Nous, français, où que nous habitions, disons par tradition, Mahomet, du latin Mahometus, et ils disaient, du 7e siècle au 13e siècle, le Mahometus, en languedocien donc, car la langue française n'existait pas. En languedocien cela se dit "il Baphomet". C'était chez les hérésiarques nestoriens, le surnom de Moïse dans l'Arabie. Surprenant, non ?
Mais bien sûr...
A propos de la forme du nom de Mahomet
Michel MASSON
Université de Paris III- Sorbonne Nouvelle
Lorsqu’un nom propre d’une langue donnée passe à une autre langue, il est parfois pris tel quel avec sa forme originelle. Mais on sait que, surtout lorsqu’il devient familier dans la langue d’accueil, il tend le plus souvent à être prononcé en fonction des habitudes de cette langue.
Cette intégration peut aller de la simple adaptation au système phonologique jusqu’à un remodelage qui donne l’illusion que le mot
fait partie du patrimoine de la langue d’accueil (ex. en fr. : Douvres, Londres, La Haye, Turin, Saladin, etc…).
Si l’on envisage le nom arabe du prophète Muhammad, on voit donc que, par exemple en anglais contemporain, il a subi une distorsion
minimale (Mohammad). Il en est de même en allemand ou en néerlandais (Mohammed). Tel n’est pas le cas en anglais médiéval ou dans les langues romanes occidentales où l’on observe des altérations insolites :
* anc.fr. Macomet ; lat. Machumetus, Machometus, Machometha ;
it. Macometto ;
* fr. Mahomet (> pol. do; russe Magomet) ; m.angl. Mac(h)amethe,
Makomete, Makamete, Machomet(e).
* anc.fr. Mahum, Maho ; esp., cat. Mahoma ; sarde Maòm(ma),
Maòmo, Meòmo, Maùmma ; it. Macone ; m.angl. Mahum, Mahun,
Mahoun(e), Mahon(e), Mawhown, Machoun, Mahownd, Machound,
Mahound, Mauhound.
Bien entendu, on ne s’étonnera pas que le redoublement du m soit peu respecté, ni que la laryngale ait été interprétée comme g, k, h, f ou
même rien du tout. Cependant trois phénomènes peuvent surprendre :
* le rendu des deux premières voyelles : u par a et a par o, u (et une fois par i). On attendrait l’inverse.
* le passage de –d final à la sourde –t (ou –th).
* dans certains cas, l’apocope des phonèmes finaux.
On peut rendre compte du passage de –d à –t par une prononciation régionale. Elle semble confirmée, d’une part, par des notations grecques1 et, d’autre part, par des transcriptions d’anthroponymes dans le domaine espagnol2. La métathèse des voyelles est elle aussi attestée dans ces mêmes transcriptions d’anthroponymes. Cependant, s’il est vrai qu’on peut admettre une transmission du nom par certains dialectes comportant ces particularités, il reste que rien n’explique l’apocope.
D’autre part, l’interprétation des deux premières distorsions par des faits dialectaux ne laisse pas de surprendre. En effet :
* s’il est vrai que ces particularités dialectales sont attestées, elles paraissent avoir été minoritaires et elles n’ont apparemment laissé aucune trace dans les dialectes modernes.
* pour aboutir à une forme telle que Mahomet, il aura fallu que ces particularités dialectales minoritaires soient simultanément représentées
dans la source de l’emprunt.
* le contact entre romanophones et arabophones n’a pas été ponctuel mais multiple dans le temps mais aussi dans l’espace : Andalousie
mais aussi Italie méridionale et, auparavant, sans doute Afrique du nord. Encore s’agit-il là du contact le plus direct, celui de la conquête
musulmane mais, avant même l’arrivée sur place des envahisseurs, des informations avaient déjà pu circuler sur leur culture, sur leur religion et, en particulier, sur le nom du Prophète3.
Dans ces conditions, il est hautement improbable que les romanophones aient été exposés uniquement à un arabe hypothétiquement caractérisé par l’assourdissement du –d en –t et par la métathèse a/o et si, d’aventure, ils l’ont été, il aura fallu qu’intervienne quelque chose qui interdise toute modification par une forme plus communément représentée.
Pour trouver la solution à ce problème ainsi qu’à celui que pose l’aphérèse dans les formes de type Mahoma, il pourrait être instructif d’examiner les mots romans formés à partir de ce nom propre. Pour ce faire, l’on se reportera à la rubrique Mahomet du FEW, t. XIX.
Comme on peut s’y attendre, on y trouvera des mots qui se réfèrent à la religion musulmane comme mahomerie « mosquée » (aussi mahumerie, mahommerie).
Mais on observe 4 autres orientations sémiques beaucoup moins banales :
1) mahoumet « mauvais génie, esprit » ; maumet « satan » ; mahons « dieux païens » + « diable »
(+ sic. Maumma « diable » [aussi « turc,
infidèle »] ; + Mahonin
« démon de la 3e hiérarchie »4. Cf. aussi esp.and. mahomìa
« mauvaise action »).
2) moumo
« statue » ; mahomet
« idole » ; mawoumet
« caricature, homme de paille qu’on place à proximité de la demeure d’un homme qu’on veut ridiculiser »
(+ « nuit du 1er mai » ; + m.angl. mahum « idole »).
3 On a supposé (voir en particulier Georges S. Colin, « Note sur l’origine du nom de “Mahomet” », Hespéris 1925, I : 129) que la forme du prénom avait été altérée par les arabophones eux-mêmes soit pour que le mauvais oeil se détourne du prénommé, soit pour que le nom du Prophète ne soit pas souillé par des infidèles. L’hypothèse n’est pas absurde mais elle reste très fragile car, dans le monde musulman, elle ne semble pas corroborée par d’autres exemples de distorsion apotropaïques de ce genre, ni pour les prénoms, ni pour les réalités tenues pour sacrées (nom de Dieu ou du Coran par ex.).
Pour ceux qui veulent lire l'article en entier il est disponible ici :
http://salafi.over-blog.com/article-21886014.html
Quoi qu'il en soit il est CLAIR que l'utilisation du terme MAHOMET n'est en rien un respect mais un RABAISSEMENT.