Fardeau de la preuve
Posté : 06 mars10, 05:15
Un argument courant veut que le fardeau de la preuve repose sur le théisme, ce qui est a priori bizarre puisque les arguments philosophiques pour l'existence de Dieu ayant été présentés dans l'histoire de la pensée sont beaucoup plus nombreux que les arguments (e.g. Sartre) pour son inexistence, et aussi puisqu'il est plus difficile de prouver l'inexistence d'un être que son existence. Cette asymétrie devrait favoriser, dans un cadre agnostique par exemple, la plus grande probabilité du théisme et donc transférer le fardeau de la preuve à l'athéisme. C'est là sans doute la position dominante dans les courants de philo classiques.
D'ou vient la position contraire? De la popularité et de la facilité du scientisme-positivisme (une philo, pas une science), du à l'évidente popularité de la science, comparée à l'ésotérisme apparent de la philo. Le scientisme a pour effet de réduire la notion de preuve de telle sorte que celle-ci va exclure, ou tenter d'exclure la philo elle-mème, ce qui est absurde et incohérente, ou des parties de celle-ci et du sens commun, par exemple la philo morale (on ne peut prouverf scientifiquement qu'Auschwitz est un mal donc...).
Mais il y a une autre cause: la facon dont l'hypothèse de départ est envisagée: ON suppose une absence totale de preuve (et ici on élargit le sens de preuve, signifiant "fondement"; i.e. on dit que les positions sont totalement gratuites, ce qui est peu vraisemblable) comme point de départ de l'argument, dans une perspective dialectique. Je vais traiter de ces problèmes plus bas.
Mais mème en supposant un tel agnosticisme, il est a priori bizarre de le tirer vers l'athéisme, puisque par définition l'agnosticisme n'est pas l'athéisme: comment ne pas voir qu'une inexistence n'est pas la mème chose qu'une ignorance d'une existence??
Voici des extraits:
------------------
1)
"Le fardeau de la preuve
Une excellente raison de placer le fardeau de la
preuve sur celui qui prétend que quelque chose
existe découle de la comparaison de l'effort requis
pour prouver l'existence de cette chose, ou bien sa
non existence.
Il est impossible de prouver la non-existence d'un
objet mais il n’est pas nécessaire de produire l’objet
lui-même pour prouver son existence. Tout ce qu'il
faut, c'est une manifestation convaincante de cette
existence, ce qui en principe est beaucoup plus
simple à trouver.
L'effort requis est donc fortement biaisé en faveur
de celui qui avance un nouveau concept et contre
celui qui prétend le contraire. C’est pourquoi on
exige un niveau de démonstration plus élevé de
celui qui en affirme l’existence que de celui qui la
nie...
Axiomes
Une conséquence importante à ce qui précède est
que si l'existence d'un objet ne peut être prouvé, le
postulat de base est que celui-ci n’existe pas. C’est
un axiome que quelque chose n’existe pas jusqu’à
preuve du contraire.
En science un axiome est une vérité non
démontrable qui s'impose avec évidence tant
qu'elle n’est pas prouvée fausse.
C'est le point de départ de toute analyse rationnelle."
2)
"Il est important de bien comprendre que la situation n'est pas symétrique. L'assertion de l'existence de(s) dieu(x) et l'assertion de l'inexistence de(s) dieu(x) ne sont pas sur un pied d'égalité. Le fardeau de la preuve est sur ceux et celles qui allèguent l'existence d'une ou de plusieurs entités surnaturelles pour lesquelles aucune preuve factuelle ne peut être invoquée"
--------------
Quelques remarques préliminaires. On décèle très bien la restriction du sens de preuve dans le second texte: "preuve Factuelle". Cela laisse la place à des preuves ou fondements non factuels, justement. Ou alors tout dépend du sens de factuel. Si ca veut dire matériel, et que Dieu est immatériel, c'est une pétition de principe et un cercle vicieux car la notion de preuve fait en sorte que la question est réglée d'avance: la notion de preuve est FONDEE sur l'inexistence des preuves non matérielles (philosophiques), elle ne peut donc fonder cette inexistence. En plus simple: S'il n'y a pas de preuve de labo physique de l'exictence de Dieu c'est sans importance, puisque tout le monde sait que les preuves sont philosophiques (le grand lieu de l'analyse rationnelle).
