’homosexualité » que la manière de traiter les « personnes divorcées et remariés » sont des exemples « où les Conférences épiscopales devraient être autorisées à formuler des réponses pastorales en harmonie avec ce qui peut être prêché, annoncé et vécu dans un contexte différent ».

L’Abbé alléguait que cette délégation était soutenue par une majorité des pères synodaux. « Cela est arrivé à maintes reprises, de nombreuses interventions dans l’aula ont développé le sujet qu’il devrait y avoir une délégation et l’autorisation de traiter des questions au moins pastoralement de différentes manières selon les cultures... Je pense que j’ai entendu quelque chose comme ça au moins vingt fois dans les interventions, alors que seulement deux ou trois personnes se sont prononcées contre, affirmant que l’unité de l’Église doit être maintenue à tous égards et qu’il serait douloureux d’entrer dans une telle délégation d’autorité. » (129)

Il y avait en fait une opposition considérable de la part des pères synodaux conservateurs, comme en témoignent les interventions publiées de prélats tels que l’Archevêque Gadecki de Poznan, l’Archevêque Tomas Peta du Kazakhstan et l’Archevêque Majeur de Kiev, Sviatoslav Shevchuk. Pourtant, la résistance de tels cardinaux et évêques n’a pas pu empêcher l’approbation de nombreux paragraphes qui semblaient miner, voire directement contredire, l’enseignement catholique antérieur (130). À cet égard, le paragraphe 85 de la Relatio, qui soulève la question de « l’intégration » des catholiques divorcés et remariés qui ne sont pas entièrement coupables de leurs péchés, revêt une importance particulière. Ce paragraphe est référencé et développé dans l’Exhortation Apostolique Amoris Laetitia. Dans le paragraphe 305, et la note de bas de page qui l’accompagne (n° 351), le Pape François indique que, dans certains cas, ceux qui vivent dans un « état objectif de péché » peuvent être admis aux sacrements de Pénitence et de Sainte Communion sans modification de la vie, lorsqu’il est jugé qu’ils ne sont pas « subjectivement coupables » de péché mortel. Il s’agit d’une dérogation à l’enseignement établi selon lequel ceux qui sont objectivement coupables de péché mortel public doivent se voir refuser l’admission aux sacrements, malgré l’existence de facteurs qui pourraient réduire leur culpabilité. En ce qui concerne les divorcés et remariés, le Pape Jean-Paul II a enseigné : « Ils ne peuvent y être admis du fait que leur état et leur condition de vie contredisent objectivement cette union d’amour entre le Christ et l’Église qui est signifiée et accomplie par l’Eucharistie. » (131) Il y a donc un conflit entre l’enseignement du paragraphe 305 d’Amoris Laetitia et celui du paragraphe 84 de Familiaris Consortio.

Pour être approuvé, chaque paragraphe devait, selon les règles du synode, être approuvé à la majorité des deux tiers, soit 177 voix. Le paragraphe 85 a reçu 178 voix. On peut voir que si le Pape François n’avait pas ajouté au synode, comme ses propres nominations papales spéciales, de nombreuses personnes – y compris le Cardinal Kasper lui-même – qui étaient connues pour soutenir l’admission des pécheurs publics non repentants aux sacrements, le paragraphe n’aurait pas été approuvé. Ce seul fait vaudrait l’affirmation selon laquelle les synodes sur la famille étaient truqués, par le Pape lui-même. Mais il y a suffisamment de preuves d’une manipulation systématique tout au long du processus synodal pour justifier la remarque de Mgr Athanase Schneider : la manipulation des synodes « restera pour les générations futures et pour les historiens une marque noire qui a entaché l’honneur du Siège Apostolique » (132).

(126) "Has the intervention of Pope Francis returned the synod to a heterodox trajectory ?" (L’intervention du Pape François a-t-elle ramené le synode sur une trajectoire hétérodoxe ?), 7 octobre 2017, Voice of the Family. http://voiceofthefamily.com/has-the-int ... rajectory/

(127) "Has the intervention of Pope Francis returned the synod to a heterodox trajectory ?" (L’intervention du Pape François a-t-elle ramené le synode sur une trajectoire hétérodoxe?), 7 octobre 2017, Voice of the Family. http://voiceofthefamily.com/has-the-int ... rajectory/

