Oh mais tu sais je ne suis pas un spécialiste de Nietzsche, j'apprends c'est tout, et ce n'est pas mon genre de descendre en flèche les croyants ouverts d'esprit.
Je voudrais tout d'abord rappeller quelque chose, puisqu'il est principalement question de Nietzsche dans ce sujet.
Nietzsche n'a rien d'un philosophe académique; il n'a pas le souci de définir une terminologie rigoureuse ni d'élaborer des traités systématiques. Il estime qu'une telle ambition manque la richesse de la vie et du réel. Il est davantage un essayiste et un poête qui a de la philosophie et de l'humanité une vision puissante, critique et très originale. Pour l'essentiel, les écrits de Nietzsche sont composés d'aphorisme; quelquefois, l'expression est directement poêtique; elle est souvent allusive. Ce qui fait que son oeuvre est l'objet de nombreuses interprétations, suivant les thèmes que l'on privilégie et la manière dont on comprend les développements énigmatiques.
Cette indétermination de l'oeuvre est en accord avec l'idée que le réel est
plurivoque, inépuisable et créatif. C'est pourquoi le langage univoque du concept logique ne convient pas pour le décrire; seul un
langage métaphorique, connotatif plus que dénotatif, exigeant l'interprétation créatrice, est expressif du monde.
Les concepts ne sont que d'anciennes métaphores usées, mortes.
"Il n'y a pas d'événement en soi. Ce qui advient, c'est un groupe de phénomènes sélectionnés et rassemblés par un être qui interprète". (Nietzsche)
C'est parce qu'il est métaphore et analogie que le langage peut introduire de l'unité dans le chaos des phénomènes, en rassemblant le divers. Stabilisés, ces libres regroupements deviennent des catégories, des concepts ou des essences. L'erreur consiste à prendre ces conceptualisations pour la vérité et la réalité, alors qu'elles ne sont qu'interprétations parmi une foule de lectures analogiques possibles.
En affirmant que les métaphores sont seules conformes à la réalité profonde, Nietzsche avait préparé le rapprochement contemporain (postmoderne) de la philosophie et de la littérature, la fin de la distinction stable entre vérité et fiction, fait et valeur, connaissance et création.
Voilà.
Nietzsche s'élève contre toute quête de certitude. Pour lui, c'est une renonciation à sa propre liberté. Il prône le droit à la liberté absolue de pensée.
oui...
Cette liberté le conduit à voir l'univers comme un chaos sans rime ni raison. L'histoire n'a pas de sens. Il n'y a en particulier aucun grand horloger derrière tout ça.
Nietzsche ne nie pas l'histoire, il pense même que celle-ci se répète éternellement. Il applique la description généalogique, qui est une forme d'herméneutique qui consiste à expliquer, et surtout à démasquer, démystifier, en retraçant l'histoire, spécialement les origines, de ce que l'on décrit. Décrire la science et son désir de vérité comme une stratégie enracinée dans l'instinct de conservation est déjà de la généalogie. Mais c'est surtout à propos de la morale religieuse (christiannisme dans son cas surtout) et de la philosophie idéaliste et métaphysique que Nietzsche a pratiqué la description généalogique.
Ainsi il est arrivé à voir une morale des Forts (authentique, en accord profond avec l'affirmation vitale créatrice) et une morale des Faibles (toutes les morales associées à la sécularisation du christiannisme).
La morale des forts est individualiste et conquérante et liée à la volonté de puissance (citée dans mon premier post je crois).
L'homme fort invente ses propres valeurs; il décide de son devoir; il crée ce qui est nouveau, et donc inévitablement détruit ce qui est ancien et périmé. Attention: la morale des forts n'est pas opposée à l'aide aux plus faibles, à condition que celle-ci ne se dispense pas par pitié et compassion, ou sous l'effet de la culpabilité (et c'est là sa violence par rapport aux valeurs morales), mais bien à partir d'énergie qui se communique--->allusion au surhomme--->accord avec le darwinisme (lutte pour la vie et valorisation de la guerre---> c'est là que Nietzsche est dur).
Et dans ce bas monde Nietzsche ne voit en effet aucun grand horloger au sens de Dieu créateur en effet.
La seule attitude valable pour l'homme dans ce cadre est celle de l'action intéressée, de l'égoïsme, de la recherche de puissance. Les moralistes disent que c'est immoral ? Qu'importe ! De toutes façons, la morale n'a pas plus de réalité que n'importe quelle autre valeur illusoire des esprits faibles. Finalement, par extension, on arrive assez vite à une revendication à la prééminence de la sélection naturelle, qui a au moins, elle, une justification intellectuellement satisfaisante car logique !