Le premier texte n'est pas très bien formulé. S'il est impossible de prouver une non existence (en fait c'est possible: on peut montrer que l'objet est contradictoire, e.g. cercle carré, ou Dieu "ensoi-pousoi" d'après Sartre), comment dire ensuite que l'existence exige une preuve plus forte???
Ensuite, l'axiome dont il est question n'a absolument rien d'une vérité indémontrable, en fait ce n'est mème pas une vérité portant sur un objet réel, c'est seulement une convention méthodologique propre aux démarches directement empiriques (labo etc.) . C'est là pour simplifier et circonscrire les questions et les enquètes. Bref ca n'a aucune valeur en philo, ou dans les disciplines qui n'ont pas ces restrictions méthodologiques. Dire que c'est évident est bizarre, puisque il est évident que c'est le contraire: Il est évident que des objets puissent exister sans ètre connus ou prouvés, car la connaissace ne cause pas l'existence!
----------------
Maintenant, l'argument.
Il arrive sans doute en contexte dialectique: le théisme et l'athéisme se renvoient le fardeau de la preuve, en présupposant, comme point de départ gratuit, un agnosticisme radical: on suppose qu'il n'y a jamais eu de preuves sur ces sujets, ou de fondements, St Thomas ou Sartre. Mais ce point de départ est artificiel, quand il ne présuppose pas une notion trop stricte de preuve. Si on prend la notion de fondement probable, on sait très bien qu'on n'est pas dans le champ du gratuit total ou de l'imaginaire: "si Dieu n'existe pas tout est permis" à lui tout seul constitue un certain fondement qui n' a rien à voir avec la gratuité.
Le point de départ dialectique n'est donc ici qu'une supposition hypothétique: l'agnosticisme.
En ce contexte, d'abord "Dieu n'existe pas jusqu'à preuve du contraire" a une tonalité trop objective, car on ne peut prouve l'athéisme, donc on ne peut dire que Dieu n'existe pas, c'est contraire au point de départ agnostique. Il faut traduire:
"on suppose (hypothèse) que Dieu n'existe pas jusqu'à preuve du contraire".
Cela ne concerne pas l'existence, mais notre connaissance.
Cependant le mot "jusqu'à" est très important, et il doit ètre là pour respecter le point de départ agnostique. En effet il supppose qu'il peut exister des preuves, des preuves potentielles donc, dans le futur. Elles ne peuvent ètre exclues.
Elles ne peuvent ètre exclues car autrement ces preuves seraient considérées IMPOSSIBLES et tout à coup le fardeau de la preuve serait renversé: il serait nécessaire de prouver cette impossibilité, une proposition universelle très catégorique à très fort contenu et très lourde qui ne se déduit pas des simples faits que telle preuve connue est peu convaincante ou réfutée, et qui exigerait donc une preuve correspondante. C'est pourquoi il faut dire jusqu'à: cela maintient l'agnosticisme au fond de l'argument.
Les exemples à l'encontre tirés des animaux fantastiques et lointains etc. ne sont généralement efficaces que pcq nous disposons déjà de motifs de suspicion indépendants, qui font pencher la balance. Mais certains autres exemples semblent plus pertinent: Suppposer que la vie extraterrestre n'existe pas jusqu'à preuve du contraire n'implique pas que l'existence de la vie ait le fardeau de la preuve en tous les cas. L'inexistence n'a pas le fardeau ici pcq elle n'est que SUPPOSEE. Si elle était affirmée catégoriquement, alors elle porterait un fardeau égal à l'autre position, ou peut-ètre plus élevé car il est plus difficile de prouver une absence de vie. Et passé une certaine distance cosmique c'est impossible.
In fine cependant, tout ca n'est que dialectique. Nous avons certains fondements pour et contre Dieu, il n'y a jamais gratuité totale.
Et puis L'agnosticisme est l'agnosticisme est l'agnosticisme. C'est pourquoi il n'est pas l'athéisme. La logique qui prétend le contraire est suspecte, ou fait intervenir des éléments externes ad hoc sur le fond.
PS. un autre traitement logique: Une négation est l'affirmation d'une négation, donc
Au lieu de
Dieu n'existe pas jusqu'à preuve du contraire
on peut dire
L'état de fait de l'inexistence de Dieu n'existe pas jusqu'à preuve du contraire.
