Histoire de l'exégèse de la bible

Différentes traductions, selon différents groupes religieux.
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Janot

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Histoire de l'exégèse de la bible

Ecrit le 02 déc.17, 11:41

Message par Janot »

Ceci est le travail de longues années. Il n'implique pas de position personnelle.

Histoire de l’exégèse de la bible (1)

Avec la seconde moitié du XVè siècle, la bible change de statut : elle passe de l’oralité transmise par les clercs à celui d’un écrit imprimé, diffusé, et on sait en Allemagne le rôle déterminant joué par Luther, même si des bibles en langues vernaculaire ont existé avant lui. Pour l’Eglise catholique, la seule référence est la Vulgate en latin de St Jérôme, traduite entre 390 et 405, directement depuis le texte hébreu pour l'Ancien Testament et du texte grec pour le Nouveau Testament. En ceci, elle s’oppose à la Vetus Latina (« vieille bible latine »), traduite du grec de la Septante. Le fait de puiser directement aux sources judaïques lui donne aux yeux des chrétiens latins, un « plus ». Force est de constater, cependant, que la différence entre la Vetus Latina et la Vulgata est relativement cosmétique, essentiellement stylistique.

Les commentaires écrits d’exégètes catholiques (par exemple le Verbo Dei) sont en fait jusqu’à cette date des écrits théologiques destinés à entraîner la soumission à l’autorité romaine. Les écrits de Calvin et Luther restent dans ce sillage, revendiquant bien sûr leur liberté et le droit de chacun à lire la Bible, selon l’adage : « sola scriptura ». Des controverses disputent de savoir s’il faut privilégier la Vulgate ou la Septante, de la justesse des temps bibliques. Mais le premier vrai tournant de la réflexion exégétique se produit quand certains théologiens protestants se rendent compte de l’importance du savoir (pris ailleurs que dans la bible) sur le pays (Palestine), les un et coutumes juives, l’époque de Jésus... Ainsi, on parvient aux problèmes soulevés dans le NT = : Jésus a-t-il institué l’eucharistie la veille (dit Jean) ou le jour de la Pâque juive (disent les synoptiques) ? au vu des nouvelles connaissances, il apparaît impensable que le procès de Jésus ait eu lieu un jour solennellement chômé, donc Jean a raison. La bible entière se voit ainsi à la fois éclairée et questionnée par le savoir profane, et ce mouvement va s’accentuer tout au long du siècle des Lumières.

Histoire de l’exégèse de la bible (2)

En réaction, les théologiens gallicans (Fleury, Bossuet, Fénelon) enseignent aussi que la foi ne repose pas sur l’Ecriture, mais sur l’autorité de l’Église, garantie par la succession apostolique. Allant plus loin que les Luthériens, les Sociniens, dissidents protestants, plus radicaux, ne trouvent dans le NT aucun des dogmes chrétiens ; à la fin du XVIIè siècle, le « retour à l’Écriture » revendique la place du philologue dans le commentaire biblique et exprime l’aspiration à situer le texte en son temps. Une « histoire critique du Vieux Testament » apparaît ; ainsi, la construction de la tour de Babel ou l’endurcissement de Pharaon par Dieu peut se comprendre comme des manières de parler propres aux Hébreux.

L’interprétation de l’Apocalypse subit aussi une relecture protestante : leurs commentateurs lurent le texte comme une immense prédiction des châtiments successifs qui, par la main des différents réformateurs, s’abattaient sur l’Église romaine. Cette interprétation connut une énorme fortune en Angleterre au XVIIè siècle et soutint l’espérance de ceux qui luttaient contre le catholicisme latent des Stuarts. L’apologétique catholique réplique en soulignant que, l’Écriture étant pleine d’obscurités, la foi ne peut reposer en dernière analyse que sur l’autorité de la Tradition de l’Église, laquelle est infaillible. D’où le mépris envers la distinction établie par Spinoza entre les passages législatifs du pentateuque qu’il faut attribuer à Moïse et le reste de la collection (Moïse racontant sa propre mort dans le Deutéronome, ch. 34). Mais avec les Lumières, la prééminence de la raison va fortement ébranler l’apologétique catholique, assez naïve du XVIIè siècle.

