Chère Nova,
Pour commencer je dois me dire agréablement surpris de ta pureté de coeur qui anime ton
désir de comprendre dans la foi: c'est une chose rare et qui m'évangélise beaucoup, et peut-être ne suis-je pas le seul à le penser. J'ai rencontré peu d'interlocuteurs de cette qualité depuis bien longtemps, il faut le dire.
Nova a écrit :Je pense que pour « déduire » l’existence de Dieu de l’observation de l’Univers, il faut déjà la grâce de Dieu qui nous fait voir le monde avec un autre regard. Je suis persuadée, par expérience, que les déductions rationnelles qui conduisent à l’existence de Dieu ne peuvent convaincre que les convaincus…
Personnellement, j'ai déjà vu la raison conduire un incroyant à la quasi-certitude de l'existence de Dieu: mais encore une fois, il y a un pas essentiel qu'il faut franchir, qui est celui de la foi: l'ouverture à ce don qui demande toujours un certain abandon de la part de l'Homme: "Seigneur, tu es digne que l'on croie en toi; aussi, si tu existes, donne-moi la foi."
La raison est insuffisante à nous donner la foi véritable: en fait, toutes nos facultés humaines, qui tendent de toutes leurs forces vers le Bien véritable, sont insuffisantes à nous donner la
confiance surnaturelle en lui (fides), car cet Être nous dépasse infiniment: c'est pourquoi la foi relève du surnaturel, du don de Dieu. Mais pour ce qui est du simple acquiescement, "froid" comme tu le dis, de la raison à l'existence pure et simple de Dieu, des vérités théologiques concernant le sens de l'existence, je reste convaincu que cela est possible, et même nécessaire, d'une certaine façon, à connaître Dieu avec une certitude d'un nouvel ordre.
Tu sembles supposer que pour être libre de croire, Dieu ne devrait nullement s'imposer par la raison. Or je crois qu'il n'en est rien: par exemple, nous sommes tout à fait libres de choisir entre le bien et le mal: et pourtant le mal est erroné, et le bien est juste! Le Bien s'impose comme Bien, et le Mal comme Mal: l'un qui doit légitimement être choisi, l'autre qui doit être refusé: et pourtant nous restons libres de choisir: la preuve en est le Mal intolérable qui règne en notre monde. De la même façon, Dieu peut très bien s'imposer comme raisonnable, et sa non-existence comme déraisonnable, et pourtant l'Homme restera libre de choisir: libre de choisir entre l'erreur et la vérité, libre de s'ouvrir à la lumière ou de choisir l'obscurité. C'est toute l'histoire humaine.
À vrai dire, s'il n'y avait aucune différence, sur le plan de la raison, entre l'affirmation de l'existence ou de la non-existence de Dieu, alors nous ne serions pas libres de choisir: nous ne pourrions rien choisir. En effet, la liberté demande la connaissance de ce qu'elle choisit: si elle ignore ce qu'elle choisit, alors son choix se ramène à un jugement de préférence ou au hasard. La liberté se définit pour l'homme comme la possibilité de choisir entre deux choses selon qu'elles se définissent par rapport au Bien et au Mal, à la Vérité ou à l'erreur. Si elle n'est pas éclairée, la liberté n'est la liberté de rien: elle est une pure chimère.
Nova a écrit :La question à poser ici est : pourquoi Dieu donne-t-il la foi à certains et pas à d'autres ? Je n'ai pas de réponse à cette question.
Dieu projette chaque humain dans l'existence, le garde et le fait croître dans la vie parce qu'il l'aime infiniment et veut l'amener à le connaître, Lui, car il est le véritable Bien et la fin ultime de chaque être. Dieu ne refuse le don de la foi à personne: c'est à chacun de s'ouvrir à Dieu pour recevoir ce don. Il ne faut pas en conclure que tous les athées sont des misérables: la foi n'est pas un blanc/noir, elle est une confiance qui progressivement se développe dans l'amour. La plupart des croyants n'ont que très peu la foi, d'ailleurs, car «Si vous aviez la foi gros comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne: transporte-toi d'ici là, et elle s'y transporterait: rien ne vous serait impossible.» Mt. 17, 19
Il n'y a pas de croyant sans foi. Déjà l'effort de la raison vers la lumière est un élan confiant vers Dieu et une voie de réception du don de la foi. Il y a dans toute entreprise humaine de connaître la vérité fondamentale, les germes de ce qui pourra devenir une belle ouverture à la foi.