Dieu et son inexistence sont tous 2 , des états de faits. Logiquement ils sont indistincts. Si on remplace Dieu par X ou une variable, les 2 propositions ci -haut auront valeur égale. Etat de fait (x) correspond à état de fait (non X). Difficile de saisir la différence. Ce sont ici les états de faits qui ont besoin de preuve...
D'ou vient la position contraire? De la popularité et de la facilité du scientisme-positivisme (une philo, pas une science), du à l'évidente popularité de la science, comparée à l'ésotérisme apparent de la philo. Le scientisme a pour effet de réduire la notion de preuve de telle sorte que celle-ci va exclure, ou tenter d'exclure la philo elle-mème, ce qui est absurde et incohérente, ou des parties de celle-ci et du sens commun, par exemple la philo morale (on ne peut prouverf scientifiquement qu'Auschwitz est un mal donc...).
Mais il y a une autre cause: la facon dont l'hypothèse de départ est envisagée: ON suppose une absence totale de preuve (et ici on élargit le sens de preuve, signifiant "fondement"; i.e. on dit que les positions sont totalement gratuites, ce qui est peu vraisemblable) comme point de départ de l'argument, dans une perspective dialectique. Je vais traiter de ces problèmes plus bas.
Mais mème en supposant un tel agnosticisme, il est a priori bizarre de le tirer vers l'athéisme, puisque par définition l'agnosticisme n'est pas l'athéisme: comment ne pas voir qu'une inexistence n'est pas la mème chose qu'une ignorance d'une existence??
Voici des extraits:
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1)
"Le fardeau de la preuve
Une excellente raison de placer le fardeau de la
preuve sur celui qui prétend que quelque chose
existe découle de la comparaison de l'effort requis
pour prouver l'existence de cette chose, ou bien sa
non existence.
Il est impossible de prouver la non-existence d'un
objet mais il n’est pas nécessaire de produire l’objet
lui-même pour prouver son existence. Tout ce qu'il
faut, c'est une manifestation convaincante de cette
existence, ce qui en principe est beaucoup plus
simple à trouver.
L'effort requis est donc fortement biaisé en faveur
de celui qui avance un nouveau concept et contre
celui qui prétend le contraire. C’est pourquoi on
exige un niveau de démonstration plus élevé de
celui qui en affirme l’existence que de celui qui la
nie...
Axiomes
Une conséquence importante à ce qui précède est
que si l'existence d'un objet ne peut être prouvé, le
postulat de base est que celui-ci n’existe pas. C’est
un axiome que quelque chose n’existe pas jusqu’à
preuve du contraire.
En science un axiome est une vérité non
démontrable qui s'impose avec évidence tant
qu'elle n’est pas prouvée fausse.
C'est le point de départ de toute analyse rationnelle."
2)
"Il est important de bien comprendre que la situation n'est pas symétrique. L'assertion de l'existence de(s) dieu(x) et l'assertion de l'inexistence de(s) dieu(x) ne sont pas sur un pied d'égalité. Le fardeau de la preuve est sur ceux et celles qui allèguent l'existence d'une ou de plusieurs entités surnaturelles pour lesquelles aucune preuve factuelle ne peut être invoquée"
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Quelques remarques préliminaires. On décèle très bien la restriction du sens de preuve dans le second texte: "preuve Factuelle". Cela laisse la place à des preuves ou fondements non factuels, justement. Ou alors tout dépend du sens de factuel. Si ca veut dire matériel, et que Dieu est immatériel, c'est une pétition de principe et un cercle vicieux car la notion de preuve fait en sorte que la question est réglée d'avance: la notion de preuve est FONDEE sur l'inexistence des preuves non matérielles (philosophiques), elle ne peut donc fonder cette inexistence. En plus simple: S'il n'y a pas de preuve de labo physique de l'exictence de Dieu c'est sans importance, puisque tout le monde sait que les preuves sont philosophiques (le grand lieu de l'analyse rationnelle).
Le premier texte n'est pas très bien formulé. S'il est impossible de prouver une non existence (en fait c'est possible: on peut montrer que l'objet est contradictoire, e.g. cercle carré, ou Dieu "ensoi-pousoi" d'après Sartre), comment dire ensuite que l'existence exige une preuve plus forte???