(128) "Ceremony Commemorating the 50th Anniversary of the Institution of Synod of Bishops : Address of His Holiness Pope Francis" (Cérémonie commémorant le 50e anniversaire de l’institution du Synode des Évêques : Discours de Sa Sainteté le Pape François), 17 octobre 2015, vatican.va http://w2.vatican.va/content/francesco/ ... inodo.html
(en français : http://w2.vatican.va/content/francesco/ ... inodo.html )

(129) "Papal calls for decentralization put integrity of Catholic doctrine at risk" (Les appels du Pape à la décentralisation mettent en péril l’intégrité de la doctrine catholique), 22 octobre 2015, Voice of the Family, http://voiceofthefamily.com/papal-call- ... e-at-risk/

(130) Une analyse détaillée de la "Relatio Synodi" du Synode Ordinaire peut être trouvée dans "Analysis of the Final Report of the Ordinary Synod" (Analyse du Rapport Final du Synode Ordinaire), 10 mars 2016, Voice of the Family, http://voiceofthefamily.com/wp-content/ ... 5-3-16.pdf

(131) Jean-Paul II, Familiaris Consortio, N° 84.

(132) "Bishop Athanasius Schneider on the synod on the family" (Mgr Athanasius Schneider sur le Synode de la Famille), 5 novembre 2014, LifeSiteNews, https://www.lifesitenews.com/news/bisho ... the-family

Re: The Dictator Pope (Marcantonio Colonna)

Posté : 01 mars18, 11:47
par prisca
Gilbert Chevalier a écrit : Au lieu de cela, ce que nous avons est une révolution dans le style personnel, mais une révolution qui n’est pas une révolution heureuse pour ce que les catholiques considèrent comme le poste le plus sacré sur Terre

Un pape révolutionnaire qui secoue le Saint Siège, qui refuse les honneurs de son rang, un dictateur dit l'auteur de la chronique, un Fidel Castro qui surgit hors de la nuit des ténèbres aux robes empourprées, il signe son nom d'un F qui veut dire Francois francois, renard rusé qui fait sa loi, un che qui défend la veuve et l'orphelin.

J'achète :mains:

Re: The Dictator Pope (Marcantonio Colonna)

Posté : 01 mars18, 22:36
par ESTHER1
NON ! je n' achète pas ! Lisez " La Grande Apostasie " de James E. Talmage publié par l' Eglise des Saints des Derniers Jours imprimé à Francfort- sur - Le - Main. Allemagne. 1980. Vous serez édifiés sur l'origine de la papauté.

Re: The Dictator Pope (Marcantonio Colonna)

Posté : 02 mars18, 00:01
par prisca
ESTHER1 a écrit :NON ! je n' achète pas ! Lisez " La Grande Apostasie " de James E. Talmage publié par l' Eglise des Saints des Derniers Jours imprimé à Francfort- sur - Le - Main. Allemagne. 1980. Vous serez édifiés sur l'origine de la papauté.
J'achète (pour ainsi dire) François révolutionnaire qui dénonce la royauté papale.

C'est vrai que j'ai joué sur les mots, j'ai fait du zèle :) mais en fait je salue le Pape François donc qui s'insurge contre l'institution papale d'une manière holistique.

C'est François qui va surement mener à l'apostasie la Curie, à force de révolutionner les esprits il va en mettre quelques uns en porte à faux qui, pour sauver leur âme, devront s'obliger à quitter l'habit de prêtre, car Hébreux 6 est clair à ce sujet, une faute si petite soit elle venant d'un prêtre est impardonnable pour Dieu car le prêtre n'a pas droit au repentir, il est averti, aucune Miséricorde pour lui, car comme le dit ce chapitre, ce prêtre là crucifie une nouvelle fois Jésus et c'est la pire chose qui soit. Donc si la curie prend conscience qu'elle commet quelque péché, il y en a (les plus honnêtes) qui apostasieront car en civil un péché peut être pardonné, c'est en mission que ce n'est pas possible, et si l'un le fait d'autres suivront, et ceux qui ne le feront pas seront taxés d'impies et pour ne pas l'être même si au fond ils sont impies, ils apostisieront à leur tour pour du moins garder un honneur si ce n'est l'image du prêtre qui abandonne son poste par égard pour Dieu.

C'est de cette manière que l'apostasie arrivera.

