Le 11 septembre a déclenché un processus mondial tant au niveau du politique qu’au niveau culturel. Au niveau politique, cette date est considérée comme le jour 1 des relations internationales actuelles. Au niveau de la polémique et des discours , il a été à l’origine d’un resurgissement de discours essentialistes qu’on a cru dépassés mais qui restent en fait très présents dans les schèmes de pensée très contemporaines.
Un discours extrémiste en appelant un autre ; une intolérance en créant une autre, nous voici entraînés dans une spirale sans fin où la pure tradition renaniste donne la légitimité aux dérapages wahabites.
Paradoxalement, les deux discours qui s’affrontent jouissent pourtant des mêmes caractéristiques :
1°) la superficialité
2°) la binarité
3°) la subjectivité.
Au centre de cette polémique de combat se trouve pris en otage le concept de « démocratie » ; ses amis prétendus le maltraitant encore plus que ses ennemis supposés.
Si d’un côté on juge la démocratie comme le remède miracle et instantané seul susceptible de guérir l’Islam de sa barbarie « naturelle » et légitimement imposable donc ; de l’autre, la démocratie est une hérésie et un modèle politique de mécréants qui ne peut convenir à des sociétés islamiques et qu’on doit combattre impérativement.
Si d’un côté l’Islam est l’ennemi de la femme, des libertés, de l’Histoire et de la Démocratie ; de l’autre la démocratie est l’ennemi de Dieu et du genre humain.
La gravité de l’affrontement idéologique au sujet de la démocratie est d’autant plus sérieuse qu’elle n’est que l’expression verbale de deux réalités subversives.
D’un côté nous avons une volonté de puissance qui n’a jamais disparu avec la décolonisation et qui revient en force au nom de la démocratie et de l’antiterrorisme. De l’autre côté nous avons le repli identitaire, effet universel de la mondialisation qui se fait chez les peuples musulmans au nom d’un dogme statique perçu comme le seul roc dans un monde délétère et mouvant. Dans cet affrontement idéologique, donc, le débat sur la démocratie est plus instrumentalisé que jamais et se transforme en une prise de becs qui n’aboutit nulle part.
Dans une ambiance survoltée et devant une politique internationale inique, il ne peut y avoir d’avancée. Le débat est biaisé à plusieurs niveaux et au départ déjà :
- Ceux qui défendent l’incompatibilité de l’Islam avec la démocratie partent du principe qu’ « il y a tout dans le Coran ».Ils restent prisonniers d’une certaine lecture littéraliste dont le monde musulman est gravement atteint car elle est issue d’un héritage juridoco-politique corrosif mais bien assis dans les consciences, voire les subconsciences.
La politique américaine de « démocratie nescafé » (formule de Octavio Paz) ne fait qu’exacerber l’idée que la démocratie est un système démoniaque qui sert à endormir l’esprit combatif des peuples. L’attitude des américains provoque ce que Jocelyne Cesari appelle le « syndrome de la citadelle protégée » ; la démocratie est perçue par les peuples concernés comme un concept ennemi. - Ceux qui défendent la non compatibilité de l’Islam dans la démocratie le font non pas dans un esprit d’analyse mais dans un esprit qui réduit l’Islam à ses extrêmes et le jette au bûcher sans procès.
En général dans ces approches essentialistes, la démocratie est transcendante à toute dimension historique et à toute critique et l’Islam est un bloc obscurantiste qui n’a rien à proposer puisqu’il reste bloqué dans ses archaïsmes.
Il s’agira donc dans cette intervention de nous poser la question de savoir dans quelle mesure l’Islam est-il compatible avec la démocratie ou pas. Sachant que l’intérêt des participants aujourd’hui se porte plus sur les possibilités de l’Islam que sur les hiatus de la Démocratie, nous ne retiendrons que l’aboutissement positif du processus historique de cette dernière.
L’islam peut-il cohabiter avec la démocratie ; cette expérience mûrie après bien des déboires ; cette façon de gérer des sociétés complexes dans un état de droit.
