Je suis un peu surpris de la discrétion de nos amis TJ sur certains points de leur doctrine. Je connais la différence entre « corps », « âme » ou « esprit » dans la Bible. Inutile de polémiquer. Je suis à une nuance près d’accord avec
jusmon. Je vois aussi qu’au lieu de répondre, il y une tentative, pas très discrète, de diversion dans le hors sujet. Alors je vais reprendre quelques unes des affirmations de
Medico ou d’
Elihou :
Dans un post
Medico à dit à propos de l’union des deux natures humaine et divine de Jésus : «
ce n’est pas une conception des écritures, cela c'est un argument qui est venu bien plus tard diffusé par certains gnostiques ». Qu’est-ce qui te permets de dire que c’est une doctrine gnostique ? J’ai moi-même expliqué que ni la doctrine de Nestorius, ni la doctrine catholique d’Ephèse ne me semblaient gnostique et j’ai expliqué pourquoi (ci-dessus). Qu’est-ce qui te permet d’affirmer le contraire ?
Elihou : «
Jésus est Dieu depuis Nicée ».
Veux-tu dire que la croyance en la divinité de Jésus n’existait pas avant Nicée ? En réalité, la croyance en la divinité de Jésus découle de la Passion et de sa Résurrection. Cette croyance a été marquée par le fait que Jésus a été appelé Verbe de Dieu, Fils de Dieu ou Seigneur (et d’autres appellations encore : comme le Sauveur = soter, etc.). La date exacte d’élaboration est à préciser,
mais elle est contemporaine de la rédaction des Evangiles et des autres livres du NT :
Mt 16.16 « Prenant la parole, Simon-Pierre répondit: " Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant »
Jn 21.12 "Jésus leur dit: " Venez déjeuner. " Aucun des disciples n'osait lui poser la question: " Qui es-tu ? ": ils savaient bien que c'était le Seigneur. »
Le titre de
Kyrios avec sa double valeur royale et divine (traduction du mot Seigneur : adonaï dans la Septante) fait partie des quelques premières appellations de Jésus pour indiquer la divinité de Jésus. L’expression araméenne «
Marana tha » (le Seigneur vient) ou la confession de l’Eglise primitive «
Jésus est Seigneur » attestent du transfert de l’appellation juive Seigneur de l’invocation du Nom (
YHWH)
à l’invocation de Jésus dès le premier siècle. Cette appellation est utilisée 426 fois avec ce sens par Paul, Pierre, Jacques, Timothée, Jude et Jean. Cette invocation convient désormais au Père comme au Fils : Ap 17.14 et 19.15-16 : «
Ils combattront l'Agneau et l'Agneau les vaincra, car il est Seigneur des Seigneurs et Roi des rois, et avec lui les appelés, les élus et les fidèles vaincront aussi. » [ …] «
De sa bouche sort un glaive acéré pour en frapper les nations. Il les mènera paître avec une verge de fer, il foulera la cuve où bouillonne le vin de la colère du Dieu Tout-Puissant. Sur son manteau et sur sa cuisse il porte un nom écrit: Roi des rois et Seigneur des Seigneurs. »
Elihou : «
Ces conciles sont un jeu de cartes : vous touchez à une d'entre elles et le tout s'écroule ».
Veux–tu dire que c’est une construction fragile ?.
C’est vrai c’est précis et donc fragile. L’élaboration dogmatique correspond à la « culture » par l’Eglise catholique d’un donné de départ reçu des apôtres.
Pour les TJ qui ne reconnaissent pas la divinité de Jésus cette élaboration est évidemment inconcevable, donc impossible, voire choquante car Jésus n’étant pas Dieu n’a rien apporté de radicalement nouveau et ne peut dépasser la référence à la Loi ancienne celle de l’AT. Pour nous, Jésus est le Verbe de Dieu ; Jésus est la clé de réinterprétation de l’AT. Pour nous, c’est Jésus-Christ qui est la référence première
et non l’AT. Il faut y voir là la conséquence du choix doctrinal de départ sur la divinité ou non de Jésus. Le refus de la divinité de Jésus a des conséquences en cascade aussi pour les TJ : elle modifie la compréhension de Sa vie (pas d’Incarnation), elle affaiblit l’impact de sa Croix et de Sa Résurrection (sans impact sur le salut), elle modifie sans doute le sens à donner au terme de « conversion » et de « salut » . En un mot, les TJ pensent que les catholiques souffrent de
christolâtrie (adoration de Jésus-Christ), sans même parler de la vénération de sa mère qui n'a évidemment plus aucun sens. En effet, c’est un enchaînement logique, le moindre écart au départ a de très nombreuses conséquences .... Il faut s’y faire, c'est ce qu'on appelle un schisme.