Re: The Dictator Pope (Marcantonio Colonna)

Posté : 02 mars18, 10:02
par Gilbert Chevalier
2) Qu’enseigne le Pape François ?
Amoris Laetitia et les Dubia des cardinaux


Le Pape François a donné suite au Synode sur la Famille en publiant en mars 2016 l’Exhortation Apostolique Amoris Laetitia, destinée à transmettre l’enseignement du Synode. Avec plus de cent pages, l’Exhortation est difficile à résumer, mais ses sections les plus controversées se trouvent principalement au chapitre 8. Plus précisément, le paragraphe 305, ainsi que sa note de bas de page 351, ont été interprétés par divers évêques comme autorisant directement la Communion pour les catholiques divorcés et remariés civilement : « En raison de certaines formes de conditionnements et de facteurs atténuants, il est possible que dans une situation objective de péché – qui n’est peut-être pas subjectivement coupable, ou totalement coupable – une personne puisse vivre dans la grâce de Dieu, aimer et grandir aussi dans la vie de grâce et de charité, tout en recevant l’aide de l’Église à cette fin. » La note de bas de page 351 disait clairement : « Dans certains cas, cela peut inclure l’aide des sacrements. »

Bien que la controverse ait fait rage sur l’interprétation correcte ou voulue de ces passages, avec de nombreux évêques insistant sur l’impossibilité pour un document papal de contredire l’enseignement antérieur, les évêques de Buenos Aires ont publié leurs directives en septembre 2016 (133). Ils ont admis que « les prêtres peuvent suggérer une décision de vivre en continence », mais ont dit que « si les partenaires échouent dans ce but », après avoir suivi « un processus de discernement », Amoris Laetitia « offre la possibilité d’avoir accès au sacrement de la Réconciliation », sans avoir l’intention de cesser les relations conjugales (134).

Alors que la controverse sur l’interprétation se poursuivait, François garda le silence et n’a pas corrigé les évêques comme Chaput de Philadelphie et Stanislaw Gadecki de Poznan, qui ont adopté la position conservatrice. Mais les seules approbations du Pape ont été envoyées aux évêques de Buenos Aires et de Malte (135) sous forme de lettres de remerciement pour leurs interprétations libérales. François a écrit à ses anciens collègues argentins en les remerciant pour leurs « très bonnes » lignes directrices qui « reflètent pleinement le sens du chapitre VIII d’Amoris Laetitia ». Le pape a ajouté : « Il n’y a pas d’autres interprétations. » (136) Une lettre similaire aurait été envoyée à Malte par l’intermédiaire de la procuration du Pape, le Secrétaire Général des Synodes des Évêques, le Cardinal Lorenzo Baldisseri.

Compte tenu des interprétations divergentes et de l’apparente subjectivité qu’Amoris Laetitia introduisit dans l’enseignement moral catholique, plusieurs cardinaux adressèrent au Pape une lettre demandant des éclaircissements sur le document. Les signataires sont maintenant au nombre de six, bien que seulement quatre noms aient été rendus publics – les Cardinaux Brandmüller, Burke, Caffarra et Meisner – mais ils auraient le soutien d’une vingtaine ou d’une trentaine d’autres. Ils ont commencé par envoyer au Pape et au Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi une lettre privée le 19 septembre 2016 avec les demandes mentionnées. Celles-ci ont été formulées sous la forme traditionnelle des dubia, c’est-à-dire des points contestés qui sont soumis à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi lorsque l’enseignement de l’Église semble incertain. Les cinq dubia peuvent se résumer comme suit :

1. Est-il devenu licite d’admettre les personnes divorcées et remariés à la Sainte Communion ?

2. Est-ce encore l’enseignement catholique selon lequel il existe des normes morales absolues ?

3. Ceux qui vivent en violation d’un commandement, par exemple le commandement contre l’adultère, doivent-ils être considérés comme vivant dans le péché objectif ?

4. L’enseignement catholique enseigne-t-il encore que les circonstances ou les intentions ne peuvent jamais transformer un acte intrinsèquement mauvais en un acte "subjectivement" bon ?

5. Est-ce encore l’enseignement catholique que la conscience ne peut pas légitimer les exceptions aux normes morales absolues ?

