Vicomte a écrit : Je crois que nous sommes d'accord sur le fait que tout tourne autour du point A1.
Absolument.
Vicomte a écrit :Si effectivement nous pensons avec nos neurones et seulement eux, alors il en découle logiquement que dieu ne peut pas exister. Si en revanche l'activité de nos neurones ne peut pas se réduire aux mécanismes neurochimiques que la science a mis au jour, alors ma démonstration ne vaut plus (ça ne veut pas dire que dieu existe mais que je n'ai pas démontré son inexistence).
Pas exactement : nous ne pensons qu’avec nos neurones, je n’ai (presque) rien à redire là-dessus.
Mais ce n’est pas la pensée que je refuse de réduire à l’activité neuronale ; c’est la conscience. Pour reprendre ta phrase : si effectivement la conscience est réductible à l’actvité neuronale et seulement à celle-ci, alors il en découle EPISTEMOLOGIQUEMENT que Dieu ne peut pas exister (je parlerai de l’incomplétude de la logique plus loin). Si en revanche la conscience ne peut pas se réduire à l’activité neuronale, alors ta démonstration ne vaut plus car tu n’as pas démontré son inexistence.
Vicomte a écrit :J'espère ne pas trahir ta pensée en disant que tes arguments sont les suivants :
a1. Le débat tourne pour toi autour de la question monisme/dualisme.
Oui.
Vicomte a écrit :a2. Tu produis ce que tu présentes comme des résultats scientifiques prouvant que l'activité neuronale ne peut pas expliquer à elle seule certains aspects de l'activité de l'esprit.
Oui.
Vicomte a écrit :a3. Tu vois dans l'intention la manifestation nécessaire d'une instance supérieure.
Oui si tu considères que « instance supérieure » = « instance non réductible à l’activité neuronale ».
Autrement dit, je vois le cerveau, non pas comme l’émetteur de la conscience, mais comme son récepteur. Bref, c’est l’hypothèse dualiste dans toute sa splendeur qui, je suis d’accord, n’est pas définitivement prouvée.
Vicomte a écrit :a4. Tu adoptes une posture scientifique plutôt que dogmatique.
C’est gentil mais non. Je dirais plutôt une posture, certes non dogmatique (autant que possible, car qui peut se targuer d’être à 100% objectif ?), mais pas seulement scientifique.
Je préfère m’inscrire dans une perspective plus large englobant la science, que l’on peut appeler « spirituelle » si tu tiens à lui donner un nom, ou « scientifico-métaphysico-spirituelle » (ça me fait rire moi-même tous ces grands mots…)
La différence tient dans le fait que, outre les résultats scientifiques, je me sert aussi (et essentiellement) de mon expérience méditative, sans parler des considérations métaphysiques que je pourrais tenir, et des enseignements de certains maîtres spirituels.
La science découpe le réel en fragments de plus en plus petits, et elle étudie ensuite ces fragments indépendamment les uns des autres en développant une spécialité pour chacun d’entre eux. C’est cela l’analyse, en s’imaginant que le tout est la somme des parties.
Toi qui semble avoir pratiqué l’université, tu dois savoir à quel point les fragments que l’on y étudie sont minuscules. Combien de spécialités existe-t-il ne serait-ce qu’en médecine ou en physique ?
Comment avoir une vision globale dans ce cas-là ?
Pour prendre de la hauteur de vue, il me paraît, au contraire de l’analyse, indispensable de synthétiser. Et pour ce faire, le champ de la science ne saurait être complet ; il faut lui intégrer les siècles de réflexion métaphysique de l’homme sur lui-même et le monde.
De plus, un certain recul s’impose pour appréhender lucidement les choses. Dans notre société frénétique où tout va si vite, le recul me paraît difficile. Personnellement, j’ai régulièrement besoin de « sortir du monde » afin de mieux l’appréhender par une approche plus contemplative et… méditative. En restant dans le monde, on est prit par le monde.
Voilà à mon humble avis comment faire pour s’inscrire dans une perspective la plus large possible, et emprunte de sérénité, de détachement.