Je ne m’arrêterai point sur les exemples contemporains de pays qui semblent prouver que islam et démocratie ne sont pas antinomiques mais m’appuierai plutôt sur l’idée que l’autocratie semble être une norme dans le monde arabo-musulman.
Je préfère remonter aux sources théoriques car le recours au référentiel et à son histoire est un moyen efficace de mieux comprendre l’origine de cette analogie…
L’Islam légitime-t-il l’autocratie ?
a) en théorie
Lorsque nous nous penchons sur les théories du Pouvoir véhiculées par la jurisprudence musulmane, force est de constater que l’autocratie y trouve bien sa légitimité :de Ibn Hanbal à ibn Taymya en passant par al Mawardi , la nature du pouvoir autocratique n’est jamais remise en question .
b) dans la pratique
La majorité des pays musulmans vivent sous le joug de l’autocratie qu’elle soit déguisée en République ou bien l’expression d’une Monarchie de droit divin. Les greffes démocratiques et les liftings démagogiques ne feront pas oublier la nature profonde des pouvoirs qui sévissent actuellement dans le monde musulman.
Ghassan Salamé, politologue de renommée, dit si justement : « quelle fragilité interne aux sociétés musulmanes les met-elle ainsi sur le qui-vive , les poussant à confondre le besoin compréhensible d’autorité avec la compromission , la collaboration avec toute sorte d’autoritarisme ? »
Les analystes les plus chevronnés n’ont pas établi la rupture épistémologique nécessaire pour comprendre cette profonde aliénation qui trouve son origine au moment crucial de l’usurpation du pouvoir par les ommeyades . Ils semblent ne point détecter cette rupture pourtant majeure et présentent en général l’autoritarisme comme le dénouement naturel de l’enseignement islamique. Quel était donc la nature du pouvoir au temps du Prophète et des calife éclairés ? Etait-il plus proche du système démocratique ou de l’autocratique ?
Le pouvoir au temps du Prophète
Nos sources vues sous un angle autre que les discours officiels qui servent à légitimer les pouvoirs officiels nous permettent de dégager des principes de base
a) la philosophie du pouvoir
1. la profession de foi islamique est en soi libératrice et a été perçue par les tyrans comme un slogan des plus subversifs ; il n’y a d’autre Dieu que Dieu signe la fin des despotismes.
2. L’unicité de la communauté est le symbole de l’unicité de Dieu.
3. Le Coran est une source de loi mais il n’était pas considéré comme une constitution puisque la communauté de Médine a jugé nécessaire d’en adopter une autre basée sur l’effort de réflexion déjà aux premiers temps.
b) la pratique du pouvoir
La constitution de Médine (sahifate al Madina) a été la première constitution politique de l’Histoire. De façon très schématisée, on peut en dégager les principes suivants
1. le consensus
2. la consultation (choura)
3. la séparation des pouvoirs (développée au temps de Omar , deuxième calife)
4. la décentralisation
5. la citoyenneté des juifs et la garantie de leur liberté de culte et d’organisation.
6. la représentativité (le système de woufoud)
La pratique des califes éclairés verra l’évolution de ces options politiques ; perfectionnement qui permettra de dégager deux points essentiels
- le choix des gouvernants ne pouvait être que le résultat d’un contrat synallagmatique (la beia )
- les gouvernants étaient révocables et avaient des comptes à rendre aux gouvernés.
Il est vrai qu’il s’agissait d’une société qui n’était pas encore complexe mais il est évident que tous les éléments étaient là pour qu’un véritable système démocratique voie le jour et se développe.
Il est clair aussi que le principe de l’ijtihad nous permet d’emprunter toutes les techniques modernes d’améliorer la gestion de nos sociétés complexes actuelles.
Si nous nous ressourçons dans la pratique de la communauté de Médine, rien ne nous permet de déceler les germes d’une autocratie voire dune théocratie puisque le Coran garantit la souveraineté populaire et le choix de la communauté.
Alors que s’est-il passé ?
