Espace public et laïcitéLe mouvement tiendra un stand au Molard. La Ville souhaitait interdire toute manifestation religieuse, la justice l’en a empêchée.

Nul ne saurait dire si des extraterrestres poseront leurs soucoupes en ville le 2 avril. Mais les raéliens, eux, seront bien présents samedi prochain dans les Rues-Basses. Le temps d’un après-midi, ces disciples de créatures venues de loin installeront leur stand d’information au Molard pour célébrer le «E.T. Embassy Day». Convaincu de l’arrivée prochaine d’une civilisation extraterrestre, le mouvement milite pour la construction d’une ambassade à la hauteur de l’événement.
Plaintes de citoyens
Au-delà des croyances, l’occupation de l’espace public par un mouvement qui se définit comme «une religion athée» ravive la question du prosélytisme dans l’espace public. Car la venue des raéliens fait suite à la polémique qui a secoué le bitume genevois en 2014.
A deux reprises, des plaintes étaient adressées à la Ville de Genève, chargée de délivrer les autorisations pour la tenue de stands. Dans le premier cas, c’est la distribution de Corans à Plainpalais qui a suscité de vives réactions. Dans l’autre, la présence d’un drapeau d’un groupe djihadiste a conduit la Ville à intervenir. «Il s’est avéré que la personne qui avait fait la demande était inconnue au sein de la communauté religieuse qu’elle prétendait représenter», se souvient Antonio Pizzoferrato, chef du Service de la sécurité et de l’espace publics (SEEP).
L’incident allait entraîner une révision des critères d’attribution par la Municipalité. A la fin de 2014, le SEEP décidait ainsi de ne plus mettre l’espace public à disposition des mouvements religieux, toujours plus nombreux à déposer des demandes. Seules exceptions: les manifestations liées au calendrier liturgique.
La Ville désavouée
Mais, dans la foulée du nouveau règlement, plusieurs communautés religieuses, des Témoins de Jéhovah au Réseau évangélique suisse, ont saisi le Tribunal administratif. Et leur recours a été accepté par les juges qui ont condamné la mesure du SEEP, jugée disproportionnée et contraire à la liberté religieuse. Pour le Tribunal, la Ville de Genève ne peut «interdire systématiquement» les stands religieux, sauf «intérêt public supérieur».
En conséquence, son service chargé de délivrer les autorisations est revenu à ses pratiques antérieures, dans l’attente de l’entrée en vigueur de la loi cantonale sur la laïcité. Selon le texte actuellement en consultation, l’autorité devrait appliquer les dispositions relatives aux manifestations sur le domaine public. Peu ou prou, c’est à ce principe que se réfère la Ville de Genève lorsqu’il s’agit de délivrer des autorisations. «Nous pourrions refuser une autorisation en cas de menace à l’ordre public», informe Antonio Pizzoferrato.
Avec les raéliens, ce n’est manifestement pas le cas. Les amis des OVNI (qui n’ont pas répondu à nos appels) pourront donc distribuer leurs tracts et leur vision de l’humanité aux passants. A moins que les tant attendues soucoupes n’arrivent à ce moment-là. Le cas échéant, on imagine qu’ils iront accueillir comme il se doit les extraterrestres qui, selon eux, «ont créé scientifiquement toute forme de vie sur terre.»
Tribune de Genève