King Julian a écrit :je suis surpris qu'aucun lien avec le règne animal ne soit fait dans ces documents pour se projeter plus loin dans le passé afin d'éclairer cette période.
Le comportement des humains, en effet, nous semble souvent ne pas se distinguer beaucoup de celui des animaux. Mais les spécialistes, eux, trouvent sans doute délicat d'extrapoler entre les espèces. Après tout, l'évolution procède de l'exception. La « création naturelle » est le fruit de l'inattendu, voire d'erreurs opportunes…
Par exemple, chez l'un des primates les plus proches de nous, génétiquement et par ses mœurs sexuelles, ce sont justement les femelles qui dominent :
Alors que la vie sociale des chimpanzés est organisée autour d’un mâle dominant […] celle du Bonobo est plutôt de type matriarcale et pacifique […] Les femelles bonobo, très solidaires entre-elles, tiennent une place plus importante que les mâles et sont à l’origine des décisions du groupe (Agoravox).
Mais ce « féminisme » chez l'un des primates les plus évolués, est aussi présent dans les lignées des plus primitives :
les Lémuriens représentent, dans la nature actuelle, un groupe archaïque (cosmovisions.com) Chez la plupart des lémuriens de Madagascar, ce sont les femelles qui portent la culotte. En effet, phénomène rare chez les mammifères, la domination féminine est la base de leur organisation sociale. Quelques espèces préservent toutefois l'égalité des sexes, mais elles restent minoritaires (sciencesetavenir.fr).
S'il est des exceptions chez les primates, il en est donc peut-être dans le genre Homo.
King Julian a écrit :Or si avant le Paléolithique et après la Préhistoire les sociétés humaines sont qualifiables de patriarcales, il est alors très tentant de conclure que ce fut le cas pendant cette période. L'inverse paraîtrait surprenant !
C'est vrai.
Mais peut-être avons-nous un peu trop tendance à considérer l'évolution comme linéaire. Nous pensons par exemple que le statut des femmes s'est amélioré graduellement au fil des siècles. En réalité, le processus est plutôt en dents de scie.
Voici par exemple, ce que les auteurs antiques nous apprennent sur nos ancêtres les gauloises :
Loin de se tenir loin des combats, les femmes sont prêtes à se lancer dans la mêlée pour venir au secours des hommes ! Le combat des femmes contre les troupes de Marius est à la fois « héroïque et effrayant » […] Chez les Celtes, la femme est consultée sur les questions qui sont du plus haut intérêt – et cela comprend les problèmes politiques. Polyen rapporte même comme elles devinrent les arbitres de conflits importants. Il signale aussi leur présence lors des assemblées. Plusieurs textes nous montrent également que la femme gauloise pouvait se trouver à la tête d'une tribu (cndp.fr).
Plutarque révèle aussi l'indépendance de la femme celte dans le cercle familial, et la prééminente du groupe (femmes/hommes) sur la famille
(cndp.fr).
Mais ensuite, vient l'époque gallo-romaine :
Jeune, la femme est sous le joug du pater familias (le père), jusqu'à son mariage où elle dépendra de son mari. Le mariage d'une jeune femme (souvent arrangé) était autorisé dès l'âge de 12 ans […] La femme [libre] ne travaille pas […] n'a pas de rôle politique ni les mêmes droits que l'homme, elle est mineure vis-à-vis de la loi, n'a pas le droit de vote ni celui de participer aux assemblées. Pour le législateur romain, sa "faiblesse d'esprit légitime ses incapacités juridiques".
L'acte sexuel dans le couple était une pratique civique destinée à créer de nouveaux citoyens, parfois jugé comme une corvée. La femme ne devait pas ressentir de plaisir, elle était éduquée pour ne pas en avoir […] Le devoir de la citoyenne romaine était de donner aux moins trois enfants à l'Etat […] L'homme pouvait punir de mort son épouse pour adultère, la répudier pour stérilité ou pour avortement […] Les veuves pouvaient se remarier mais renonçaient alors au droit à l'héritage du défunt (mediolanum-santonum.fr).
Aux lumières de la civilisation gréco-latine, succèdent les ténèbres du Moyen-Âge.
Mais qu'en est-il pour les femmes ?
Mariage : Le consentement des deux conjoints est nécessaire […] Pour protéger la femme contre son mari, il est ordonné à celui-ci de lui constituer un douaire, un capital […] La répudiation est interdite […] Les femmes du petit peuple et les bourgeoises jouissent d'un assez grande liberté. Majeures à douze ans, elles sont libres de gérer leurs biens, de se marier, de voter même ! Bien des métiers leur sont accessibles.(IVN)
À la fin du XIVe siècle, une certaine Lucia dite ab auro a réussi à faire carrière seule, pratiquement sans capital de départ, en tant que marchande de feuille d’or. Elle emploie ses propres apprentis, tient sa boutique, conclut des contrats avec des hommes et s’associe avec sa fille, Franceschina, en lui enseignant le métier ainsi que les connaissances nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise. Ce cas n’est pas si exceptionnel: il est au contraire révélateur d’un statut que les femmes peuvent acquérir, indépendamment de leurs pères ou de leurs maris. (Slate.fr)
Pas si mal. Mais, me dira-t-on, et toutes ces sorcières torturées et brûlées ?