Ensuite, l'axiome dont il est question n'a absolument rien d'une vérité indémontrable, en fait ce n'est mème pas une vérité portant sur un objet réel, c'est seulement une convention méthodologique propre aux démarches directement empiriques (labo etc.) . C'est là pour simplifier et circonscrire les questions et les enquètes. Bref ca n'a aucune valeur en philo, ou dans les disciplines qui n'ont pas ces restrictions méthodologiques. Dire que c'est évident est bizarre, puisque il est évident que c'est le contraire: Il est évident que des objets puissent exister sans ètre connus ou prouvés, car la connaissace ne cause pas l'existence!
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Maintenant, l'argument.
Il arrive sans doute en contexte dialectique: le théisme et l'athéisme se renvoient le fardeau de la preuve, en présupposant, comme point de départ gratuit, un agnosticisme radical: on suppose qu'il n'y a jamais eu de preuves sur ces sujets, ou de fondements, St Thomas ou Sartre. Mais ce point de départ est artificiel, quand il ne présuppose pas une notion trop stricte de preuve. Si on prend la notion de fondement probable, on sait très bien qu'on n'est pas dans le champ du gratuit total ou de l'imaginaire: "si Dieu n'existe pas tout est permis" à lui tout seul constitue un certain fondement qui n' a rien à voir avec la gratuité.
Le point de départ dialectique n'est donc ici qu'une supposition hypothétique: l'agnosticisme.
En ce contexte, d'abord "Dieu n'existe pas jusqu'à preuve du contraire" a une tonalité trop objective, car on ne peut prouve l'athéisme, donc on ne peut dire que Dieu n'existe pas, c'est contraire au point de départ agnostique. Il faut traduire:
"on suppose (hypothèse) que Dieu n'existe pas jusqu'à preuve du contraire".
Cela ne concerne pas l'existence, mais notre connaissance.
Cependant le mot "jusqu'à" est très important, et il doit ètre là pour respecter le point de départ agnostique. En effet il supppose qu'il peut exister des preuves, des preuves potentielles donc, dans le futur. Elles ne peuvent ètre exclues.
Elles ne peuvent ètre exclues car autrement ces preuves seraient considérées IMPOSSIBLES et tout à coup le fardeau de la preuve serait renversé: il serait nécessaire de prouver cette impossibilité, une proposition universelle très catégorique à très fort contenu et très lourde qui ne se déduit pas des simples faits que telle preuve connue est peu convaincante ou réfutée, et qui exigerait donc une preuve correspondante. C'est pourquoi il faut dire jusqu'à: cela maintient l'agnosticisme au fond de l'argument.
Les exemples à l'encontre tirés des animaux fantastiques et lointains etc. ne sont généralement efficaces que pcq nous disposons déjà de motifs de suspicion indépendants, qui font pencher la balance. Mais certains autres exemples semblent plus pertinent: Suppposer que la vie extraterrestre n'existe pas jusqu'à preuve du contraire n'implique pas que l'existence de la vie ait le fardeau de la preuve en tous les cas. L'inexistence n'a pas le fardeau ici pcq elle n'est que SUPPOSEE. Si elle était affirmée catégoriquement, alors elle porterait un fardeau égal à l'autre position, ou peut-ètre plus élevé car il est plus difficile de prouver une absence de vie. Et passé une certaine distance cosmique c'est impossible.
In fine cependant, tout ca n'est que dialectique. Nous avons certains fondements pour et contre Dieu, il n'y a jamais gratuité totale.
Et puis L'agnosticisme est l'agnosticisme est l'agnosticisme. C'est pourquoi il n'est pas l'athéisme. La logique qui prétend le contraire est suspecte, ou fait intervenir des éléments externes ad hoc sur le fond.
PS. un autre traitement logique: Une négation est l'affirmation d'une négation, donc
Au lieu de
Dieu n'existe pas jusqu'à preuve du contraire
on peut dire
L'état de fait de l'inexistence de Dieu n'existe pas jusqu'à preuve du contraire.
Dieu et son inexistence sont tous 2 , des états de faits. Logiquement ils sont indistincts. Si on remplace Dieu par X ou une variable, les 2 propositions ci -haut auront valeur égale. Etat de fait (x) correspond à état de fait (non X). Difficile de saisir la différence. Ce sont ici les états de faits qui ont besoin de preuve...