prisca a écrit : ↑07 janv.25, 04:43
Un point crucial :
L'interprétation des données fossiles et génétiques est souvent basée sur des hypothèses et des modèles qui peuvent être révisés à la lumière de nouvelles découvertes.
Effectivement et justement c'est précisément l'usage de cette méthodologie rigoureuse qu'utilise tous les chercheurs en biologie, y compris donc les paléontologues. En effet en paléontologie l'on postule une hypothèse, le registre fossile, c'est-à-dire les donnés bruts, peuvent réfuter ou confirmer l'hypothèse de départ. Un exemple que j'aime beaucoup est celui de l'évolution des mammifères à partir d'ancêtre non-mammaliens. Un exemple que j'avais déjà partager ailleurs et que je repartage ici, car très illustratif.
Cette prédiction concerne l'évolution des osselets des oreilles moyennes des mammifères. Nous allons à ce titre nous concentrer sur deux des osselets en question, à savoir le marteau et l'enclume. En effet un point intéressant concernant l'apparition des mammifères à partir de lointains ancêtres «reptiliens», est justement celui de l'évolution de ces fameux osselets de l'oreille moyenne que sont le marteau (
malleus), l'enclume (
incus) comme l'illustre les deux schémas ci-dessous.
En effet comment pareils osselets ont-ils pu évoluer graduellement? Pour les chercheurs il est apparu très tôt que les osselets de l'oreille moyenne des mammifères sont homologues (donc dérivent du même ancêtre commun) à deux os faisant office d'articulation de la mâchoire chez les «reptiles» à savoir l’os articulaire et l’os carré. D'ailleurs le registre fossile de l'époque indiquait que les premiers amniotes, parmi lesquels devaient figurer les ancêtres des mammifères, avaient eux-mêmes une articulation «reptilienne» de la mâchoire comme l'indique les deux schémas ci-dessous.
Ainsi les chercheurs affirmèrent qu'au sein de la lignée ayant mené aux mammifères, l’os articulaire et l’os carré articulant la mâchoire de ces ancêtres, ont peu-à-peu évolué de manière graduelle pour devenir au final les fameux osselets de l'oreille moyenne qui nous sont si utiles à l'audition. Les chercheurs affirmant également qu'entre temps une nouvelle articulation de la mâchoire est apparu via la mandibule et l’os squamosal. Cette hypothèse était soutenu par des observations embryologiques. En effet les chercheurs savaient aux travers d'observation d’embryons de mammifères que les deux des osselets de l’oreille moyenne que sont le marteau et l'enclume, se forment durant le développement de l’embryon puis du fœtus, à partir du cartilage particulier. Ce cartilage s'appelle le Cartilage de Meckel. Or le cartilage de Meckel n’est rien d’autre en fait que la future mâchoire inférieure des mammifères (voir image ci-dessous). Mais on retrouve également ce même cartilage chez les embryons de «reptiles».
Voici une illustration du cartilage de Meckel durant le développement du futur enfant. On remarque que la partie postérieurs du cartilage, à savoir le futur marteau (malleus) et la future enclume (incus) sont encore attaché à ce qui pourrait bien constitué un os de la mâchoire inférieure, mais durant le développement ils s’en détacheront pour former de manière définitive le marteau et l’enclume de l’oreille moyenne tandis que le reste du cartilage de Meckel continuera à se développer pour former la mâchoire inférieur du nouveau-né en s’ossifiant aux autres os. Ce développement est d’ailleurs le même pour l’ensemble des mammifères. La différence est que chez les reptiles ce même cartilage continue son développement en voyant se former sur sa partie postérieure l'os articulaire et l'os carré qui formeront donc la future articulation de la mâchoire des «reptiles». Mais chez les mammifères la même partie inférieure du cartilage de Meckel, se détache pour former à terme les osselets de l'oreille moyenne des mammifères!
Mais donc il existe apparemment un gros problème! Pareille chose qui n'a apparemment pas pu évoluer graduellement cela semble même impossible! Car comment un os servant à l'articulation de la mâchoire peut-il devenir un os de l'audition? Et comment donc ces os de la mâchoire ont pu évoluer pour devenir des os de l'audition alors qu'en même temps une autre articulation de la mâchoire serait apparue? Il y a apparemment là un intervalle phénotypique absolument impossible à combler via le modèle d'évolution graduelle! De plus face à cette inconstance les chercheurs étaient initialement dépourvus du moindre intermédiaire structural dans le registre fossile pour justifier leur scénario évolutif. Scénario évolutif se basant apparemment uniquement sur la préconception d'une évolution graduelle telle que l'avait théorisé Charles Robert Darwin.
Cependant les chercheurs avaient déjà proposé une hypothétique solution à ce problème en concordance avec le paradigme d’une évolution graduelle. En effet les chercheurs affirmèrent que la nouvelle mâchoire mammalienne a pu apparaitre avant quand les os articulaires et carré aient abandonné leur fonction d’articulation de la mâchoire. Les chercheurs affirmant donc que l’évolution des amniotes «reptiliens» vers les mammifères a du se faire en passant par des créatures pourvu d’une double articulation de la mâchoire. Ainsi les chercheur affirmèrent qu’il a dut exister des «intermédiaires structuraux» pourvu à la fois d’une articulation «reptilienne» et d’une articulation mammalienne de la mâchoire. Bien évidemment à l’époque où pareille proposition fut faite pas le moindre fossile de pareille créature ne fut trouvé mais donc une prédiction évolutive fut faite sur des animaux qui auraient dû exister sans pour autant qu’on ait alors la moindre preuve fossile de leur existence.
