jesus dans le soufisme , voie contemplative de l'islam
Posté : 08 févr.04, 03:27
Jésus dans le Soufisme
En quelques lignes on ne peut espérer que donner un léger aperçu de ce que peut-être le rôle de Sidna Aïssa (Jésus ) dans le soufisme, car celui-ci occupe , dans son double aspect ésotérique et exotérique, une place importante au cœur de l’Islam ésotérique.
Un des principaux versets coraniques qui concernent Jésus est le suivant "Oui, le Messie, Jésus fils de Marie, est le Prophète de Dieu, sa Parole qu’il a projetée en Marie, un Esprit émanant de lui"*1 expression difficile à appréhender; qu’est-ce que le verbe de Dieu ?
Cela nous montre tout de suite que pour comprendre et parler en vérité de Jésus il est nécessaire d’être en osmose avec ce qu’il incarne. Ainsi le vénéré Cheikh ‘Adda Bentounès nous aide à mieux percevoir la véritable dimension du Messie, " Jésus était plus qu’un maître, il était plus qu’un instructeur(…). Il était le Verbe, c’est à dire la Vérité par Elle-même, la vérité qui guide et qui instruit. (…) Jésus nage dans les flots immenses de l’infini. Il est fou d’amour ces immensités. Il n’est pas fou de Dieu car il est lui-même l’amour de Dieu, il se grise de son propre amour, comme la mer se grise de son parfum. *2
Un autre grand maître du taçawwuf le Cheikh Ibn Arabi précise que Jésus est le sceau de la Sainteté Universelle dans un ouvrage qui fait référence encore aujourd’hui: les futuhats Mekiyya (Les illuminations de la Mecque). " Il y a un autre sceau pour lequel Dieu scelle la sainteté universelle depuis Adam jusqu'aux derniers saints et c’est Jésus. Il est le Sceau de la Sainteté comme il est aussi le sceau du cycle du royaume (Alam al mulk), sa venue étant le signe de l’approche de la fin des temps". L’autre sceau dont parle le Cheikh Ibn Arabi est le Prophète Mohammed (sur lui le salut et la paix) qui lui est le Sceau de la prophétie. Dans un hadith*3 le Prophète nous dit que "entre lui et Jésus il n’y a pas la place pour glisser un cheveu ", saisissante image de la proximité et de l’unité des élus de Dieu que les hommes par ignorance et aveuglement veulent diviser et opposer.
Par sa venue, Jésus nous a apporté le parfum des mystères de l’Amour Divin. Mais il est venu aussi avec la Puissance Divine qui s’est manifestée à travers lui tout au long de sa mission pour bouleverser et remettre en question le monde de son époque. Cela a évidemment profondément ébranlé les hommes de son temps mais aussi tous ceux qui ont approché la personnalité de Jésus. Le mes- sage de Jésus est purement spirituel : il parle de l’Amour. On ne peut aimer Dieu qu’en aimant son prochain, donc Jésus va nous amener dans une direction, son message va nous ouvrir une nouvelle perspective. Au delà de la lettre, de la loi, il y a l’esprit di- vin qui se manifeste quand et comme il veut. La propre naissance de Jésus porte en elle le défi à la loi physique, à la loi des hommes. Dieu au travers de Jésus va faire une exception, et son message sera un défi à l’humanité. Le défi du miracle de cette volonté divine qui peut aller au-delà des lois qui régissent la matière, afin de nous amener à nous éveiller, à nous ouvrir, à prendre conscience que Dieu est présent en toute chose, tout lieu, tout moment, capable de faire de nous, de chacun de nous, un être exceptionnel.
Le message de Jésus est un message d’esprit beaucoup plus que de la lettre, rares sont ceux qui vont le réaliser, puisque les hommes en ont fait une religion : ils l’ont rationalisé en quelque sorte, en l’enfermant dans des principes, alors que Jésus lui même était le Prophète anti-principe. Il est venu justement pour en défier la loi.
