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Bonjour à tous,

J'ai commencé récemment la lecture des Gathas, qui sont des textes issus de l'Avesta, qui est le corpus des textes canoniques du Zoroastrisme. Mais les Gathas sont les seuls textes de ce corpus dont il a été établi de façon certaine par les historiens et les philologues qu'ils ont réellement été écrits de la main de Zarathoustra lui-même. Donc, contrairement aux Évangiles ou au Dhammapada, entre autres exemples de textes fondateurs dans l'histoire des religions, qui sont des textes postérieurs à la prédication du grand maître dont ils ne sont qu'une retranscription, les Gathas sont le témoignage direct et authentique de l'expérience d'un grand mystique, d'un grand découvreur de vérités, dont l'empreinte sur l'histoire des religions aurait d'ailleurs été, selon les historiens, considérable.

Mon intention en ouvrant ce sujet n'est bien évidemment pas de faire un exposé de la spiritualité de Zarathoustra que je ne fais seulement que découvrir, elle n'est autre que de partager quelques extraits des Gathas et les quelques réflexions qu'ils peuvent susciter en moi. Et peut-être ainsi, si certains le souhaitent, cela permettra-t-il d'ouvrir un dialogue à propos de certains problèmes que ces textes soulèvent et exposent, de croiser nos perspectives à leurs propos, d'élargir le champ de la réflexion, enfin d'échanger sur ce que chacun souhaitera, bien entendu.

Je lis ce passage dans Zarathoustra et la transfiguration du monde de Paul du Breuil, spécialiste du zoroatrisme :

Paul du Breuil a écrit :Le Zarathusht-Nâma relate qu'avant la venue de Zarathoustra, l’iniquité régnait sur terre et que les peuples étaient tombés sous la domination d’Ahriman. Alors, dit-on, Dieu miséricordieux résolut de susciter un guide aux hommes.

Le Zarathusht-Nâma que l'indologue Jean Varenne décrit comme :

Jean Varenne a écrit :Zarathusht-Nâma, un écrit persan tardif tout imprégné de légendes dorées.

Or, ci-dessous, voilà comment Zarathoustra lui-même formule la façon dont il s'est vu investi par Ahura-Mazda de la mission de porter son message aux hommes :

Zarathoustra a écrit :Chant II

Zarathoustra est choisi pour guider le monde vers le bonheur.

1. L’âme de la terre pleure
et se lamente auprès de Toi :
« Pourquoi m’as-Tu créée ?
Qui m’a façonnée de cette manière ?
Je suis opprimée par la colère
la cruauté et l’agression.
Nul autre que Toi ne peut me protéger.
Guide-moi vers le vrai bonheur ! »

2. Ahura
demande conseil à la Justesse :
« Connais-tu un sauveur
capable de mener la terre opprimée
vers le bonheur ?
Et si cette personne existe,
qui est-elle ?
Pour que nous puissions
la soutenir et lui donner la force
de briser le mensonge chez le menteur
et l’oppression chez l’oppresseur. »

3. La Justesse répond :
« Il n’y a aucune autorité
dans le monde qui puisse
supprimer l’injuste.
Je ne connais, en vérité, personne
qui protège le juste contre l’injuste.
S’il existait une personne assez puissante,
je me dépêcherais de lui venir en aide.

4. Mazda Ahura,
Maître de la connaissance,
connaît bien ce que
les disciples des faux dieux
nous ont fait dans le passé
et feront dans l’avenir.
Seul Ahura Mazda décide.
Que Ses désirs soient les nôtres.

5 Ainsi, l’âme de la terre et moi-même,
les mains levées,
prions Ahura et interrogeons Mazda :
Y aura-t-il un avenir pour les justes
qui vivent parmi les malfaisants ? »

6. Et Ahura Mazda
répond à cette question
par une autre question :
« Connais-tu un guide
ou un enseignant dont
la Sagesse est en harmonie
avec la Justesse ?
N’est-ce pas le but du Créateur
de te donner la vie
afin que tu sois le protecteur
et le gardien de ce monde ? »

7. Pour cette raison
Ahura Mazda,
en harmonie avec la Justesse,
prépare un message éclairant la pensée
pour le progrès du monde,
ainsi que pour ceux
qui ont la charge de la protection
de ceux qui ont besoin d’être protégés
en demandant conseil à la Pensée juste :
« Qui peut aider le peuple ? »

8. « Je connais seulement une personne
qui ait écouté nos enseignements,
et c’est Zarathoustra Spitama.
Il est prêt à transmettre au peuple
Ton sublime message par ses chants,
dans le rayonnement de la Justesse.
Donne-lui alors, ô Mazda,
la grâce et le pouvoir de la parole ! »

9. L’âme de la terre rugit encore et dit :
« Dois-je accepter l’aide d’un homme faible
qui, avec ses paroles vides, veut être mon protecteur ?
En vérité, j’ai besoin d’un guide puissant :
quand apparaîtra-t-il
et quand me tendra-t-il ses mains puissantes ?

10. Moi, la terre nourricière,
je Te prie, ô Ahura,
pour qu’avec la force de la Justesse et
de la Pensée juste, Tu lui donnes le pouvoir
afin qu’il puisse me mener
vers la Sérénité et l’abondance.
Et lui, ô Mazda,
il sera Ta plus grande œuvre. »

11. Où êtes-vous ?
Ô Justesse, ô Pensée juste,
ô Maîtrise de soi,
quand viendrez-vous vers moi ?
Et Toi, ô Mazda,
quand guideras-Tu avec Ta Sagesse
la grande assemblée des Mages ?
Ô Ahura, nous attendons
Ton amour et Ton amitié.
Viens vers nous !

