Michel Onfray : Ca n'a pas de sens d'être bouddhiste dans l'Orne .
Posté : 18 juil.19, 23:55
Après son Traité d'athéologie, qui tacle les trois religions monothéistes, le philosophe Michel Onfray s'intéresse au bouddhisme et l'hindouisme. Il nous dit ce qu'il pense de la visite du Dalaï-lama.
Comment définissez-vous une religion ?
C'est une vision du monde qui nous dit que le sens de l'ici-bas est donné dans l'au-delà. Dans ce que Nietzsche appelait des arrières mondes, et moi je ne crois pas qu'il existe un arrière monde. Il y a ce monde-ci, et je ne crois pas que ce soit une punition.
Vous portez un regard très critique sur les trois religions du Livre. Et le bouddhisme ?
Je les tiens toutes dans une égale distance. Elles nous fâchent avec l'ici bas sous prétexte qu'il y a un au-delà. Le bouddhisme ne déroge pas à la règle. Bouddha, c'est d'abord un philosophe, qui propose une sagesse concrète. Il ne propose pas du tout la libération de l'âme avec le Nirvana. Mais on a cristallisé toute une mythologie autour d'une figure, c'est devenu une religion. Et en tant que religion, elle nous dit que la vie ici bas, moins vous la vivrez mieux ça vaudra...
Mais de tout temps les hommes ont inventé des religions.
Je pense que la source de la religion c'est la peur de la mort. Il y a un déni de la mort qui consiste à dire quand on est mort on est toujours vivant. Tant que les gens voudront des consolations, ils inventeront des dieux, de l'irrationnel.
Donc tout est négatif dans les religions ?
On peut considérer que la religion est défendable en ce sens qu'elle offre un support à la morale, un support à l'esthétique... L'idée qu'il y ait un bien et un mal, qu'il y ait des choses qu'on ne fait pas, ça me paraît bien. Mais on pourrait considérer que la morale n'a pas besoin de théologie. Il suffirait d'un peu de philosophie, qui explique qu'il faut qu'il y ait une règle du jeu.
Le bouddhisme a de plus en plus de sympathisants en Occident...
Si le petit véhicule aurait ma sympathie, car il est resté le plus fidèle à l'esprit de bouddha, le grand véhicule a généré cette religion planétaire, ça me gêne. Et ce qui me gène encore plus, c'est le néo-bouddhisme. Ça n'a pas de sens d'être bouddhiste dans l'Orne.
Pourquoi cela ?
On a une zone bouddhiste parce qu'il y a eu des gens qui ont su en faire une religion. Bouddha est un philosophe indien mais le bouddhisme n'est pas la religion de l'Inde. L'hindouisme l'a récupéré en disant que c'était une réincarnation de Vichnou. En revanche, des gens sont partis autour, ont fabriqué une religion qui est devenue locale et qui a un millénaire et demi derrière elle. Cette histoire, cette géographie n'est pas la nôtre.
Comment expliquez-vous cette attirance vers cette religion ?
Les néo-bouddhistes que j'ai rencontrés veulent allumer de l'encens, font semblant de faire du yoga... Ils ont l'impression que le bouddhisme n'est pas une religion, mais une forme de sagesse. Moi j'intégrerais le néo-bouddhisme dans les symptômes du new-âge : cette sorte de religions sur mesure qui sont plutôt le symptôme du malaise des gens qui cherchent un sens à leur existence. Je défends la philosophie, en disant, je comprends que vous soyez perdus, mais n'acceptez pas n'importe quel chemin sous prétexte que c'est un chemin. Allez voir du côté de Nietzsche, de Voltaire...
Quel regard portez-vous sur le Dalaï-lama ?
La révolte tibétaine se fait malgré lui, elle le déborde d'ailleurs. Il est une impasse politique depuis un demi-siècle. Le Dalaï-lama est pour les jeux olympiques, contre le boycott. Ce n'est pas un personnage qui s'oppose clairement à la Chine. Il ne faut pas oublier que c'est un chef religieux, comme l'est Benoît XVI. Le bouddhisme aujourd'hui c'est souvent une carte postale, le dalaï-lama aussi. Comme ces cartes postales qui représentent la Normandie avec une vache, un pommier et de l'herbe bien verte. Ce n'est pas ça la Normandie.