Le vénéré Cheikh Alawi *4, reconnu comme l’un des grands saints du 20 éme siècle, dans un texte sur le symbolisme des lettres d’une haute portée métaphysique dévoile une perspective subtile quant à l’approche du mystère de Jésus. " chaque fois que nous parlons du point, nous entendons par lui le mystère de l’essence très sainte; chaque fois que nous parlons de l’alif5, nous entendons par lui l’unique qui est seul l’essence seigneuriale ; et chaque fois que nous parlons du bâ*6 nous entendons par lui la manifestation ultime, appelée l’Esprit suprême ; ensuite le reste des lettres, les mots seuls, puis le discours en général, viennent à leurs rangs respectifs. L’alif et le Bâ réunis ensemble forment le vocable AB qui signifie en arabe et en hébreu : père. C’est le nom divin par lequel Jésus s’adressait à son seigneur et il l’employa lorsqu’il dit " En vérité je retourne auprès de mon Père et de votre Père ", c’est à dire auprès de mon Seigneur et de votre Seigneur (la conception anthropo-morphique de la paternité divine étant exclue de la perspective islamique). Si tu as compris le sens de ces deux lettres, tu sauras faire abstraction de leur signification extérieure. Par ailleurs cette confusion est renforcée par l’assimilation qui est fait entre AB (père) et RAAB (seigneur) dans l’usage courant de la langue sémitique qui par exemple désigner le père (AB) de famille comme étant aussi le seigneur (RAB) de la maison.*7
Ainsi bien que le mystère qui entoure Jésus demeure encore in compris, son message basé sur l’Amour et la compassion est présent par l’espérance de son retour et l’avènement de l’ère messianique. La source d’espoir qui a jailli sous les pieds de Marie continue d’abreuver les cœurs. L’essentiel est le credo de l’Unité. "le Seigneur ton Dieu tu adoreras et c’est à Lui seul que tu rendras un culte *8 " Toutes les lois et les messages des prophètes mènent vers l’Un ! les voies qui conduisent vers le centre sont les rayons, c’est à dire les religions qui prêchent la foi en l’Unicité. Ainsi, si l’on chemine avec foi, sincérité et amour, toutes les religions se rencontrent. Les pratiques sont différentes, mais la vérité est une.
Cheikh Khaled BENTOUNES
Notes :
1 : Coran : Sourate 4, verset 171 .
2 : Le chœur des prophètes : Enseignements soufis du Cheikh ‘Adda Ben tounès. Albin Michel éditeur.
3 : hadith = dire , parole du Prophète Mohammed dont la somme constitue la tradition.
4 : Fondateur de la confrérie soufie Alawiya.
5 : 1ère lettre de l’alphabet arabe .
6 : 2éme lettre de l’alphabet arabe.
7 : l’Homme intérieur à la lumière du Coran : Cheikh Bentounès, Albin Michel éditeur 1998.
8 : Evangiles selon St Matthieu 4/10 et St Luc 4/8, Deutéronome 6/13-14.
Remarques (notes de la rédaction du site):
= taçawwuf: action d'entrer dans la voie soufie, ou de pratiquer le soufisme, en quelque sorte la "soufisation".
= futuhats: "ouvertures" ou dévoilements ou "dévélations".
En quelques lignes on ne peut espérer que donner un léger aperçu de ce que peut-être le rôle de Sidna Aïssa (Jésus ) dans le soufisme, car celui-ci occupe , dans son double aspect ésotérique et exotérique, une place importante au cœur de l’Islam ésotérique.
Un des principaux versets coraniques qui concernent Jésus est le suivant "Oui, le Messie, Jésus fils de Marie, est le Prophète de Dieu, sa Parole qu’il a projetée en Marie, un Esprit émanant de lui"*1 expression difficile à appréhender; qu’est-ce que le verbe de Dieu ?
Cela nous montre tout de suite que pour comprendre et parler en vérité de Jésus il est nécessaire d’être en osmose avec ce qu’il incarne. Ainsi le vénéré Cheikh ‘Adda Bentounès nous aide à mieux percevoir la véritable dimension du Messie, " Jésus était plus qu’un maître, il était plus qu’un instructeur(…). Il était le Verbe, c’est à dire la Vérité par Elle-même, la vérité qui guide et qui instruit. (…) Jésus nage dans les flots immenses de l’infini. Il est fou d’amour ces immensités. Il n’est pas fou de Dieu car il est lui-même l’amour de Dieu, il se grise de son propre amour, comme la mer se grise de son parfum. *2
Un autre grand maître du taçawwuf le Cheikh Ibn Arabi précise que Jésus est le sceau de la Sainteté Universelle dans un ouvrage qui fait référence encore aujourd’hui: les futuhats Mekiyya (Les illuminations de la Mecque). " Il y a un autre sceau pour lequel Dieu scelle la sainteté universelle depuis Adam jusqu'aux derniers saints et c’est Jésus. Il est le Sceau de la Sainteté comme il est aussi le sceau du cycle du royaume (Alam al mulk), sa venue étant le signe de l’approche de la fin des temps". L’autre sceau dont parle le Cheikh Ibn Arabi est le Prophète Mohammed (sur lui le salut et la paix) qui lui est le Sceau de la prophétie. Dans un hadith*3 le Prophète nous dit que "entre lui et Jésus il n’y a pas la place pour glisser un cheveu ", saisissante image de la proximité et de l’unité des élus de Dieu que les hommes par ignorance et aveuglement veulent diviser et opposer.
