Posté : 30 août06, 13:16
Salut Florent,
tu résumes bien la suprême attaque aux cinq voies de Thomas d'Aquin, qui développent différents aspects de la preuve que j'ai ici synthétisé. C'est la position kantienne: oui, ces preuves sont valides, elles sont logiques, elles s'imposent à l'esprit. Mais qu'est-ce qui nous prouve que ce qui s'impose à l'esprit est réel? Rien. Donc, finalement, rien ne prouve que Dieu existe.
Avant de présenter les arguments que la philosophie classique (le réalisme thomiste ou réalisme modéré) ont opposé à cette position, j'aimerais préciser que ton raisonnement sur les débuts de l'Univers ou autres situations contre-intuitives est hors proportion avec les principes en jeu dans la preuve de l'existence de Dieu. Les découvertes récentes de la physique moderne sont extrêmement difficiles à concevoir, voire impossibles, parce qu'elles sont hyper-complexes. Le principe de causalité qui est à la base de la preuve de l'existence de Dieu, par contre, est une notion éminemment simple; ce n'est pas le résultat de déductions longues et ardues, mais un mécanisme naturel de la pensée; sans pouvoir le formuler explicitement, mêmes les enfants de 2 ans demandent pourquoi, avec en tête le principe de causalité. Jamais il ne se satisfont de "mais pour rien, voyons, c'est simplement comme ça".
Néanmoins, allons-y hardiment avec Kant et déclarons que même les notions suprêmement simples de l'esprit ne sont que des cadres a priori, sans lien ontologique avec le réel.
Il n'y a aucun moyen de démontrer formellement que Kant a tort de dire cela. Démontrer, c'est ramener aux principes fondamentaux; or c'est justement des principes fondamentaux dont il question.
Tout ce qu'on peut faire contre les partisans de cette théorie, c'est leur mettre sous le nez l'absurdité monumentale devant laquelle ils se placent.
Si les principes de fondamentaux de la pensée n'ont pas de valeur réelle, ontologique, c'est dire que l'absurde est réellement possible.
Nier le principe de causalité, par exemple, c'est dire que ce n'existe pas par soi peut réellement exister par soi.
Nier le principe de raison d'être, c'est dire que ce qui n'a pas en soi sa raison d'être peut réellement avoir en soi sa raison d'être.
Finalement, nier le principe de contradiction, c'est dire que ce qui existe peut réellement, en même temps et sous le même rapport, ne pas exister.
Le réaliste modéré, avec Aristote et Thomas d'Aquin, déclare: il n'est pas seulement inconcevable que quelque chose existe et n'existe pas en même temps et sous le même rapport: mais c'est réellement impossible. Dire que cela est réellement possible, c'est placer l'absurde comme une épée de Damoclès au-dessus de tout raisonnement; c'est, en fait, priver l'intelligence de tout lien avec la réalité; c'est faire de l'idée non pas un reflet du réel, mais une construction arbitraire du cerveau; en poussant le raisonnement, on se condamne au mutisme complet.
Qu'est-ce que l'intelligence, en effet, si elle ne perçoit même pas du monde extérieur ses lois fondamentales, l'opposition entre être et non-être, la loi de causalité, etc.? Si elle n'a même pas cela, elle n'a pas le droit de dire quoi que ce soit de certain; elle n'est plus la fonction du vrai, du réel, mais... de quoi exactement? Cela va sans dire, c'est la nier.
Mais ce qui tranche, à mon avis, c'est vraiment que la position kantienne oblige à dire: "il est réellement possible qu'une chose existe et n'existe pas en même temps et sous le même rapport". Là, je dis non. Scepticisme injustifié, paralysant et absurde.
Pour tout ce qui implique déduction, projection, il y a un risque d'anthropomorphisme, d'appliquer nos catégories à ce qui est fort différent de nous. Ici on ne parle pas de ça, mais des principes fondamentaux du réel, réel dont nous faisons partie et au sein duquel nous sommes constamment immergés, nous ne connaissons rien d'autre! Les nier, c'est un extrême métaphysique auquel jamais je ne me résoudrai, ni, je crois, aucun esprit assez attaché au sens du vrai, assez lucide.
