Irak: Une secte baptise des morts
Posté : 08 déc.07, 12:03
La secte des mandéens d'Irak baptise ses morts incarnés par des vivants
BAGDAD, 22 mars 2005 (AFP) -
"Je ne peux pas parler, parce que je suis mort", griffonne sur un bout de papier Salem Daoud, un prêtre de la secte des mandéens qui incarne un disparu à une cérémonie de baptême pour les morts sur les rives du Tigre, au coeur de Bagdad.
Il ressemble à une image de Moïse, avec une épaisse barbe blanche, les joues roses, et une tunique de coton immaculée.
Il incarne l'un des quelque cent membres de cette communauté décédés de mort violente dans le pays au cours des mois écoulés, mais aussi lors de l'offensive américaine, et auparavant dans la guerre contre l'Iran.
Sa religion, combinant des croyances babyloniennes, chrétiennes, pré-islamiques et perses, oblige ceux qui sont morts de causes non naturelles à un dernier baptême et une fête honorant leur départ. Faute de quoi leur esprit resterait cloué sur terre, et ne rejoindrait jamais le "monde de la lumière".
Ce mardi est le dernier des "cinq jours blancs", l'une des périodes les plus saintes du calendrier mandéen.
Cette religion, aussi appelé celle des sabéens, compterait encore quelque 60.000 fidèles dans le pays, concentrés dans la région des marais au sud, ainsi qu'à Bagdad. Révérant l'apôtre Jean-Baptiste, réputé avoir baptisé Jésus dans les eaux du Jourdain, ils auraient quitté Jérusalem pour la Mésopotamie vers le deuxième siècle pour fuir la persécution de juifs orthodoxes.
Sur la rive d'un coude du Tigre, appelée l'île des mariages, des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants vêtus de tuniques blanches sont rassemblés pour purifier leurs corps et leurs âmes, mais aussi leurs ustensiles de cuisine.
"Quand on s'immerge dans une eau courante, on purifie le corps, l'esprit et le +nafas+, qui est le souffle de Dieu lui même que l'on porte en soi", explique le prêtre Salwan Shaker.
Chaussé de sandales de roseaux tressés, il officie avec une grande canne de bois. Derrière lui, des fidèles à l'air anxieux attendent le signal d'un autre prêtre pour s'immerger à tour de rôle dans l'eau brune et polluée du fleuve.
Dans un autre rite de purification, des rangées de femmes sont assises sous un abri de bois. Un jeune prêtre verse avec une carafe de l'eau du Tigre dans une tasse de bronze. Chacun se passe le récipient pour deux gorgées, et en répand quelques gouttes sur l'épaule gauche, afin de chasser les péchés, selon M. Shaker.
Des brins de myrte sont alors noués en forme d'anneau que les femmes portent à leur petit doigt.
Le père Shaker se déplace ensuite vers un endroit ceinturé de panneaux de roseaux séchés, et où sont rassemblés les "morts" attendant un baptême.
Salem Daoud y incarne maintenant Wahab Nahidh, un homme de 50 ans tué le 30 janvier dernier quand un kamikaze s'est fait sauter devant un bureau de vote dans le quartier Mansour de Bagdad.
Dans l'odeur d'encens qui s'élève, un prêtre lit des passages du livre saint des mandéens, le Ginza Rabba, ou "grand trésor".
On dispose ensuite devant lui des offrandes dans un plat de terre cuite, quartiers d'oranges et de pommes et morceaux de poulets, avant qu'il ne s'immerge dans le fleuve.
Après lui, ce sera le tour d'Imada Matroud, une irakienne de 35 ans tuée par erreur par des soldats américains dans une fusillade survenue dans un quartier ouest de la capitale début février, selon son beau-frère Abdullah Haidar.
Au delà du caractère religieux de ce rassemblement, c'est aussi l'occasion pour les membres de la secte de s'échapper d'un quotidien marqué par la violence.
Indifférents au vacarme du trafic automobile sur le pont dominant le fleuve, des jeunes garçons se promènent en se tenant la main, pendant que l'un d'eux essaie de nouer une conversation avec une jeune fille d'allure timide.