Je trouve intéressant d'observer comment un mystique qui, selon ce qu'il en a écrit lui-même, a été missionné pour porter son message par Ahura-Mazda sur les prières instantes de la Terre nourricière et en accord avec la Justesse, fut conçu plus tardivement dans la tradition comme ayant été suscité, c'est-à-dire mis au monde ou engendré, par Ahura-Mazda dans le but unique de guider les hommes. Où l'on voit comment peut se former ce motif récurrent du mythe d'un envoyé de Dieu pour sauver et guider les hommes, sans même que le guide en question ne se soit jamais réclamé d'une telle origine.

Dans les Gathas, Zarathoustra fait quatorze fois référence à l'amour. Il s'agit majoritairement de l'amour comme qualité de Ahura Mazda, parfois superlativé par l'adjectif "infini" ; et moindrement de l'amour de Zarathoustra pour Ahura Mazda.

Ainsi, dans le Chant VI, il est fait deux fois référence à l'amour infini d'Ahura Mazda

Zarathoustra a écrit :10. Ô Mazda,
toutes les bontés de la vie,
tous les bonheurs et toutes les joies
qui étaient, qui sont et qui seront,
Tu en es la source.
Ainsi, avec Ton amour infini,
dans le rayonnement
de la Pensée juste, de la Justesse
et du pouvoir de la Maîtrise de soi,
fais-nous bénéficier de tous ces dons.

13. Ô Ahura,
Toi qui vois tout,
Aide-moi par Ton amour infini
qui vient de la Pensée juste
pour que le bonheur et la joie
viennent à moi.
Et toi, ô Sérénité,
dans le rayonnement de la Justesse,
illumine mon monde intérieur.

Je n'ai trouvé aucun autre superlatif adjoint à une qualité de Ahura Mazda que celui d'"infini", et je n'ai pas rencontré ce dernier autrement que pour qualifier l'amour ou la sagesse de Ahura Mazda. Ahura Mazda est donc Amour infini et Sagesse infinie.

Et sachant que, selon la tradition et les exégètes, ces qualités ne font pas partie des six attributs de Ahura Mazda qui sont la Justesse, la Pensée Juste, la Maîtrise de soi, la Sérénité, la Perfection et l'Immortalité, j'en déduis que, pour Zarathoustra, l'Amour et la Sagesse infinis de Ahura Mazda, plus que des attributs, participent de son essence même, de son être pur.

L’Âme de la Terre.

Zarathoustra a écrit :1. L’âme de la terre pleure
et se lamente auprès de Toi :
« Pourquoi m’as-Tu créée ?
Qui m’a façonnée de cette manière ?
Je suis opprimée par la colère
la cruauté et l’agression.
Nul autre que Toi ne peut me protéger.
Guide-moi vers le vrai bonheur ! »

Extrait du Chant II (Yasna, hat 29)

Ce que l'interprétation moderne traduit par l'âme de la terre, Geush Urvan en avestique, littéralement l'Âme de la Vache, renvoie au mythe de la création de la mythologie perse. Dans ce mythe, le premier esprit créé, avant même celui de l'Homme, est celui de la Vache Primordiale. Mais après avoir été créé, elle est la victime de Ahriman, l'esprit du mal, le principe des ténèbres, qui dans son opposition à Ahura Mazda en vient à la tuer. Son corps est alors employé à repeupler la terre de ses animaux, tandis que son âme, l'Âme de la Vache, en devient la protectrice.

Ainsi, dans ce deuxième chant, lorsque Zarathoustra prononce le nom de l'âme de la terre, Geush Urvan, il fait plus ou moins explicitement allusion à la vie des animaux qui souffrent, et en particulier lors des sacrifices propitiatoires qui avaient cours en son temps, et, par là, il en condamne la pratique comme étant immorale, car allant à l'encontre de la Justesse d'Ahura Mazda.

En cela, je trouve intéressant de constater que, comme dans le bouddhisme et le christianisme, avec la découverte de l'absolue bénignité du principe créateur, avec la découverte de son amour absolument surhumain, et par la spiritualisation des figures anthropomorphes des démiurges mythologiques qui s'en suit, le sacrifice des animaux en vient à être condamné comme rite non seulement inutile, mais procédant du mal lui-même.

Ainsi, grâce à sa compréhension de la nature de Ahura Mazda, Zarathoustra expriment, de la même façon que le Bouddha ou le Christ, son amour pour tous les êtres vivants, l'amour universel de Ahura-Mazda lui-même, et son désir de leur prodiguer tous ses dons.

Zarathoustra a écrit :9. Ô Ahura Mazda,
je Te prie avec la Pensée juste,
Toi qui par Tes désirs as donné aux êtres
la capacité d’être heureux ou malheureux.
Pourrais-Tu, ô Ahura Mazda,
dans Ton amour infini
nous donner aussi le pouvoir
pour que, dans le rayonnement
de la Pensée juste et de la Justesse,
nous rendions ce monde vivant,
les hommes, les animaux et les plantes
heureux et épanouis ?

Extrait du Chant X (Yasna, hat 45)

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Zarathoustra ou la naissance d'une conscience libre

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