Vicomte a écrit :Mais chacun de ces arguments pêche me semble-t-il par incomplétude, inexactitude ou erreur de termes.
r1. Tu ne définis pas l'instance opposable au réel dans ton topisme duel. Dès lors, ton discours demeure une version, certes élaborée, du bon vieux dieu-bouche-trou (l'âme étant ce qui échappe à toute définition, par définition). Le problème de ce genre de modèle, c'est qu'il n'instancie pas un réel d'un ordre supérieur, mais demeure dans le même réel qui se définit de manière négative.
Cette « instance » N’EST PAS opposable au réel : elle est le réel au même titre que le monde physique. Pourquoi ce qui n’est pas circonscrit à ce qui se trouve dans l’espace-temps ne serait pas réel ?
Prenons l’exemple du paradoxe EPR : quelles que soient les explications envisagées, la conséquence inévitable de la non-séparabilité est qu’il existe une causalité globale dans l’univers, un autre niveau de réalité que l’espace-temps. C’est inévitable si l’on veut respecter le fait que rien ne peut aller plus vite que la vitesse de la lumière.
Cet autre niveau de réalité est-il pour autant défini ?
Non, pour la simple raison que ce n’est qu’une déduction de la non-séparabilité.
Il en est de même pour la conscience, que tu appelles « instance » : c’est une implication inévitable qui procède de la thèse dualiste et des expériences déjà citées allant dans son sens. Nous déduisons son existence inévitable, sans pour autant pouvoir scientifiquement en dire plus à son sujet (pour le moment).
Par contre, l’expérience intérieure que j’ai plusieurs fois décrite permet de « voir » cette instance de l’intérieur, de « prendre conscience de la conscience », de prendre conscience que cette « instance » n’est pas séparée de nous, de réaliser que c’est ce que l’on est.
Bien-sûr, tu me diras que je ne suis plus dans le champ épistémologique, et tu auras raison. Simplement, la rationalité ne permet pas ce genre de savoir (« savoir » au sens « prise de conscience » ; je ne parle pas de connaissance conceptuelle).
Vicomte a écrit :r2. Le problème est que le discours scientifique que tu tiens est entâché de nombreuses erreurs et confusions, comme Tguiot te l'a fait remarquer, et que parmi les expériences que tu cites certaines sont particulièrement farfelues et discréditent complètement ton corpus scientifique. (Je n'ai d'ailleurs jamais eu de contre-réfutation aux contre-arguments que j'ai donnés page 69, intervention n°2, à part "Ah bon ? Parce que Beck et Eccles ne sont pas des « vrais » scientifiques ?" ou "Tu es cantonné à tourner infiniment en rond si tu refuses de sortir de la science ne serait-ce qu’un instant".)
Et tout comme ce n'est pas parce qu'Einstein aura un jour déclaré « Le baba au rhum est délicieux » que ce qui pensent le contraire sont des imbéciles, de même les citations que tu fais de Eccles et Gödel sont l'expression d'avis de personnes scientifiques de métiers et certainement pas de résultats scientifiques.
Tu es bien trop flou : quelles « erreurs et confusions » précisément ?
De plus, tu noies le poisson en mélangeant tout : non seulement Einstein parlant de gastronomie serait hors de son domaine de spécialisation, ce qui n’est pas le cas de Gödel parlant de mathématiques ou d’Eccles parlant de MQ appliquée à la neurochirurgie, mais en plus tu cites un jugement de valeur (le gâteau est bon), donc totalement subjectif, là où je cite l’opinion fondée a posteriori suivant un raisonnement logique d’experts à propos de leur spécialité.
Effectivement, j’accorde bien plus de crédit à l’opinion d’un mathématicien s’agissant de mathématiques, qu’à l’opinion d’un paléontologue ou d’un plombier s’agissant de mathématiques.
Donc oui, j’assume, les opinions de spécialistes en neurobiologie mondialement reconnus comme Penfield, Beck et Eccles, Libet etc. s’agissant de neurobiologie ont une grande valeur à mes yeux, sans compter ce fait que tu as évacué : leurs opinions se fondent sur leurs résultats scientifiques.
Quant aux expériences « particulièrement farfelues » que je cite qui « discréditent complètement (mon) corpus scientifique », franchement je ne vois pas du tout auxquelles tu fais allusion. A celles de Libet peut-être ? Dans ce cas, j’aimerais comprendre en quoi elles sont « farfelues ».