Elihou : «
La Christotokos, mot jamais prononcé ».
Veux-tu dire que l’appellation Christotokos appliquée à Marie n’existait pas avant Ephèse ? En réalité, on a des preuves assez nombreuses de mention de Marie mère de Jésus, Dieu, dès le deuxième et le troisième siècle (
http://www.mariedenazareth.com/15083.0.html?L=0). Je me permets de citer ici un texte d’Ignace d’Antioche, mort en 107, probablement un fragment d'hymne liturgique. Il est adressé au Seigneur (
kyrios) Jésus (Lettre aux Ephésiens VII, 2) :
« Il n'y a qu'un seul médecin,
charnel et spirituel,
engendré et inengendré,
venu en chair, Dieu
en la mort vie véritable,
[né] de Marie et [né] de Dieu, d'abord passible et maintenant impassible,
Jésus-Christ notre Seigneur. »
Cette formulation sans prétention n’en préfigure pas moins la formulation de Nicée (325) ou d’Ephèse (431) …
plus de deux cent à trois cent ans plus tard ! Je ne suis pas un expert, je n’ai qu’un peu cherché. Deux de mes sources situent l’apparition du mot
Théotokos vers le concile de Nicée sous la plume d’Alexandre d’Alexandrie, le premier à avoir réagi aux thèses d’Arius. Ensuite ce terme s’est répandu chez les Cappadociens. Un autre source attribue le développement de l’appellation Marie Mère de Dieu à la formulation du symbole de Constantinople (381) : «
Jésus-Christ, Le Fils unique de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu, par l'Esprit Saint a pris chair de la Vierge Marie et s'est fait homme ».
J’avoue n’avoir rien trouvé sur la « piété populaire » mariale avant Ephèse. En fait, il aurait fallu chercher dans les lectionnaires et usages liturgiques, ce que je n’ai pas fait. Néanmoins, il y a dans les minutes du concile d'Ephèse, plusieurs éléments qui montrent qu’une piété mariale existait bel et bien avant le concile d’Ephèse :
- Dès 428, dans les jours suivant sa prise de fonction (d’après Cyrille d’Alexandrie), Nestorius, Evêque de Constantinople, prêcha et distribua ses prêches à la population ; il en envoya également au pape. Il y eut immédiatement un scandale public autour des écrits de Nestorius. Cyrille Evêque d’Alexandrie écrivit alors à Nestorius, lui-même, sans réaction, puis au pape concernant ces prêches considères comme hérétiques, non conformes au symbole de Nicée. Sa thèse principale ne concernait pas la Vierge Marie, mais plutôt Jésus lui-même. A la question de savoir si les événements de la vie, de la Passion et de la mort de Jésus était à attribuer au Verbe de Dieu, comme tel – tradition commune de l’Eglise, enracinée dans les Ecritures – Nestorius va répondre : non (refus de l’Incarnation). En cela Nestorius se rapproche du
docétisme près de deux siècles auparavant. Par conséquence, Nestorius a également énoncé sa thèse disant que Marie était la
Christotokos et non la
Théotokos. Cette thèse lui a servi de drapeau, mais n’est pas le fond du problème. Contrairement à ce que tu suggères, l’appellation
Théotokos était alors en usage depuis plusieurs dizaines d'années en 428, d'où le scandale. C'est donc Nestorius qui a poussé à la réunion de ce concile d'Ephèse, parce que sa thèse était déjà contestée dans plusieurs Eglises quelques années avant même de concile d'Ephèse ;
- Nestorius qui finalement n’a jamais voulu participer a aucune des diverses sessions du concile d’Ephèse a voulu lever un incident parce que ces sessions se tenaient dans une église appelée Sainte Marie, l’autre église Saint Jean lui étant fermée par décision des organisateurs du concile : Cyrille d’Alexandrie et Memnon. Dans le culte de Marie existait sous une forme ou une autre, en particulier avec une fête liturgique, le 26 décembre, en « mémoire de la Vierge » dans l’octave de Noël attestée avant le concile d’Ephèse.
Elihou : «
Après avoir décrété que Jésus était Dieu se posait la question de Marie : qu'était-elle ? sa mère, mais mère de qui et de quoi ? ». Veux
-tu dire que le concile d’Ephèse s’est posé la question de savoir si Marie avait donné naissance à Jésus ou à Dieu ? Pour faire bref, le concile d’Ephèse n’a pas directement parlé de Marie. L’essentiel des débats a porté sur le
nestorianisme et le
pélagianisme. Le concile d’Ephèse n’a pas porté de définition au sens strict. Il a approuvé la seconde lettre de Cyrille à Nestorius qui était très claire aussi bien sur Jésus que sur Marie :
«
Que le Verbe soit devenu chair, ce n’est rien d’autre que ceci : le Verbe tout comme nous, a participé au sang et à la chair. Il a fait de notre corps sont propre corps et il issu homme d’une femme, non pour avoir rejeté le fait d’être Dieu et d’avoir été engendré de Dieu, mais par assomption de la chair en assumant ce qu’il était.