Par sa venue, Jésus nous a apporté le parfum des mystères de l’Amour Divin. Mais il est venu aussi avec la Puissance Divine qui s’est manifestée à travers lui tout au long de sa mission pour bouleverser et remettre en question le monde de son époque. Cela a évidemment profondément ébranlé les hommes de son temps mais aussi tous ceux qui ont approché la personnalité de Jésus. Le mes- sage de Jésus est purement spirituel : il parle de l’Amour. On ne peut aimer Dieu qu’en aimant son prochain, donc Jésus va nous amener dans une direction, son message va nous ouvrir une nouvelle perspective. Au delà de la lettre, de la loi, il y a l’esprit di- vin qui se manifeste quand et comme il veut. La propre naissance de Jésus porte en elle le défi à la loi physique, à la loi des hommes. Dieu au travers de Jésus va faire une exception, et son message sera un défi à l’humanité. Le défi du miracle de cette volonté divine qui peut aller au-delà des lois qui régissent la matière, afin de nous amener à nous éveiller, à nous ouvrir, à prendre conscience que Dieu est présent en toute chose, tout lieu, tout moment, capable de faire de nous, de chacun de nous, un être exceptionnel.
Le message de Jésus est un message d’esprit beaucoup plus que de la lettre, rares sont ceux qui vont le réaliser, puisque les hommes en ont fait une religion : ils l’ont rationalisé en quelque sorte, en l’enfermant dans des principes, alors que Jésus lui même était le Prophète anti-principe. Il est venu justement pour en défier la loi.
Le vénéré Cheikh Alawi *4, reconnu comme l’un des grands saints du 20 éme siècle, dans un texte sur le symbolisme des lettres d’une haute portée métaphysique dévoile une perspective subtile quant à l’approche du mystère de Jésus. " chaque fois que nous parlons du point, nous entendons par lui le mystère de l’essence très sainte; chaque fois que nous parlons de l’alif5, nous entendons par lui l’unique qui est seul l’essence seigneuriale ; et chaque fois que nous parlons du bâ*6 nous entendons par lui la manifestation ultime, appelée l’Esprit suprême ; ensuite le reste des lettres, les mots seuls, puis le discours en général, viennent à leurs rangs respectifs. L’alif et le Bâ réunis ensemble forment le vocable AB qui signifie en arabe et en hébreu : père. C’est le nom divin par lequel Jésus s’adressait à son seigneur et il l’employa lorsqu’il dit " En vérité je retourne auprès de mon Père et de votre Père ", c’est à dire auprès de mon Seigneur et de votre Seigneur (la conception anthropo-morphique de la paternité divine étant exclue de la perspective islamique). Si tu as compris le sens de ces deux lettres, tu sauras faire abstraction de leur signification extérieure. Par ailleurs cette confusion est renforcée par l’assimilation qui est fait entre AB (père) et RAAB (seigneur) dans l’usage courant de la langue sémitique qui par exemple désigner le père (AB) de famille comme étant aussi le seigneur (RAB) de la maison.*7
Ainsi bien que le mystère qui entoure Jésus demeure encore in compris, son message basé sur l’Amour et la compassion est présent par l’espérance de son retour et l’avènement de l’ère messianique. La source d’espoir qui a jailli sous les pieds de Marie continue d’abreuver les cœurs. L’essentiel est le credo de l’Unité. "le Seigneur ton Dieu tu adoreras et c’est à Lui seul que tu rendras un culte *8 " Toutes les lois et les messages des prophètes mènent vers l’Un ! les voies qui conduisent vers le centre sont les rayons, c’est à dire les religions qui prêchent la foi en l’Unicité. Ainsi, si l’on chemine avec foi, sincérité et amour, toutes les religions se rencontrent. Les pratiques sont différentes, mais la vérité est une.
Cheikh Khaled BENTOUNES
Notes :
1 : Coran : Sourate 4, verset 171 .
2 : Le chœur des prophètes : Enseignements soufis du Cheikh ‘Adda Ben tounès. Albin Michel éditeur.
3 : hadith = dire , parole du Prophète Mohammed dont la somme constitue la tradition.
4 : Fondateur de la confrérie soufie Alawiya.
5 : 1ère lettre de l’alphabet arabe .
6 : 2éme lettre de l’alphabet arabe.
7 : l’Homme intérieur à la lumière du Coran : Cheikh Bentounès, Albin Michel éditeur 1998.
8 : Evangiles selon St Matthieu 4/10 et St Luc 4/8, Deutéronome 6/13-14.
Remarques (notes de la rédaction du site):
= taçawwuf: action d'entrer dans la voie soufie, ou de pratiquer le soufisme, en quelque sorte la "soufisation".
= futuhats: "ouvertures" ou dévoilements ou "dévélations".