Re: 607 définitivement désavouée récemment de manière scientifique.
Posté : 30 oct.24, 00:40
Peut-on faire un rapport entre les 70 ans de Jérémie et ceux d'Isaïe 23,15 ?
Il y a certainement un rapport, mais il n'est pas simple.
D'abord, quand on parle d'"Isaïe" ou même de "Jérémie" on parle de recueils considérables, qui se sont constitués sur plusieurs siècles; des oracles relativement anciens y ont été transmis, non pas à l'identique, mais adaptés à de nouveaux contextes, et "complétés" par des compositions plus récentes.
Le contexte immédiat d'Isaïe 23 fait apparaître des vestiges assez convaincants d'un premier contexte, non pas néo-babylonien comme celui de Jérémie mais assyrien, et peut-être plus précisément des règnes d'Asarhaddon et d'Assurbanipal dans la première moitié du VIIe s. av. J.-C. P. ex., le v. 13 (comme les chapitres 13 et 21) semble se référer au sac de Babylone par Sennachérib en 689. Asarhaddon a ensuite pris Sidon (cf. v. 2-4) pour s'assurer le contrôle des mers (cf. les références à Chypre et à Tarsis, v. 6,12,14). Tyr, qui était vassale d'Asarhaddon, s'est peut-être rebellée, et Asarhaddon aurait assiégé la ville (un bas-relief semble le montrer qui emmène captifs les rois de Tyr et d'Egypte, en les traînant par une corde attachée à un anneau passé dans leur nez, cf. 37,29).
Or il existe une inscription d'Asarhaddon (la Pierre noire) qui fait référence à un oracle de "70 ans de désolation" concernant Babylone: "Mardouk (dieu tutélaire de Babylone) était furieux. Il tint conseil pour dévaster le pays et en supprimer le peuple. Comme des eaux puissantes et profondes du canal Arahtu, un flot destructeur balaya la ville de sa demeure, son sanctuaire, et la laissa en ruines. Les dieux et les déesses qui habitaient là retournèrent au ciel, et les mortels qui habitaient là furent réduits en esclavage par la horde (des envahisseurs). Il avait écrit soixante-dix ans, le temps fixé pour son abandon, mais Mardouk le compatissant s'apaisa vite et retourna le chiffre (en écriture cunéiforme, l'inversion verticale du chiffre 70 donne 11). Il déclara qu'elle serait de nouveau habitée dans onze ans."
Il est fort possible que cet oracle assyrien ait fourni au "premier Isaïe" le prototype (du point de vue judéen) des "70 ans de désolation", qu'il aurait d'abord appliqué à Tyr sous Asarhaddon; et que ce modèle ait ensuite servi à "Jérémie" pour annoncer (ou décrire, dans les rédactions ultérieures) le sort de Jérusalem et des nations environnantes à l'époque néo-babylonienne. Evidemment, à un stade postérieur de la transmission et du développement d'Isaïe le contexte assyrien est perdu de vue et les deux périodes se confondent: le texte peut être réinterprété à l'occasion du siège de Tyr par Nabuchodonosor, qui n'aboutira cependant pas (cf. Ezéchiel 26--28), ou même de la destruction de Tyr par Alexandre (322). Dans tous les cas, on a affaire à des oracles plus ou moins stéréotypés qui ne correspondent jamais exactement à l'histoire. Mais l'inscription d'Asarhaddon illustre aussi comment, partout à l'époque, des oracles anciens sont réinterprétés en fonction des événements (cf. Jérémie 26 et Jonas, où Yhwh se repent de sa première sentence, tout comme Mardouk).
Il y a certainement un rapport, mais il n'est pas simple.
D'abord, quand on parle d'"Isaïe" ou même de "Jérémie" on parle de recueils considérables, qui se sont constitués sur plusieurs siècles; des oracles relativement anciens y ont été transmis, non pas à l'identique, mais adaptés à de nouveaux contextes, et "complétés" par des compositions plus récentes.
Le contexte immédiat d'Isaïe 23 fait apparaître des vestiges assez convaincants d'un premier contexte, non pas néo-babylonien comme celui de Jérémie mais assyrien, et peut-être plus précisément des règnes d'Asarhaddon et d'Assurbanipal dans la première moitié du VIIe s. av. J.-C. P. ex., le v. 13 (comme les chapitres 13 et 21) semble se référer au sac de Babylone par Sennachérib en 689. Asarhaddon a ensuite pris Sidon (cf. v. 2-4) pour s'assurer le contrôle des mers (cf. les références à Chypre et à Tarsis, v. 6,12,14). Tyr, qui était vassale d'Asarhaddon, s'est peut-être rebellée, et Asarhaddon aurait assiégé la ville (un bas-relief semble le montrer qui emmène captifs les rois de Tyr et d'Egypte, en les traînant par une corde attachée à un anneau passé dans leur nez, cf. 37,29).
Or il existe une inscription d'Asarhaddon (la Pierre noire) qui fait référence à un oracle de "70 ans de désolation" concernant Babylone: "Mardouk (dieu tutélaire de Babylone) était furieux. Il tint conseil pour dévaster le pays et en supprimer le peuple. Comme des eaux puissantes et profondes du canal Arahtu, un flot destructeur balaya la ville de sa demeure, son sanctuaire, et la laissa en ruines. Les dieux et les déesses qui habitaient là retournèrent au ciel, et les mortels qui habitaient là furent réduits en esclavage par la horde (des envahisseurs). Il avait écrit soixante-dix ans, le temps fixé pour son abandon, mais Mardouk le compatissant s'apaisa vite et retourna le chiffre (en écriture cunéiforme, l'inversion verticale du chiffre 70 donne 11). Il déclara qu'elle serait de nouveau habitée dans onze ans."
Il est fort possible que cet oracle assyrien ait fourni au "premier Isaïe" le prototype (du point de vue judéen) des "70 ans de désolation", qu'il aurait d'abord appliqué à Tyr sous Asarhaddon; et que ce modèle ait ensuite servi à "Jérémie" pour annoncer (ou décrire, dans les rédactions ultérieures) le sort de Jérusalem et des nations environnantes à l'époque néo-babylonienne. Evidemment, à un stade postérieur de la transmission et du développement d'Isaïe le contexte assyrien est perdu de vue et les deux périodes se confondent: le texte peut être réinterprété à l'occasion du siège de Tyr par Nabuchodonosor, qui n'aboutira cependant pas (cf. Ezéchiel 26--28), ou même de la destruction de Tyr par Alexandre (322). Dans tous les cas, on a affaire à des oracles plus ou moins stéréotypés qui ne correspondent jamais exactement à l'histoire. Mais l'inscription d'Asarhaddon illustre aussi comment, partout à l'époque, des oracles anciens sont réinterprétés en fonction des événements (cf. Jérémie 26 et Jonas, où Yhwh se repent de sa première sentence, tout comme Mardouk).