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La preuve (morale) de L'existence de Dieu d'Emmanuel Kant

Posté : 01 nov.20, 09:28
par ChristianK
UN détail peut paraître intriguant dans l’œuvre de Kant. Il est en effet connu pour sa destruction des preuves métaphysiques (au sens de métaphysique classique) de l’existence de Dieu, ce qu’on voit chez Comte-sponville qui le copie quasiment mot pour mot, et réintroduit Dieu en morale (qu’il appelle significativement « métaphysique des mœurs », ce qui a du sens puisque la morale a effectivement un aspect transcendant), comme postulat de la raison pure pratique. Comte-sponville suit d’ailleurs une habitude assez répandue en France en suivant Kant contre la métaphysique classique, mais en bifurquant lorsqu’il s’agit des postulats pratiques, évacuant ainsi la théologie naturelle kantienne, et tronquant le kantisme.

Le point intéressant c’est l’usage du mot preuve chez Kant. En effet, malgré qu’il s’agisse d’un postulat, il utilise le mot preuve pour sa démarche, et il est suivi par bien des interprètes qui ne se gênent pas pour utiliser le terme :

https://www.researchgate.net/publicatio ... _existence

La critique de la faculté de juger (la 3e critique, qui porte sur le beau, les 2 premières, raison pure et raison pratique, sur le vrai et le bien) abonde en expressions de cette nature. Les traducteurs rendent à juste titre « beweise » par preuve, et effectivement on parle de beweise pour preuve mathématique, démonstration.


Voici les mots du texte (entre parenthêses c’est moi qui paraphrase),




Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger, GF, 1995. 540 p.


449 (la loi morale nous determine aussi ) une fin finale vers laquelle elle nous oblige à tendre…le souverain bien;
il faut admettre une cause morale du monde; "dans la mesure ou cette loi est nécessaire, dans la même mesure…il est nécessaire d'admettre aussi…qu'il y a un Dieu"
"cet argument moral ne peut fournir une preuve objectivement valide de l'existence de Dieu, ni démontrer au sceptique qu'il y a un Dieu…mais s'il veut penser de facon moralement conséquente, il lui faut nécessairement admettre…le fait d'accepter cette proposition"

450 "cette PREUVE" (n'impique pas que l’ existence de dieu soit aussi nécessaire que la loi morale; on peut avoir la loi morale sans souverain bien


454 "nous sommes fondés moralement a penser que se trouve… une fin finale de la création"

455 "la réalité …d'un auteur suprême du monde, légiférant moralement, n'est ainsi suffisamment démontré que pour l'usage pratique de notre raison… La raison pratique a besoin, pour la possibilité de sa fin (qui, par ailleurs , nous est imposée aussi par sa propre législation) , d’Une idée grâce à laquelle soit écarté l'obstacle résultant de l'impuissance à lui obéir d'après le simple concept naturel du monde";
"nous ne pouvons penser ces propriétés de l'être suprême que par analogie’’

456 (procurer une simple réalité pratique a une fin que la raison pure pratique nous impose a priori de réaliser de toutes nos forces;
il faut un fondement de la réalisabilité d'une fin finale moralement nécessaire)

457 "cette preuve morale n'est pas un argument qui viendrait d'être inventé’’ (seulement renouvelé);
(une voix intérieure semble exiger justice depuis toujours; on se sent obligé d'y tendre, et le monde ne peut y satisfaire)

460 (une survie est une condition nécessaire pour la fin finale qui nous est imposée absolument par la raison)

469 (croyance=souverain bien : postulats=Dieu, immortalkité de l’ ame, liberté;
pas de preuve théorique, "libre adhésion"

470 "croyance morale qui ne prouve rien pour la connaissance théorique, mais seulement pour la connaissance pratique de la raison pure"…
"une hypothèse effectuée sous un rapport pratique qui nous est commandé à cet égard pour l'usage moral de notre raison;
(du pt de vue théorique il y aurait simple possibilité, pas croyance)

472 (admettre comme vrai ce qu'il est nécesaire de présupposer …pour la possibilité de la fin finale morale…a cause de l'obligation vis a vie de celle-ci;
la croyance est une confiance dans l'atteinte d'un but dont la réalisation est un devoir;

73 (incroyance dogmatique incompatible avec regne d'une maxime morale (CAR LA RAISON NE PEUT COMMANDER DE POURSUIVRE UNE FIN RECONNUE POUR PUREMENT CHIMERIQUE)

474 (la fin finale est prescrite par les lois morales

475 ARGUMENT MORAL QUI PROUVE L'EXISTENCE DE DIEU UNIQUEMENT COMME OBJET DE CROYANCE POUR LA RAISON PURE PRATIQUE

479 l'argument moral (qui ne prouve certes l'existence de Dieu que du point de vue pratique, mais aussi, pourtant, nécessaire, de la raison)

483 un tel argument démontre l'existence de Dieu d'une manière qui suffit uniquement pour notre destination morale

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AU lieu de preuve il utilise parfois le mot argument et c’est pareil chez les commentateurs.

On peut se poser la question :

On a une Preuve au sens de preuve que Dieu doit etre postulé ou cru. Une Preuve qu'il faut croire une chose non prouvée, impliquée par une obligation.
Or quelle Différence y a-il entre une chose prouvée
Et une chose crue impliquée par une obligation prouvée ?

La chose crue n'est elle pas en ce cas prouvée indirectement?

La réponse me semble être la suivante : une obligation existe mais pas de la même facon qu'une chose (une substance), elle est de l'ordre de la finalité, des tendances d'une substance (son agir) (en langage classique l’homme est une substance) , la croyance qu'on en déduit ne sera pas une chose mais un objet mental d'abord. Certes il sera nécessaire de croire que Dieu est réel en fait et pas une idée mais cette réalité sera essentiellement liée à l'agent moral, et si l'humanité n'existait pas la preuve disparaitrait et on ne pourrait plus dire que dieu existe, mais seulement que c'est possible.
On voit la différence entre Dieu existe de fait, et Dieu existe de fait comme hypothèse necessairement affirmée. Le premier relève carrément de l'existence en soi, donc de l’ontologie (métaphysique) ,le second de l'existence en relation avec l'esprit d'un être moral.
(Une Métaphore peut-être acceptable, même si j'hésite un peu: avant de tenter une opération chirurgicale j'ai le devoir de croire qu'elle est possible, même si je ne le sais pas.)


Donc on peut dire que comme dans la tradition (la distinction entre preuve morale et métaphysique est classique) la preuve morale utilise le terme preuve dans un sens élargi. Je préfère donc le terme fondement. Mais on est justifié par le texte de parler de la preuve kantienne de l’existence de Dieu (Et dans la tradition on rencontre souvent le terme preuve morale).
Naturellement, elle dépend de la validité de la doctrine morale kantienne (un autre élément qui montre bien la complexité de la théologie naturelle)