Le Moyen-âge, ça dure mille ans. Ensuite, vient le renouveau des arts et des sciences, l'apparition de l'humanisme, la remise en cause de la Bible, l'exploration des océans, les grandes découvertes : la Renaissance. Mais cette Renaissance européenne, c'est aussi le triomphe de l'inquisition, des guerres de religion sanguinaires, du génocide des Amérindiens, de l'esclavage des Africains… et de la chasses aux sorcières.
la chasse au sorcières […] Son acte officiel de naissance - juridique du moins - c’est la toute fin du 15e siècle avec ses manuels en démonologie, son cortège de procès, ses bûchers. Un cycle de violence inouïe qui va perdurer pendant plus de 2 siècles et qui causera en Occident, la mort d’environ une soixantaine de milliers de sorciers (franceculture.fr). Dans presque 80 % des cas, il s’agissait de femmes, en particulier des veuves, qui n’avaient souvent personne pour les défendre (jw.org). En Europe, la chasse aux sorcières connaît son paroxysme de 1560-1580 à 1620-1630, pour se terminer vers 1680 (rts.ch).
Les hommes de la renaissance se méfient donc des femmes libres. Elles ont dorénavant le choix entre le foyer ou… le bûcher. Cette époque, en fait, sonne le temps de la relégation des femmes à la sphère domestique :
les femmes se sont progressivement vu refuser l’accès au marché du travail: une fermeture qui a lieu, selon les historiens, entre le XVe et le XVIIe siècle. Le dénigrement du travail féminin a suivi son cours, pour aboutir au XIXe siècle à la victoire des valeurs bourgeoises qui cantonnent la femme au domaine domestique, à élever leurs enfants et s’occuper de leur mari (slate.fr).
A l'égalitarisme des celtes succède le machisme romain. Libérée au Moyen-Âge, les femmes sont remise au pas à la Renaissance, et leur statut ne cesse de se dégrader jusqu'au XXe siècle, où le féminisme commence à s'imposer.
Mais qu'en sera-t-il demain ?
Et qu'en fut-il, alors, pendant les 300 000 ans qui précèdent ?
C'est que 300 000 ans… Ça peut en faire beaucoup, des époques…
Le vieux chat a écrit :la femme est capable de faire plusieurs choses à la fois
Une idée couramment répandue.
Mais… si elle aussi était un mythe ?
Karine Jacquet de Science & Vie, en 2017, nous en explique l'origine :
Cette idée, bien ancrée dans les esprits, est née dans les années 1980, suite à l'étude post-mortem de 20 hommes et femmes. Les biologistes constatent alors que le corps calleux - le faisceau de fibres nerveuses qui relie les deux hémisphères cérébraux - est plus large chez la femme […] là où l'affaire se corse, c'est lorsque des neurologues de l'Inserm montrent en 2000 que notre cerveau ne traite en réalité qu'une seule tâche à la fois, et ce, quel que soit le sexe (science-et-vie.com).
Ces conclusions du millénium n'ont cependant pas empêché le Midi Libre de titrer en 2013 :
Pourquoi les femmes sont plus douées pour faire plusieurs choses à la fois.
Citant le Professeur Ragini Verma, l'article indique que cette polyvalence féminine serait due au fait que les connections neuronales chez les hommes se font entre l'avant et l'arrière du cerveau, alors que chez les femmes
« les branchements relient l'hémisphère droit, où siège la capacité d'analyse et de traitement de l'information, à l'hémisphère gauche, centre de l'intuition. »
Peut-être vous demandez-vous alors quel rapport il peut bien y avoir entre l'intuition et le multitâche.
Et bien la réponse est… aucun.
Car en réalité, les recherches auxquelles se réfère cet article ne parlent à aucun moment d'une quelconque aptitude qu'auraient les femmes à accomplir plusieurs tâches en même temps. Les rédacteurs du très respectable Midi-Libre trouvaient sans doute la dépêche AFP un peu austère. Ils ont donc ajouté des titres et des inter-titres pour le rendre plus accrocheur. En évitant bien sûr soigneusement d'indiquer la source de l'information.
Mais celle-ci,
Sex differences in the structural connectome of the human brain, peut être trouvée très facilement sur le site de l'Académie Nationale des Sciences des USA.
Débarassée des fantaisies du journaliste local, la publication n'est pas sans intérêt. Quelques extraits :
Les différences de comportement humain entre les sexes montrent une complémentarité adaptative : les hommes ont de meilleures capacités motrices et spatiales, tandis que les femmes ont des capacités supérieures de mémoire et de cognition sociale […] les exemples incluent […] une plus grande propension à l'agression physique chez les hommes et une mémoire à médiation verbale améliorée et une cognition sociale chez les femmes.
Des études montrent également des différences entre les sexes dans le cerveau humain mais n'expliquent pas cette complémentarité […] Avec l'avènement de la neuroimagerie, de nombreuses études ont révélé des différences entre les sexes dans le cerveau susceptibles de sous-tendre les différences de comportement.
Les observations suggèrent que les cerveaux masculins sont structurés de manière à faciliter la connectivité entre perception et action coordonnée, alors que les cerveaux féminins sont conçus pour faciliter la communication entre les modes de traitement analytique et intuitif.
Précision intéressante, soulignée par l'AFP :
Les auteurs ont observé peu de différences de connectivité cérébrale entre les sexes chez des enfants de moins de 13 ans. En revanche les différences étaient plus prononcées chez les adolescents de 14 à 17 ans et les jeunes adultes de plus de 17 ans.
Terminons en revenant un peu sur le multitâche.
Un article du Monde.fr de 2015 nous indique en effet que s'il est théoriquement possible au commun des mortels de s’atteler à plusieurs tâches en même temps, c'est quasiment toujours avec de très mauvais résultats, car le cerveau, lui, ne peut pas suivre. Il existe cependant des personnalités d'exceptions (2,5 %) qui s'en sortent haut la main.
Mais les femmes ne sont pas particulièrement représentée dans ce groupe.
Ce serait même le contraire, si l'on en croit
le site de l'Association for Psychological Science.