Voila ce que proclame partout le discours de la foi exacte ; voila ce que nous trouverons avoir été pensé par les Pères ; c’est ainsi qu’ils se sont enhardis à nommer la sainte Mère de Dieu, nonque la nature du Verbe ou sa divinité ait reçu la début de son existence à partir de la sainte Vierge, mais parce qu’a été engendré d’elle son saint corps animé d’une âme raisonnable, corps auquel le Verbe s’est uni selon l’hypostase t pour cette raison est dit avoir été engendré selon la chair . » (Seconde lettre de Cyrille à Nestorius ; COD II, 1 P. 111-113).
Soulignons … pour ceux qui n’auraient pas compris que
Cyrille dit bien que Marie n’est évidemment pas mère de la divinité. Et ce n’est pas le seul texte à le dire à la même époque. De ce qui a été discuté à Ephèse (unité des natures divine et humaine de Jésus - union sans confusion) a découlé logiquement que Marie est mère d'un Jésus « indivisible » (c’est mon commentaire !). Et l’usage déjà en cours de l’appellation
Théotokos en a été renforcée et même encouragé. Ces conclusions ont été reprises et confirmée au concile de Chalcédoine (451).
Elihou : «
Le concile d'Ephèse n'est que la perversité des décisions du concile précédent [Nicée]. On peut ainsi remonter à toutes les étapes progressives de la construction trinitaire établie sur 7 siècles ».
A ma connaissance : l’essentiel de la doctrine catholique sur la Trinité a été fixée au quatrième siècle avec les deux premiers conciles : Nicée : 325 et Constantinople I : 381). Les quatre conciles suivants sont christologiques et les suivants ont encore d’autres objectifs – différents de la définition de la Trinité:
- Sur la personne de Jésus (christologie) : Ephèse : 431, Chalcédoine : 451 et Constantinople II : 553 ;
- Sur la liberté humaine : Constantinople III : 580 ;
- Sur le culte des images ; Nicée II : 787.
Au passage : c’est le refus de la croyance en l'Incarnation (Dieu prenant chair), si elle correspond à un mépris du corps et de la matière qui peut faire penser à une thèse gnostique.
Pour conclure, je ne résiste pas au plaisir de citer un texte qui montre que ni les attitudes, ni les arguments n’ont profondément changé avec le temps :
«
Acace de Mélitine travaillait d’un autre coté à faire quitter Nestorius ses mauvais sentiments. Celui-ci parut touché des raisons d’Acace, qui était son ami particulier, et témoigna vouloir suivre son conseil. Mais dix ou douze jours après, s’étant trouvé dans un entretien où Acace soutenait la doctrine de l’Eglise, il entreprit de la combattre ; et par une question captieuse, il tâcha de l’obliger à dire ou que le Fils unique du Père ne s’était point fait homme, ou que le Père et le Saint Esprit s’étaient incarnés aussi bien que lui.
Un des évêques du parti de Nestorius s’efforça même d’excuser les juifs, soutenant que le crime qu’ils avaient commis n’était pas contre Dieu, mais contre un homme. Un autre prit la parole pour dire que le Fils qui avait souffert la mort était différent du Verbe de Dieu. Acace ne pouvant souffrir ce blasphème, quittant la compagnie en témoignant la douleur qu’il ressentait de l’injure faite à son Créateur. Le même jour, qui paraît avoir été le 19ème juin, Nestorius, en présence de Théodote d’Ancyre et de plusieurs autre évêques qui montraient par l’autorité de l’Ecriture que c’est Dieu même qui est né de la sainte Vierge selon la chair, proféra cette parole impie : « Pour moi, je ne saurais dire qu’un enfant de deux ou trois mois soit Dieu, ni me résoudre à adorer un enfant nourri au lait, ni donner le nom de Dieu à celui qui s’est enfui en Egypte.3 Il sortit de cette assemblée en déclarant qu’il ne voulait plus se trouver avec ceux qui soutenaient les sentiments de l’Eglise, et qu’il se lavait les mains de l’impiété où il prétendait qu’ils étaient ; de sorte que depuis ce temps-là les évêques qui étaient venus au concile se séparèrent en deux, Nestorius et saint Cyrille s’assemblant chacun à part, avec ceux qui étaient de leur sentiment, ou qui paraissaient en être. »
L'ouverture du concile eu lieu le 22 juin et Nestorius invité dans les formes à trois reprises ne voulut jamais s'y rendre. Sa garde repoussa toute tentative de contact direct par les émissaires du concile.