Attention tu carricatures fortement sa pensée et ne la comprends pas vraiment.
L'homme ne doit pas rechercher la puissance au sens de pouvoir, mais il est invité par Nietzsche à vivre d'une manière symbolique la volonté de puissance, en poête surtout mais aussi en herméneuticien. Et en effet Nietzsche envoyait valser la morale car celle-ci pour lui n'était qu'une illusion, on a vu pourquoi. Et c'est la que nous ne sommes pas d'accord avec lui, mais ce n'est pas là que je vois l'importance de la portée de sa pensée. Attention: la pensée de Nietzsche n'est pas du darwinisme, elle accepte le darwinisme comme résultat logique
dans les faits de la volonté de l'homme de dépasser ce monde, afin d'y survivre.
ce discours me fait terriblement penser à celui de racistes et fascistes de tous poils (comme nous en avons encore en France de nos jours…). Les fascistes comme les autres reconnaissent la nécessité de fonder la société sur des règles, mais pour constituer leur système de valeurs, les fascistes se reposent sur l’exemple de la nature, dans laquelle seul le fort survit, tandis que les autres (les démocrates au moins), considèrent qu’il existe quelque chose de transcendant qui autorise l’homme à se fixer des règles différentes de celles de la nature. Le fasciste dira « le handicapé est un poids pour la société, envoyons-le en camp d’extermination ». Le démocrate dira « les hommes naissent et vivent libres et égaux en droits ». Et pourquoi donc les hommes auraient-ils tous les mêmes droits alors qu’il est évident que certains sont plus forts et plus intelligents que d’autres ?
Là tu nous présentes un exemple de faiblesse morale dérivée de son image de morale des forts. C'est une interprétation qu'a l'homme de cette vision nietzschéenne. On l'a dit, il y eu la suprême trahison : la sœur de Nietzsche, mariée avec un antisémite, a trahi la pensée du philosophe, en la mettant au service de l'extrême droite et du national-socialisme. Elle a déformé le sens des œuvres posthumes de Nietzsche, en particulier de l'ouvrage auquel Nietzsche travailla à partir de 1884 et surtout en 1886, qui demeura inachevé et qui fut publié sous le titre de "La volonté de puissance". Alors oui tu vas peut-être penser que la pensée de Nietzsche est une philosophie d'élites éclairés... Mais ce sont les élites éclairés qui font avancer le monde non??
Je t'invite, et j'invite également Pastoral, à aller voir ce lien intéressant:
http://foster.20megsfree.com/284.htm
C’est là qu’est le fossé : d’un côté la quête légitime de la liberté de pensée, de l’autre la nécessité de trouver des règles de vie en société.
C'est une constatation réaliste.
La théorie Nietzschéenne est formellement attractive. Elle séduit. On se dit « ah oui ! là, il a touché la vérité ! » Tout s’emboîte à merveille… c’est beau comme une muraille inca ou comme une partie de Tetris ! Et si elle est si belle, c’est que dans son domaine d’application, elle est vraie.
De quel domaine d'application parles-tu? comme je t'ai montré tout ne s'emboîte pas à merveille mais comme toute pensée elle a sa logique propre que tu es libre d'accepter en tout ou en partie.
C'est ça l'avantage du libre penseur, contrairement à la plupart des croyants, il accepte en tout ou en partie ce qu'il veut dans l'ensemble des pensées qu'il rencontre. Mais attention un libre penseur peut parfaitement croire en Dieu, en un créateur.
Là où je veux en venir, c’est que si on analyse la réalité en se limitant purement à une vision matérialiste du monde, on parvient au raisonnement de Nietzsche.
Pas du tout... Comme je l'ai dit
ce n'est pas parce qu'il refuse les "arrières-mondes" qu'il est matérialiste. Le matérialisme reste pris dans la structure hiérarchique des concepts primitifs et dans le désir négateur de la diversité, de la multiplicité créatrice des perspectives.
Avec le matérialisme, il s'agit toujours de privilégier absolument une lecture du réel et de trouver en elle la stabilité absolue, la réponse définitive à l'énigme du monde. Il s'agit toujours de nier la vitalité créatrice au profit d'une mortelle certitude et rassurance. Le matérialisme n'échappe pas à la métaphysique dans la mesure où il demeure une théorie prétendant à la Vérité.
Il est intéressant de le connaître et de le maîtriser, et de regarder en face l’hypothèse qu’il est peut-être la seule analyse valable du monde.
Peut-être...
mais je ne crois pas qu’elle soit de nature à pouvoir remettre en cause la foi en l’existence de Dieu. Elle peut, au mieux, rappeler au croyant que la divinité, si elle existe, est d’ordre transcendant.
C'est ton avis...
merci nadiral