À ces questions, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a refusé de répondre, contrairement à la pratique habituelle, et il est clair qu’elle agissait sur les ordres du Pape François. C’est dans ce contexte que les signataires ont rendu publique leur lettre en novembre, rendant ainsi publique leur défi à l’enseignement d’Amoris Laetitia. Le Pape n’a pas répondu explicitement, mais il aurait encouragé ceux qui l’entouraient à discréditer les dissidents par des moyens indirects. La plupart des cardinaux signataires étaient à la retraite ; le seul d’entre eux qui occupait encore un poste officiel était le Cardinal Burke, qui était Patron de l’Ordre de Malte, et ses péripéties seront décrites dans le chapitre 5. En dehors de cela, l’effet des instructions officieuses du Pape est l’attitude d’indignation choquée qui a été exprimée par plusieurs porte-paroles de l’aveuglement des cardinaux face à la nouvelle ouverture de l’enseignement catholique. Ce que cette ouverture est précisément, l’Église ne l’a pas encore découverte, puisque François ne répond pas aux questions qui lui sont posées. Pour en déduire si le Pape a l’intention de suivre l’enseignement de l’Église, nous devons étudier la politique qu’il a suivie dans les organismes du Vatican destinés à protéger l’institution de la famille.

(133) https://cvcomment.org/2016/09/18/buenos ... full-text/ Catholic Voices Comment, 18 septembre 2016.

(134) Ainsi, l’exigence précédente, celle de vivre ensemble « comme frère et sœur », a été reléguée à une suggestion. Walter Kasper a résumé la situation dans une interview avec Commonweal : « Vivre ensemble comme frère et sœur ? Bien sûr, j’ai beaucoup de respect pour ceux qui font cela. Mais c’est un acte héroïque, et l’héroïsme n’est pas pour le chrétien moyen. »

(135) Les "Critères pour l’application du Chapitre VIII d’Amoris Laetitia" des évêques maltais ont été critiqués par les juristes canonistes et certains responsables du Vatican qui ont soutenu qu’ils semblaient affirmer la primauté de la conscience sur la vérité morale objective. Ces Critères stipulent que les divorcés remariés peuvent recevoir la communion après une période de discernement, avec une conscience informée et éclairée, et s’ils sont « en paix avec Dieu ».

(136) "Pope Francis on the correct interpretation of the Amoris Laetitia" (Le Pape François sur l’interprétation correcte d’Amoris Laetitia), Vatican Insider, Andrea Tornielli, 12 septembre 2016.

Re: The Dictator Pope (Marcantonio Colonna)

Posté : 05 mars18, 05:08
par Gilbert Chevalier
La refonte de l’Académie Pontificale pour la Vie

De 1978 au règne de Benoît XVI, les personnes engagées dans la défense de l’éthique catholique traditionnelle se sont habituées à considérer le Vatican comme un rempart de soutien à leur cause, en particulier dans la lutte contre l’avortement. La combinaison de Jean-Paul II, le « pape pro-vie », et du Cardinal Ratzinger qui le soutient dans la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a donné au Vatican le dernier mot sur une foule de questions morales d’importance critique en politique. Cette autorité morale a été respectée même par les conservateurs non catholiques qui ont suivi l’exemple du Vatican sur des questions complexes comme les nouvelles technologies de reproduction, le clonage et la recherche sur les cellules souches. Bien que la CDF ait joué un rôle crucial dans le développement de la position pro-vie, l’un des principaux organes de la pensée catholique sur ces questions a été l’organisme créé en 1994, l’Académie Pontificale pour la Vie, consacrée à l’étude « des principaux problèmes de la bio-médecine et du droit, relatifs à la promotion et à la défense de la vie, surtout dans le rapport direct qu’ils ont avec la morale chrétienne et les directives du Magistère de l’Église ».

Fondée par Jean-Paul II et le célèbre médecin et généticien pro-vie Jérôme Lejeune (137), l’Académie Pontificale pour la Vie (PAV) compte parmi les plus grands cerveaux catholiques d’Europe, parmi lesquels les philosophes Michel Schooyans et Joseph Seifert et le bioéthicien Elio Sgreccia. Tous les membres n’étaient pas aussi connus, mais tous les membres à vie devaient prêter le « serment des Serviteurs de la Vie », ce qui les obligeait à soutenir l’enseignement catholique sur le caractère sacré de la vie humaine à toutes ses étapes.

Même avant la démission du Pape Benoît XVI, des fissures commencèrent à apparaître dans l’Académie. Les signes d’un changement ont commencé en 2008 avec la nomination comme président de l’Archevêque Rino Fisichella, un fonctionnaire du Vatican à la carrière en pleine ascension avec un attachement moins que complet à l’enseignement catholique sur les questions de la vie. En 2009, Fisichella a critiqué un évêque brésilien pour avoir publiquement confirmé l’excommunication de médecins qui avaient fait avorter des jumeaux portés par une enfant de neuf ans victime de viol. Selon le droit ecclésiastique, l’avortement fait partie des « graviora delicta », délits si graves qu’ils entraînent automatiquement l’excommunication, sans qu’une déclaration officielle soit nécessaire. Fisichella écrivit cependant que les médecins avaient été justifiés parce que, selon lui, ils avaient agi pour sauver la vie de la jeune fille.

