Tan a écrit :Mais cela n'empêche pas que jamais aucune éthique, si elle n'est pas fondée sur la sacralisation de notre nature et du vivant en général, jamais aucune éthique n'empêchera des savants fous et des labos peu scrupuleux de se prendre pour des dieux vis à vis du génôme.
Dans un monde désenchanté, le seul rêve possible est la vie éternelle, je te laisse imaginer les dérives potentielles. Que cela soit l'amélioration de l'homme en se transformant en robots, ou en tripatouillant nos gènes, cela me déplaît radicalement.
Lorsque l'éthique propose de protéger les plus faibles, elle va frontalement à l'encontre du darwinisme. Je te garantis que les bas instincts prendront rapidement le dessus sur une éthique quelle qu'elle soit tant que notre nature sera résumée à un tas d'atomes arrivés là par hasard au terme d'une sélection aveugle. Là est le problème. Votez une éthique à la majorité, les puissants s'en moqueront comme d'habitude.
La "sacralisation" de la nature et du vivant, comme tu le dis (bien que je n'accroche pas trop à ce terme) a déjà lieu. Et pas forcément par des croyants. Ces derniers sont sans doute les plus nombreux à défendre cette sacralisation, et sans doute avec plus d'ardeur. Mais je la trouve dangereuse, car cette ardeur ne provient pas d'une réflexion sur l'éthique ou la morale, elle provient précisément de la religion, de la motivation qu'induit la foi en Dieu. L'attitude qui en découle est presque extrémiste et pêche par excès. C'est bien d'avoir des valeurs, mais dans notre monde, les absolus n'entraînent que des problèmes. Vois le débat sur l'avortement: les pro-vie, à mon sens, défendent une position avec extrémisme, parce que leur foi le leur dicte. Ils ne sont même plus capables de prendre en compte les nombreux paramètres qui rendent le débat difficile. C'est une solution de facilité en réalité, ils n'ont qu'à sortir leur prêt-à-penser qui leur a été servi.
Mais je m'égare, car tu ne parles pas exactement d'une alternative religieuse, apparemment. (Quelle est-elle d'ailleurs cette alternative?)
Je reprends donc: cette sacralisation est présente, en quelque sorte. Il suffit de voir le nombre de groupements écologistes actuellement, ou le nombre de débats autour de ce sujet. Je sais que le côté politiquement correct du débat incite beaucoup à se ranger d'un côté sans davantage d'esprit critique, mais tout même, il y a débat tout court. Et ce n'est pas un débat de croyants, agnostiques, athées. En réalité ces distinctions n'interviennent pas.
Et il en est de même pour le vivant. Nous sommes une espèce particulière en ce sens que nous sommes capables de nous soustraire à la sélection naturelle. Comment? En inventant des lunettes pour les myopes, en inventant des médicaments pour des maladies chroniques, en inventant la sécurité sociale pour permettre à tout un chacun d'être soigné... La quantité de moyens mis en oeuvre dans ce but est considérable. Et une large quantité de ces moyens sont d'ordre technologique, ce qui devrait laisser penser qu'il ne s'agit sans doute pas d'une initiative de croyants (je dis ça car technologie implique nécessairement la science, discipline dans laquelle les croyants sont en minuscule minorité). Mais de toute façon, encore une fois, la distinction n'est pas pertinente. L'intérêt de garder la nature, ou nos corps, en bonne santé n'a rien à voir avec les croyances de quelqu'un. Au pire, c'est même la croyance qui représente un danger (voir les Amish et leur refus de la technologie, ou les TJ et le transfert de sang).
Quant à ta critique du darwinisme, c'est un coup bas. Ce que tu dénonces, c'est ce qui a été appelé "darwinisme social", qui n'a rien à voir avec la science d'une part, et encore moins avec l'athéisme. Il s'agit d'une récupération mal faite de concepts mal compris par des gens mal baisés pour promouvoir leur idéologie de haine.
Et enfin, il est certain que les avancées de la science imposent des débats nouveaux. Les capacités formidables dont nous disposons aujourd'hui nécessitent de se poser des questions sur les limites d'utilisation de ces "pouvoirs". C'est une discussion importante, trop importante pour être prise en otage par les ignares prétentieux (les deux vont souvent de pair) qui voudraient faire croire qu'ils ont le monopole de la vertu et du bien-pensant.
Prends par exemple l'arrivée des médicaments, vaccins et autres. À l'époque où ils ont pu être produits en masse, on a assisté à des dérives. Les tests cliniques étaient dérisoires, mal conduits et on pouvait retrouver sur le marché des médicaments potentiellement dangereux. Les pratiques ont évolué énormément depuis. Les scientifiques ont débattu longtemps et à répétition sur les étapes à suivre avant de commercialiser un nouveau médicament. Et crois-moi, c'est un domaine incroyablement réglementé désormais; le tout dans l'intérêt des patients. Crois-tu que cette évolution a été dirigée selon une idéologie religieuse, ou même simplement croyante? Non, pas du tout. Pas plus qu'elle n'a été dirigée par une idéologie athée (quoique cela puisse bien vouloir dire). Ce sont juste des hommes, des hommes de science dans ce cas, qui ont considéré que les plus grandes précautions devaient être prises afin que garantir la sécurité du plus grand nombre. La plupart étaient probablement athées, ce qui ne veut pas dire que l'athéisme rend vertueux, mais bien qu'il ne rend pas "invertueux".
Tan a écrit :Le problème de l'athéisme est que, partant d'un bon sentiment, il ne réalise pas vers quelles horreurs il nous entraîne.
L'athéisme ne part pas d'un bon sentiment. Il part d'une réflexion rationnelle, critique et matérialiste des assertions religieuses. À la lumière du savoir scientifique et de la logique, ces assertions ne tiennent pas tout simplement. Mais à part ça, l'athéisme ne revendique rien.
Cela veut dire que l'athéisme ne propose non plus de systèmes moraux ou éthiques, de nouvelles valeurs. L'athéisme est justement la rupture du cadenas sur "ce qu'il faut penser". Après, il faut faire appel à la sagesse, à l'intelligence, aux valeurs morales innées des gens pour se construire leurs règles afin de vivre ensemble. Et cela marche très bien. On voit aujourd'hui le niveau de prospérité (et je ne parle pas forcément d'un point de vue économique, mais du bien-être des gens) dans les pays à forte tendance croyante, ou à tendance plutôt athée.
Si on s'en tient aux faits (plutôt qu'à des conclusions purement théoriques comme tu le fais), rien ne laisse penser que l'athéisme mène vers la perdition, au contraire. Je préfère vivre dans un pays loin de Dieu ou des religions.
Tan a écrit :Que penses-tu des citations que j'édite dans mon post précédent ? Tu as lu celle de Wilson ?
Je pense que ces citations n'engagent que leurs auteurs, qu'ils n'expriment là qu'une opinion, comme tout un chacun peut le faire. Et quand moi je le fais, je suis en désaccord avec eux.
Sinon, petite digression tant que je te parle, Tan, je te conseille la lecture de "L'esprit de l'athéisme" de Comte-Sponville. Du moins, la troisième partie du livre. Il y parle avec beaucoup de passion du sentiment cosmique que tu chéris tant. Il en parle trop à mon goût, il m'a vraiment ennuyé sur ce chapitre. Mais en le lisant, ça m'a vraiment rappelé tes propres points de vue sur la question, et je me suis dit que ça te plairait sans doute beaucoup de lire ça. Surtout venant d'un athée "notoire".