Propos recueillis par
Isabelle BOIS.
Ouest-France
Comment définissez-vous une religion ?
C'est une vision du monde qui nous dit que le sens de l'ici-bas est donné dans l'au-delà. Dans ce que Nietzsche appelait des arrières mondes, et moi je ne crois pas qu'il existe un arrière monde. Il y a ce monde-ci, et je ne crois pas que ce soit une punition.
Vous portez un regard très critique sur les trois religions du Livre. Et le bouddhisme ?
Je les tiens toutes dans une égale distance. Elles nous fâchent avec l'ici bas sous prétexte qu'il y a un au-delà. Le bouddhisme ne déroge pas à la règle. Bouddha, c'est d'abord un philosophe, qui propose une sagesse concrète. Il ne propose pas du tout la libération de l'âme avec le Nirvana. Mais on a cristallisé toute une mythologie autour d'une figure, c'est devenu une religion. Et en tant que religion, elle nous dit que la vie ici bas, moins vous la vivrez mieux ça vaudra...
Mais de tout temps les hommes ont inventé des religions.
Je pense que la source de la religion c'est la peur de la mort. Il y a un déni de la mort qui consiste à dire quand on est mort on est toujours vivant. Tant que les gens voudront des consolations, ils inventeront des dieux, de l'irrationnel.
Donc tout est négatif dans les religions ?
On peut considérer que la religion est défendable en ce sens qu'elle offre un support à la morale, un support à l'esthétique... L'idée qu'il y ait un bien et un mal, qu'il y ait des choses qu'on ne fait pas, ça me paraît bien. Mais on pourrait considérer que la morale n'a pas besoin de théologie. Il suffirait d'un peu de philosophie, qui explique qu'il faut qu'il y ait une règle du jeu.
Le bouddhisme a de plus en plus de sympathisants en Occident...
Si le petit véhicule aurait ma sympathie, car il est resté le plus fidèle à l'esprit de bouddha, le grand véhicule a généré cette religion planétaire, ça me gêne. Et ce qui me gène encore plus, c'est le néo-bouddhisme. Ça n'a pas de sens d'être bouddhiste dans l'Orne.
Pourquoi cela ?
On a une zone bouddhiste parce qu'il y a eu des gens qui ont su en faire une religion. Bouddha est un philosophe indien mais le bouddhisme n'est pas la religion de l'Inde. L'hindouisme l'a récupéré en disant que c'était une réincarnation de Vichnou. En revanche, des gens sont partis autour, ont fabriqué une religion qui est devenue locale et qui a un millénaire et demi derrière elle. Cette histoire, cette géographie n'est pas la nôtre.
Comment expliquez-vous cette attirance vers cette religion ?
Les néo-bouddhistes que j'ai rencontrés veulent allumer de l'encens, font semblant de faire du yoga... Ils ont l'impression que le bouddhisme n'est pas une religion, mais une forme de sagesse. Moi j'intégrerais le néo-bouddhisme dans les symptômes du new-âge : cette sorte de religions sur mesure qui sont plutôt le symptôme du malaise des gens qui cherchent un sens à leur existence. Je défends la philosophie, en disant, je comprends que vous soyez perdus, mais n'acceptez pas n'importe quel chemin sous prétexte que c'est un chemin. Allez voir du côté de Nietzsche, de Voltaire...
Quel regard portez-vous sur le Dalaï-lama ?
La révolte tibétaine se fait malgré lui, elle le déborde d'ailleurs. Il est une impasse politique depuis un demi-siècle. Le Dalaï-lama est pour les jeux olympiques, contre le boycott. Ce n'est pas un personnage qui s'oppose clairement à la Chine. Il ne faut pas oublier que c'est un chef religieux, comme l'est Benoît XVI. Le bouddhisme aujourd'hui c'est souvent une carte postale, le dalaï-lama aussi. Comme ces cartes postales qui représentent la Normandie avec une vache, un pommier et de l'herbe bien verte. Ce n'est pas ça la Normandie.
Propos recueillis par
Isabelle BOIS.
Ouest-France