Mgr Cardoso Sobrinho, évêque de Recife, a précisé plus tard (138) que l’enfant et sa famille avaient été sous la garde de médecins qui étaient prêts à sauver la vie des jumeaux par césarienne sans faire de mal à la fillette, mais qu’il avait été contraint, après l’enlèvement de cette dernière, d’émettre un avertissement public sur les conséquences canoniques de l’avortement. L’incident fut une affaire célèbre au Brésil et l’évêque avait mené une bataille acharnée contre la presse séculière et les militants pour l’avortement. L’article de Fisichella a donc été pris comme un signe que le Vatican était partie prenante dans l’affaire contre l’évêque du lieu et la doctrine, et comme Fisichella a récidivé en attaquant ses détracteurs, cette impression a été renforcée.

L’article a provoqué un tumulte immédiat dans la presse laïque, qui l’a salué comme un signal que l’Église catholique allait bientôt modifier son intransigeance. Mais les membres de l’Académie Pontificale pour la Vie devaient décider de ce qu’il fallait faire au sujet d’un président qui tolérait publiquement l’avortement. Cinq membres ont répondu publiquement contre l’article, mais, comme c’est souvent le cas au Vatican moderne, la carrière de Fisichella a été dynamisée par le scandale (139). Après deux ans d’une bataille de mots entre les membres pro-vie et Fisichella, il a été démis de ses fonctions en 2010, mais il a été placé dans sa position actuelle de chef du Conseil Pontifical pour la Nouvelle Évangélisation – un poste qui, sous François, est difficile de ne pas voir comme une récompense, impliquant une grande visibilité publique et une association étroite avec le Pape.

Au cours des années qui ont suivi, l’Académie a continué à susciter des inquiétudes pour les défenseurs pro-vie sur une variété de sujets, y compris son approbation de l’éducation sexuelle explicite pour les enfants, développée par le Conseil Pontifical pour la Famille et publiée lors des Journées Mondiales de la Jeunesse en Pologne. En 2012, Joseph Seifert écrivit une lettre ouverte au remplaçant de Fisichella, Mgr Ignacio Carrasco de Paula, avertissant que l’Académie risquait de trahir son but fondateur après que la 18ème Assemblée Générale de l’organisation eut semblé approuver la fécondation in vitro, un processus condamné par les documents de la CDF Donum Vitae (1987) et Dignitas Personae (2008).

La doyenne américaine des activistes pro-vie, Judie Brown de l’American Life League, était une autre des membres correspondants initiaux de l’Académie qui s’était opposée à l’approbation de l’avortement par Fisichella. Elle a commenté en février 2017 que le Pape François a « déconstruit » l’Académie avec ses nouveaux statuts et nominations, disant que c’est « l’un des événements les plus déchirants que j’ai vus de mon vivant. Mais étant donné la politique du Vatican, ce n’est pas surprenant. »

« Était-ce [l’affaire de Recife] le début de la fin ? Plusieurs événements ultérieurs, y compris par le président actuel de l’Académie, l’Archevêque Vincenzo Paglia, en faveur de la conception du Vatican sur l’éducation sexuelle, ne sont pas de bon augure pour l’Académie et son avenir », a déclaré Brown.

(137) Jérôme Lejeune, (décédé en 1994) était un généticien et pédiatre catholique fervent et membre de l’Académie Pontificale des Sciences qui a découvert l’origine génétique du syndrome de Down et d’autres troubles génétiques. Il a passé le reste de sa carrière à faire campagne contre l’utilisation de ces connaissances pour cibler ces bébés en vue de l’avortement. Sa cause de canonisation a été formellement ouverte.

(138) L’éclaircissement de Mgr Cardoso Sobrinho est paru dans une lettre que L’Osservatore Romano, contrôlé par les amis de Fisichella à la Secrétairerie d’État, refusa d’imprimer.

(139) La question n’a finalement été résolue qu’après qu’un dossier complet sur les faits ait été envoyé directement au Pape Benoît XVI. Le Cardinal Levada, chef de la CDF, a publié une déclaration officielle dans laquelle il réitère l’enseignement catholique sur tous ses points concernant le caractère sacré de la vie humaine.