Secret de la confession : au-delà du débat, l’impératif de la morale commune
Pédocriminalité dans l'Eglisedossier
En appeler à la primauté des lois - sacrées ou républicaines - ne tient pas, selon le philosophe Yann Schmitt. Car l’enjeu ici est de respecter une obligation fondamentale : prévenir toute violence sexuelle.
Confession à l'église Saint-Jacques de Montauban en juin 2020 (Patricia Huchot-Boissier/Hans Lucas)
par Yann Schmitt, Professeur de philosophie
publié le 12 octobre 2021 à 7h38
L’opposition de la loi de l’Etat et de la loi religieuse est bien connue. Le conflit de Créon et d’Antigone est rejoué sans cesse, et pas simplement au théâtre. L’effervescence récente autour du secret de la confession pratiquée dans l’Eglise catholique semble néanmoins reposer sur une incompréhension des enjeux, imposant à chacune et chacun de prendre le parti de Créon ou celui d’Antigone, la question étant pourtant ailleurs.
Suite aux révélations de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise catholique (Ciase), Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF) affirma sur France Info que le secret de la confession est plus fort qu’une loi de la République, ce que beaucoup ont traduit en disant qu’un prêtre catholique pouvait être exempté du suivi des lois de l’Etat au nom du respect des lois de sa religion. On a crié au scandale contre ce séparatisme religieux, ce qui n’est pas faux mais n’est pas exactement le problème important ici.
Possible désobéissance
Pour une personne croyante, il existe une autorité divine ou transcendante qui dépasse largement toute institution humaine. Il est parfaitement cohérent, de ce point de vue, de relativiser l’autorité d’une construction humaine, fut-elle la Ve République française. Bien sûr, quand l’autorité divine et l’autorité étatique coïncident dans leurs demandes, la personne croyante peut aisément donner l’impression que, pour elle, la loi de l’Etat prime sur la loi religieuse. Mais quand il y a contradiction, on a là un test intéressant, d’où l’embarras de notre évêque.
Mais vous sous-entendez que les personnes croyantes ont raison de placer l’autorité divine au-dessus des lois de la République ? Exactement. Mais vous approuvez donc la possible désobéissance aux lois de la République ? Parfois oui, mais pas dans le cas du secret de la confession, voici pourquoi.
Si théoriquement, il est cohérent de penser qu’un dieu a une autorité suprême, encore faut-il concrètement avoir de solides raisons de penser que l’on connaît ce qu’il commande aux êtres humains du haut de son autorité céleste. Les catholiques et leurs représentants auront bien du mal à nous convaincre que la règle du secret de la confession est le résultat d’une autorité divine qui doit s’imposer à la loi commune. Cette règle a une histoire, elle est parfaitement contingente et la qualifier de divine paraît très excessif. Même si on accordait qu’il existe une divinité législatrice (ce qui n’est pas rien !), cette règle ne peut pas faire autorité en démocratie si on peut la soumettre à une critique morale assez simple et convaincante. Car l’enjeu est ici, faut-il le rappeler, des centaines de milliers de victimes de violence sexuelle, passées et peut-être à venir. Même les personnes croyantes peuvent reconnaître que les règles instituées par leur autorité religieuse terrestre – et non par leur dieu lui-même ! – se doivent de respecter des obligations morales fondamentales difficilement contestables. Voici un exemple de ce type d’obligations : il importe de prévenir toute violence sexuelle.
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