Et la prédiction fut réalisée!
En effet depuis de nombreux fossiles d’un ordre nommé
Thérapsides furent retrouvé, et parmi ces derniers le sous-ordre des
Cynodontes comprenant plusieurs espèces montrant cette double articulation de la mâchoire. Mieux encore la succession des espèces composant ce sous-ordre nous permet de constater l’évolution des os de l’articulation «reptilienne» vers les osselets de l’oreille moyenne des mammifères (voir image ci-dessous). On peut ainsi observer dans le registre fossile comment l’articulation reptilienne s’atrophia au fur et à mesure que les os de cette articulation migrèrent vers l’oreille moyenne alors que l’articulation mammalienne gagnait de plus en plus en importance.
Et donc nous avons là la réalisation d’une prédiction évolutive en matière, d’homologie, de modalité évolutive et plus largement de phylogénie! Les chercheurs ont fait une prédiction évolutive à partir des données embryologiques et du paradigme théorique de la théorie de l’évolution, et il s’avère que le registre fossile à finit par confirmer haut la main leur prédictions. Ils devinèrent l’existence d’animaux pourvus d’une double articulation de la mâchoire (une reptilienne et autre mammalienne) avant même que le moindre fossile n’atteste de l’existence de pareils animaux. Pour aller plus loin un compte-rendu détaillé de cette histoire sous la forme d’un essai intitulé «Un coup de gueule plein les oreilles» a été écrit par Stephen Jay Gould et est disponible dans son livre
«Comme les huit doigts de la main». Et bien sûr ce qui marche ici pour les mammifères marche également pour les oiseaux via les multiples fossiles de dinosaures à plumes ainsi que les fossiles d’oiseaux archaïques retenant des caractéristiques «reptiliennes», comme je l'avais mentionné
dans le sujet que j'avais ouvert pour en discuter plus en détails.
prisca a écrit : ↑07 janv.25, 04:43En effet, il est tout à fait possible qu'une espèce animale très similaire à l'homme ait existé et se soit éteinte en laissant des traces fossiles que nous avons découvertes. Cette possibilité illustre les limites de la paléontologie et de l'archéologie, où les preuves disponibles peuvent être fragmentaires ou manquantes mais surtout incomplètes. Les scientifiques doivent souvent travailler avec des pièces de puzzle
incomplètes donc et interpréter les données avec prudence, en gardant à l'esprit que de nouvelles découvertes peuvent modifier la compréhension actuelle. Cela renforce également l'importance de la falsifiabilité en science, où les théories doivent pouvoir être réfutées par des preuves futures.
C'est tout à fait vrai. Et à ce titre la Théorie de l'Évolution obéit pleinement
à ce critère de réfutabilité établi par Karl Popper. Par exemple l'évolution des espèces de part ces mécanismes a pour conséquence
une hiérarchie imbriquée. Cette hiérarchie imbriquée est certes limitée par les transfert horizontaux de gènes, mais pour des organismes multicellulaires complexes, comme les animaux, elle est inévitable. Que stipule cette hiérarchie imbriquée? Simplement que les caractères biologiques, s'inscrivent dans une perspective évolutive. Pour le comprendre prenons un exemple hypothétique qui violerait cette hiérarchie imbriquée, et réfuterait la théorie de l'évolution. À savoir un animal mythologique, le pégase.
Pourquoi un pégase réfuterait-il la théorie de l'évolution? Simplement parce qu'il représente une chimère ne s'inscrivant dans aucune histoire évolutive possible. Le pégase est en effet un cheval pourvu d'une paire d'ailes, soit six membres. Or tous les mammifères, reptiles, oiseaux et autres tétrapodes, ne peuvent avoir au maximum que quatre membres, s'il peuvent perdre des membres (cas des serpents) aucune lignée de tétrapode ne peut en gagner une paire supplémentaire, en raison de contraintes structurales profondes. L'autre impossibilité, est le présence de plumes complexes adaptés au vol. Les plumes sont le fruit d'une longue et complexe évolution au sein d'une lignée de dinosaures théropodes très éloignée des mammifères. Statistiquement, il est extrêmement improbable, pour ne pas dire impossible que des plumes, identiques à celles des oiseaux, évolues chez des mammifères, dont les téguments (les poils) ont suivit une voie évolutive fort différentes. Bref le Pégase, au même titre que le Griffon ou le serpent à plumes, serait une réfutation en bonne et due forme de l'évolution, en cela qu'elle casserait la hiérarchie imbriquée prédit par les mécanismes évolutifs et de fait observée
et permettant justement les reconstructions phylogénétiques.
Donc une simple hypothèse, il suffirait de déterrer le fossile d'une mammifère possédant huit membres, ou d'un serpent possédant une mâchoire de mammifères avec les mêmes osselets de l'oreille moyenne, pour réfuter l'évolution. Mais bien sûr cela ne s'observe pas et cela sans même mentionner les preuves génétiques. Mais justement chaque nouvelle découverte faite en paléontologie ou en génétique, ne font que confirmer et donc s'inscrire dans la biologie de l'évolution, qui elle seule est à même de rendre compte de toutes ces observations. Dès lors on reste bien évidemment ouvert à toute possibilité mais il serait complètement absurde de considérer la biologie de l'évolution comme étant une simple hypothèse sans fondements solides au regards de la montagne de faits confirmant celle-ci.