Quant à Eccles, puisqu’il a été publié dans des revues à référée, et qu’il n’a jamais été officiellement démenti depuis, je suppose que ce n’est pas de ses expériences dont tu parles.
Enfin, sur ma phrase « Tu es cantonné à tourner infiniment en rond si tu refuses de sortir de la science ne serait-ce qu’un instant », je me (ré)explique : la science repose entièrement sur les mathématiques. Les mathématiques reposent entièrement sur la logique. Or la logique ne peut pas reposer sur elle-même, Gödel l’a démontré. Tu réagis comme si Hilbert avait gagné son pari, mais il l’a perdu !
Un système logique NE PEUT PAS être à la fois complet et consistant, raison pour laquelle je te dis que tu es condamné à tourner en rond si tu persistes à circonscrire ce débat à la logique, et plus globalement à la science (puisqu’elle repose entièrement sur la logique).
On NE PEUT PAS tout démontrer, de même qu’on NE PEUT PAS connaître avec une précision infinie la position et la vitesse d’une même particule au même moment. C’est ainsi, et c’est strictement scientifique.
Le vrai débat se situe ici d’ailleurs : en circonscrivant « Dieu » à la logique, en voulant « démontrer » son existence ou son inexistence, tu clôtures le débat avant même de l’avoir entamé. C’est impossible de démontrer cela, et j’ai d’ailleurs du mal à comprendre exactement pourquoi tu persistes à soutenir le contraire.
Vicomte a écrit :r3. Je critique cette nécessité et te renvoie un autre modèle de l'intention qui est celui de la finalité en tant que représentation de la vergence d'un système, autrement dit une manifestation d'un mécanisme à caractère téléonomique, dissipant toute nécessité d'une instance supérieure.
1- Je ne suis pas d’accord parce que ce faisant, tu raisonnes dans un cadre théorique dans lequel le cerveau est déjà l’émetteur et non pas le récepteur de la conscience. Tu élimines le problème par postulat, donc effectivement, nul besoin d’en parler. C’est la raison pour laquelle j’avais précisé plus haut que j’adhérais à a3 uniquement si tu assimilais « instance » à « instance non réductible à l’activité neuronale ».
2- Cela n’explique pas du tout pourquoi la volonté peut arrêter des processus commencés inconsciemment par le cerveau.
3- Je relève que dans cette approche que tu me décris (finalité en tant que représentation de la vergence d’un système), tu dénigres purement et simplement tout libre arbitre à l’être humain…
Vicomte a écrit :r4. Tu adoptes une rhétoriques assez éloignée du discours scientifique et à aucun moment tu ne remets en cause tes dogmes. Ta phrase « Ton histoire d’"hypothèse zéro" est à dormir debout lorsqu’on connait la masse d’arguments en faveur du dualisme. » est à ce titre exemplaire. Et lorsque tu perds pied scientifiquement, tu remets en cause la science qui, selon toi, fait tourner en rond.
Quels dogmes ?
Pour l’instant, il me semble que c’est moi qui ai présenté des arguments nombreux en faveur du dualisme, et toi qui n’en n’apporte pas en faveur du monisme mais bon… il faudrait reprendre intégralement le dernier post dans lequel je t’avais répondu (page 69 je crois) dans lequel j’énumérais tout ces arguments.
Tu as oublié de réfuter les implications des expériences de Libet à ce sujet d’ailleurs, ainsi que l’argument sur la callosotomie, ou encore sur les rapports entre l’intention et le système immunitaire. C’est là que tu n’es plus apparu sur le forum, après m’avoir dit que tu vérifierais mes arguments. J’attends donc toujours ta réfutation sur lesdits arguments que je te mets en copie :
- Il existe des phénomènes tels que la non-séparabilité qui ont une influence causale sur notre monde sans être constitués de matière ni d’énergie (j’espère que tu es attentif).
- La conclusion minimale que l’on peut tirer de la MQ, c’est que ce qui existe ne se limite pas à des choses inclues dans le temps et l’espace.