Même le cogito ergo sum de Descartes s'effondre si l'on nie les principes fondamentaux de la pensée. Avant de dire "je pense donc je suis", il faudrait être certain qu'être, ce n'est pas ne pas être; sinon le cogito n'a aucun sens.
tu résumes bien la suprême attaque aux cinq voies de Thomas d'Aquin, qui développent différents aspects de la preuve que j'ai ici synthétisé. C'est la position kantienne: oui, ces preuves sont valides, elles sont logiques, elles s'imposent à l'esprit. Mais qu'est-ce qui nous prouve que ce qui s'impose à l'esprit est réel? Rien. Donc, finalement, rien ne prouve que Dieu existe.
Avant de présenter les arguments que la philosophie classique (le réalisme thomiste ou réalisme modéré) ont opposé à cette position, j'aimerais préciser que ton raisonnement sur les débuts de l'Univers ou autres situations contre-intuitives est hors proportion avec les principes en jeu dans la preuve de l'existence de Dieu. Les découvertes récentes de la physique moderne sont extrêmement difficiles à concevoir, voire impossibles, parce qu'elles sont hyper-complexes. Le principe de causalité qui est à la base de la preuve de l'existence de Dieu, par contre, est une notion éminemment simple; ce n'est pas le résultat de déductions longues et ardues, mais un mécanisme naturel de la pensée; sans pouvoir le formuler explicitement, mêmes les enfants de 2 ans demandent pourquoi, avec en tête le principe de causalité. Jamais il ne se satisfont de "mais pour rien, voyons, c'est simplement comme ça".
Néanmoins, allons-y hardiment avec Kant et déclarons que même les notions suprêmement simples de l'esprit ne sont que des cadres a priori, sans lien ontologique avec le réel.
Il n'y a aucun moyen de démontrer formellement que Kant a tort de dire cela. Démontrer, c'est ramener aux principes fondamentaux; or c'est justement des principes fondamentaux dont il question.
Tout ce qu'on peut faire contre les partisans de cette théorie, c'est leur mettre sous le nez l'absurdité monumentale devant laquelle ils se placent.
Si les principes de fondamentaux de la pensée n'ont pas de valeur réelle, ontologique, c'est dire que l'absurde est réellement possible.
Nier le principe de causalité, par exemple, c'est dire que ce n'existe pas par soi peut réellement exister par soi.
Nier le principe de raison d'être, c'est dire que ce qui n'a pas en soi sa raison d'être peut réellement avoir en soi sa raison d'être.
Finalement, nier le principe de contradiction, c'est dire que ce qui existe peut réellement, en même temps et sous le même rapport, ne pas exister.
Le réaliste modéré, avec Aristote et Thomas d'Aquin, déclare: il n'est pas seulement inconcevable que quelque chose existe et n'existe pas en même temps et sous le même rapport: mais c'est réellement impossible. Dire que cela est réellement possible, c'est placer l'absurde comme une épée de Damoclès au-dessus de tout raisonnement; c'est, en fait, priver l'intelligence de tout lien avec la réalité; c'est faire de l'idée non pas un reflet du réel, mais une construction arbitraire du cerveau; en poussant le raisonnement, on se condamne au mutisme complet.
Qu'est-ce que l'intelligence, en effet, si elle ne perçoit même pas du monde extérieur ses lois fondamentales, l'opposition entre être et non-être, la loi de causalité, etc.? Si elle n'a même pas cela, elle n'a pas le droit de dire quoi que ce soit de certain; elle n'est plus la fonction du vrai, du réel, mais... de quoi exactement? Cela va sans dire, c'est la nier.
Mais ce qui tranche, à mon avis, c'est vraiment que la position kantienne oblige à dire: "il est réellement possible qu'une chose existe et n'existe pas en même temps et sous le même rapport". Là, je dis non. Scepticisme injustifié, paralysant et absurde.
Pour tout ce qui implique déduction, projection, il y a un risque d'anthropomorphisme, d'appliquer nos catégories à ce qui est fort différent de nous. Ici on ne parle pas de ça, mais des principes fondamentaux du réel, réel dont nous faisons partie et au sein duquel nous sommes constamment immergés, nous ne connaissons rien d'autre! Les nier, c'est un extrême métaphysique auquel jamais je ne me résoudrai, ni, je crois, aucun esprit assez attaché au sens du vrai, assez lucide.
Même le cogito ergo sum de Descartes s'effondre si l'on nie les principes fondamentaux de la pensée. Avant de dire "je pense donc je suis", il faudrait être certain qu'être, ce n'est pas ne pas être; sinon le cogito n'a aucun sens.