Sources:
http://www.la-croix.com/afp.static/page ... 9m8i5r.htm
BAGDAD, 22 mars 2005 (AFP) -
"Je ne peux pas parler, parce que je suis mort", griffonne sur un bout de papier Salem Daoud, un prêtre de la secte des mandéens qui incarne un disparu à une cérémonie de baptême pour les morts sur les rives du Tigre, au coeur de Bagdad.
Il ressemble à une image de Moïse, avec une épaisse barbe blanche, les joues roses, et une tunique de coton immaculée.
Il incarne l'un des quelque cent membres de cette communauté décédés de mort violente dans le pays au cours des mois écoulés, mais aussi lors de l'offensive américaine, et auparavant dans la guerre contre l'Iran.
Sa religion, combinant des croyances babyloniennes, chrétiennes, pré-islamiques et perses, oblige ceux qui sont morts de causes non naturelles à un dernier baptême et une fête honorant leur départ. Faute de quoi leur esprit resterait cloué sur terre, et ne rejoindrait jamais le "monde de la lumière".
Ce mardi est le dernier des "cinq jours blancs", l'une des périodes les plus saintes du calendrier mandéen.
Cette religion, aussi appelé celle des sabéens, compterait encore quelque 60.000 fidèles dans le pays, concentrés dans la région des marais au sud, ainsi qu'à Bagdad. Révérant l'apôtre Jean-Baptiste, réputé avoir baptisé Jésus dans les eaux du Jourdain, ils auraient quitté Jérusalem pour la Mésopotamie vers le deuxième siècle pour fuir la persécution de juifs orthodoxes.
Sur la rive d'un coude du Tigre, appelée l'île des mariages, des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants vêtus de tuniques blanches sont rassemblés pour purifier leurs corps et leurs âmes, mais aussi leurs ustensiles de cuisine.
"Quand on s'immerge dans une eau courante, on purifie le corps, l'esprit et le +nafas+, qui est le souffle de Dieu lui même que l'on porte en soi", explique le prêtre Salwan Shaker.
Chaussé de sandales de roseaux tressés, il officie avec une grande canne de bois. Derrière lui, des fidèles à l'air anxieux attendent le signal d'un autre prêtre pour s'immerger à tour de rôle dans l'eau brune et polluée du fleuve.
Dans un autre rite de purification, des rangées de femmes sont assises sous un abri de bois. Un jeune prêtre verse avec une carafe de l'eau du Tigre dans une tasse de bronze. Chacun se passe le récipient pour deux gorgées, et en répand quelques gouttes sur l'épaule gauche, afin de chasser les péchés, selon M. Shaker.
Des brins de myrte sont alors noués en forme d'anneau que les femmes portent à leur petit doigt.
Le père Shaker se déplace ensuite vers un endroit ceinturé de panneaux de roseaux séchés, et où sont rassemblés les "morts" attendant un baptême.
Salem Daoud y incarne maintenant Wahab Nahidh, un homme de 50 ans tué le 30 janvier dernier quand un kamikaze s'est fait sauter devant un bureau de vote dans le quartier Mansour de Bagdad.
Dans l'odeur d'encens qui s'élève, un prêtre lit des passages du livre saint des mandéens, le Ginza Rabba, ou "grand trésor".
On dispose ensuite devant lui des offrandes dans un plat de terre cuite, quartiers d'oranges et de pommes et morceaux de poulets, avant qu'il ne s'immerge dans le fleuve.
Après lui, ce sera le tour d'Imada Matroud, une irakienne de 35 ans tuée par erreur par des soldats américains dans une fusillade survenue dans un quartier ouest de la capitale début février, selon son beau-frère Abdullah Haidar.
Au delà du caractère religieux de ce rassemblement, c'est aussi l'occasion pour les membres de la secte de s'échapper d'un quotidien marqué par la violence.
Indifférents au vacarme du trafic automobile sur le pont dominant le fleuve, des jeunes garçons se promènent en se tenant la main, pendant que l'un d'eux essaie de nouer une conversation avec une jeune fille d'allure timide.
Sources:
http://www.la-croix.com/afp.static/page ... 9m8i5r.htm