- Cela fournit donc un écrin possible d’un esprit non localisé dans le temps et l’espace et non constitué de matière et d’énergie.
- Depuis l’article de Beck et Eccles en 1992, le principal obstacle théorique au dualisme a disparu (conservation de l’énergie).
- Le dualisme est la solution la plus logique aux extraordinaires expériences de Libet montrant que la conscience peut remonter le temps (et donc n’est pas totalement située dans le temps).
- De nombreux scientifiques célèbres partagent la position selon laquelle le cerveau et l’esprit seraient 2 choses identiques (monisme), position magistralement réfutée par les expériences de Libet, tout en nous expliquant que le dualisme est antiscientifique (toi aussi en me disant que mon discours n’est pas scientifique). Bel exemple d’illustration de la parabole de la paille et de la poutre (rien que ce fait suffit à réfuter r4).
- Le dualisme est la meilleure explication du fait que les sujets au cerveau coupé en deux (dans les cas où l’on a pratiqué une callosotomie, c’est-à-dire la séparation totale des deux hémisphères cérébraux en sectionnant le corps calleux les reliant entre eux) gardent une identité unique.
- Le dualisme est la meilleure explication lorsqu’on voit qu’une instance peut, au moment crucial, arrêter des processus commencés inconsciemment par le cerveau et manifester ainsi l’existence d’un libre arbitre.
- Le dualisme est la meilleure explication lorsqu’on voit que l’INTENTION de faire quelque chose peut avoir des conséquences physiques sur le cerveau et même sur le système immunitaire.
Vicomte a écrit :
Sensation dont pourtant il serait possible de faire la généalogie dans les schèmes de pensée primitive et les systèmes d'inférence psychocognitifs (physique intuitive, réminiscence syncrétique, inférences sociales de premier et second ordre, etc.).
Cela fait 50 ans que nous l’attendons sans la voir venir…
Vicomte a écrit :
En ce cas, si tu ne pourras jamais le prouver, c'est que tu renonces au statut logique de ton discours. Et dans ce cas tu sors du champ circonscrit par la question initiale et, donc, tu n'infirmes pas ma démonstration. Donc, jusqu'à preuve du contraire, dieu, tel qu'il est actuellement défini dans l'ensemble de ses acceptions, n'existe pas.
Nous en revenons exactement au point où nous en étions plus haut : en circonscrivant « Dieu » à la logique, en voulant « démontrer » son existence ou son inexistence, tu clôtures le débat avant même de l’avoir entamé.
Je te répondrais donc que la preuve se fait par l’expérience méditative.
Vicomte a écrit :
Ce n'est pas parce que tu associes un sentiment à la conviction qu'il signifie la possibilité de lever certaines contrariétés, voire souffrances, de l'existence et qu'une telle chose est effectivement souhaitable que ça lui donne la moindre part de réalité.
Tout comme ce n'est pas parce que ce serait vraiment très satisfaisant de posséder des pouvoirs magiques que ça les rend plus possibles.
A ce niveau-là de conscience, on se retrouve dans un état de grâce et de bien-être que rien, absolument rien, ne peut contrarier. Pas même une amputation, la mort de ses proches, ou l’enfermement dans un Goulag. Parce que l’on sait que ce qui est ne peut être autrement, que c’est l’univers dans son entier a généré ce qui est maintenant. Parce que l’on sait lâcher-prise. C’est la résistance à ce qui est ici et maintenant qui génère la souffrance.
Et plus rien n’est nécessaire pour notre bonheur puisque la paix profonde, la joie intense, émanent de l’intérieur. Les désirs, les besoins absolus ont disparu, il n’y a plus que des préférences. La peur, la colère etc ont disparu, il n’y a plus que sérénité insondable. A ce niveau-là, le conflit est inconcevable.
Tout cela c’est du vécu, le vécu de différentes personnes (certes encore rares) à des époques et dans des lieux très différents. Pourquoi les accuser de mentir ? Car c’est ce que tu fais puisque tu nies la réalité de leur expérience.
Pourquoi cette conviction que l’être humain est condamné à souffrir à jamais ? As-tu peur du bien-être ? Et si l’accès à une telle félicité était la raison d’être de notre existence à tous ?