Histoire de l’exégèse de la bible (3)

Le véritable grand coup de tonnerre vint d’un théologien protestant allemand, David Friedrich Strauss, qui, en 1835, à l’âge de 27 ans, en s’appuyant sur la littérature juive non biblique, publia une « Vie de Jésus » (Leben Jesu), qui à la fois le rendit célèbre et lui enleva toute perspective d’enseignement biblique (il devint professeur de lycée). Car Strauss tend à montrer, le premier, que l’historicité du NT est fortement contestable. Ainsi, il montre la contradiction de la descendance de David par Joseph, pense que le récit lucanien de la virginité de Marie est une légende poétique-mythique — car que Joseph a eu ensuite des enfants avec elle (on lit en Mtt 1,25 : « il ne la connût pas jusqu’à ce que / avant que.. : ἕως οὗ ἔτεκεν τὸν.. ), soutient Strauss (qui bien sûr pense aux frères et soeurs de Jésus, considérés d’abord comme des demi-frères, avant de devenir chez Jérôme, adepte de la virginité perpétuelle, des cousins), qui souligne ensuite que Mtt 21,7 est une impossibilité due à une mauvaise lecture de Zacharie 9,9.. Le théologien Karl Barth critiqua ce livre, tandis qu’il inspira bien des chercheurs après lui, dont le célèbre Albert Schweitzer, qui loua son sens de la précision. « la vie de Jésus » fut traduite en français par Littré.

Pour le philologue et exégète strasbourgeois Euduard Reuss (1804-1891), l’approche de la bible (« Histoire de l’Écriture sainte, le Nouveau Testament », 1842, en allemand) doit être plus nuancée. Pour Reuss, la formation de la Bible doit tenir compte de l’histoire culturelle du judaïsme pour l’ancien Testament et du christianisme primitif pour le Nouveau Testament. Il rejette l’explication « mythique » des miracles évangéliques, qui sont essentiellement des signes pour la foi. Les récits de la résurrection de Jésus sont difficiles à appréhender par notre raison, mais la proclamation de la résurrection constitue le fondement de la transcendance du message biblique. Vis-à-vis du protestantisme francophone, l’influence de Reuss fut importante, en lui révélant la richesse de la recherche biblique allemande. Témoin des controverses sur la Bible et la Réforme auxquelles le Réveil avait donné naissance en France, il estimait que les différents protagonistes connaissaient insuffisamment les sources de l’inspiration chrétienne en négligeant l’étude objective des documents bibliques. Avec Timothée Colani, il crée en 1850 la Revue de théologie et de philosophie chrétienne, plus connue sous la désignation de Revue de Strasbourg, dont le but était d’initier le protestantisme de langue française aux nouvelles méthodes d’étude de la Bible. Toujours avec le souci de ne pas détruire l’autorité de la Bible et de concilier science et foi, il a permis aux protestants orthodoxes ou évangéliques de mieux accepter les résultats de la critique biblique, établissant ainsi un pont entre les deux tendances du protestantisme français de son époque. Le retentissement de son œuvre fut considérable tant en France qu’à l’étranger, en particulier en Grande Bretagne.

Histoire de l’exégèse de la bible (4)

La « Vie de Jésus » de Renan, qui connut 13 éditions de 1863 à 1864, part sur d’autres bases. Renan prend ses distances vis-à-vis de Strauss, parce qu’il n’estime pas devoir reconnaître la présence de mythes dans les évangiles (il s’appuie sur Reuss). Renan critique cependant l’exégèse du protestantisme libéral, et interprète l’histoire de Jésus à la lumière d’un comparatisme qui ne s’appuie plus sur la philologie, mais sur la psychologie clinique, or celle-ci s’emploie à traiter le phénomène religieux comme une illusion (ce sera aussi la thèse de Freud, qui n’apportera pas non plus de démonstration pertinente). Pour Renan, Jésus apporte une morale ; son style, facile et fleuri, ne reflète pas les grandes connaissances philologiques et culturelles qu’il avait du moyen Orient, on passe avec Renan de l’étonnement à la déception. Pour l’exégèse catholique, point n’est besoin d’entrer dans des analyses fines : Ébranlée dans ses certitudes traditionnelles, elle amalgame toutes recherches exégétiques autres que la catholique en les qualifiant de « rationalistes ». C’est un trait de la culture catholique, depuis le XVIIè siècle, de voir dans le protestantisme un ferment de dissolution intellectuelle et sociale. Sous le Second Empire, et avec en plus la traduction française de l’origine des espèces (Darwin) en 1866, elle va devoir faire front de tous côtés.

Un grand exégète catholique, Fulcran Vigouroux, préside en 1873 à l ‘édition de La Sainte Bible (40 volumes), comportant le texte de la Vulgate avec une traduction française, et de substantielles introductions. L’introduction générale, due à un prêtre normand, Charles Trochon, recadre l’ensemble : « Rien n’est plus opposé au mythe que la Bible, qui offre partout le caractère historique le plus formel et le moins discutable » ; voilà qui a le mérite d’être clair, à défaut d’être subtil. L’épiscopat français applaudit. Un autre manuel, celui de Gilly, futur évêque de Nîmes, trouve sa voie dans les années 1880 avec plus de subtilité : « Le Christ et les apôtres se sont adaptés aux conceptions juives sur la place des païens dans le Royaume de Dieu et sur le caractère temporel de celui-ci » ; il a donc l’intuition de certaines difficultés d’interprétation du NT, qui vont faire irruption un quart de siècle plus tard.

Histoire de l’exégèse de la bible (5)

La Bible, livre humain et/ou divin ? telle est une des grandes interrogations des exégètes catholiques face aux critiques développées par les adeptes des méthodes littéraires et historico-critiques, car le fondement catholique, c’est la doctrine de l’Inspiration : Si Moïse n’est pas le rédacteur du Pentateuque, la Bible est livrée au mensonge, sauf à reconnaître un fait actuel d’évidence, à savoir que les auteurs n’écrivent pas selon les normes d’exactitude modernes. Mais les catholiques sont-ils prêts à cela ? Le théologien Le Hir tente une percée, mêlée de perplexité, fin des années 70 : « On sait ce que c’est que l’inspiration divine, c’est-à-dire que Dieu a dicté l’Écriture Sainte, mais comme on voit aussi dans ces livres les efforts du travail de l’homme, il est difficile de dire précisément jusqu’où les livres saints sont l’oeuvre de Dieu et combien le travail de l’homme y a concouru. » Le théologien Henri Vollot, professeur à la Sorbonne, dit prudemment : « il faut lire la Bible comme un document oriental auquel l’unité rigoureuse fait défaut ».

De son côté, Charles Lenormant, bon catholique, et qui professait à la Sorbonne un cours à forte tendance religieuse sur les origines du peuple hébreu, note que le Christ ayant laissé son oeuvre entre les mains des apôtres, il entra, dès les origines chrétiennes, un élément de discussion dans les affaires de l’Église, ce qui laisse un certain espace à la liberté des écrivains de l’âge apostolique. ». Ces propos tiennent leur intérêt historique de leur précocité, ayant été prononcés de 1836 à 1846. Dans des travaux postérieurs (1883), Lenormant annonce son ralliement à deux conclusions importantes de l’exégèse critique. Il admet l’hypothèse documentaire : « Je ne crois pas possible de maintenir la thèse de ce qu’on appelle l’unité de composition des livres du Pentateuque... je tiens pour démontrée la distinction de deux documents fondamentaux, élohiste et jéhoviste, qui ont servi de sources au rédacteur définitif. » ; Pour la Genèse, celle-ci « est une édition expurgée de la tradition chaldéenne, ou bien l’on verra dans les deux narrations deux formes divergentes du même rameau de la tradition primitive. » Les déclarations de Lenormant furent vivement critiquées. Une brochure de l’abbé Rambouillet, vicaire à Saint-Philippe-du-Roule, signala l’opinion de Lenormant sur l’inspiration comme contraire à la doctrine de l’Église. Si Dieu est l’auteur des livres, il ne peut y avoir d’erreur. Pour Jean-Baptiste Hogan, sulpicien, il n’y a aucune erreur dans les textes de la bible, mais « chaque genre de composition a ses formes propres, ses exigences variables suivant l’époque et le milieu dans lesquels il se produit. » La véracité de Dieu n’est pas engagée, dit-il, si les hommes, par leur faute ou par suite de leur infirmité native se trompent sur le vrai sens de ses paroles.

Saint Glinglin

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Re: Histoire de l'exégèse de la bible

Ecrit le 12 déc.17, 08:46

Message par Saint Glinglin »

Il manque le pionnier Jean Astruc.

Janot

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Re: Histoire de l'exégèse de la bible

Ecrit le 04 févr.18, 03:08

Message par Janot »

N'hésitez pas à compléter avec cet Astruc !

Saint Glinglin

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Re: Histoire de l'exégèse de la bible

Ecrit le 04 févr.18, 03:53

Message par Saint Glinglin »

Je suis contingenté.

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