Le coup d’état ommeyade
Les initiés connaissent les grands schismes qu’a vécu l’Islam lorsque Moawya , un des compagnon du Prophète usurpa le Pouvoir en se basant paradoxalement sur l’état de droit encore balbutiant et par la manipulation de l’opinion publique médinoise. Il profita de la grande émotion produite par le meurtre de son prédécesseur pour faire basculer le choix en sa faveur et en la défaveur de Ali. Le pouvoir obtenu par la ruse sera maintenu par la force. D’un pouvoir « démocratique » et d’une « res publica », chose publique nous passerons à l’autocratie héréditaire la plus évidente.
Les ommeyades dénatureront le pouvoir et nous laisseront marqués à jamais par cette époque. Ils procédèrent à un inversement total de la dynamique de libération instaurée par le Prophète et les quatre califes éclairés et leur réussite est due manifestement au fait que la société arabe n’était pas encore guérie de ses penchants tribaux . Ils usèrent donc de trois moyens essentiels pour arriver à leur fin.
1°) le verrouillage idéologique
Avec la complicité consciente ou inconsciente d’une certaine jurisprudence, la manipulation des textes permit un transfert de la sacralité. D’une souveraineté populaire sacrée nous passerons à la sacralité des personnes qui sont au pouvoir et de leur progéniture…Ce transfert se fera grâce à la manipulation de versets coraniques, de certains enseignements du Prophète qui laissaient la part aux interprétations … Ce verrouillage prendra l’aspect d’une propagande assidue et d’un matraquage continu notamment à l’encontre de Ali, symbole de la légitimité du Pouvoir. L’appropriation de l’espace très symbolique de la mosquée et du prêche du vendredi permettra la corrosion des consciences et l’enracinement dans ces consciences que l’autocratie est la norme.
2°) mise en place de réseaux d’influence
Commencée déjà à l’ère de Othman, illustre prédécesseur de Ali, la mise en place de ces réseaux sera poursuivie et se basera sur le lien du sang mais aussi par le financement d’agents politiques actifs et motivés.
3°) la terreur
De grandes figures de proue de la torture servirent l’usurpation du pouvoir des ommeyades et les pages sombres de cette terreur systématique ne peuvent qu’assombrir l’image de l’Islam puisqu’elle a été perpétrées au nom de celui-ci.
Pour nous il est impératif de lever le voile et d’éduquer les consciences afin de décadenasser notre façon de penser le pouvoir car le système ommeyade réussit si bien que maintenant encore il est tabou de soulever cette polémique dans le monde sunnite tandis que dans le monde chiite, la réaction est épidermique et l’on se réfugie dans un autre genre d’autocratie, celle spirituelle et virtuelle des imams qui reviendront …
Conclusion :
L’Islam et la Démocratie sont très compatibles mais à deux conditions
1) que la rencontre entre les deux ne se fasse pas dans le cadre d’une logique de politique d’invasion
2) que nos peuples se libèrent de leurs carcans idéologiques en remontant aux sources historiques dans un esprit critique et en se débarrassant de pouvoirs qu’ils n’ont pas choisis et des scories théoriques.
Par Nadia Yassine, le 18/06/2005
http://nadiayassine.net/fr/service/whoisshe.htm[/quote]
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Ecrit le 06 oct.06, 20:51- jusmon de M. & K.
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Re: A lire... et réfléchir.
Ecrit le 06 oct.06, 21:32Bonjour monsieur Simplement.
Trop long à lire...
Pourriez-vous nous faire un résumé?
Trop long à lire...
Pourriez-vous nous faire un résumé?
"Ils étaient frappés de sa doctrine ; car il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes." (Marc 1:22).
Le christianisme enfin expliqué:
http://www.forum-religion.org/post641487.html#p641487
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Re: A lire... et réfléchir.
Ecrit le 07 oct.06, 01:05Cela faisait longtemps tiens que tu n'avais pas mis au grand jour ta paresse intellectuellejusmon de M. & K. a écrit :Bonjour monsieur Simplement.
Trop long à lire...
Pourriez-vous nous faire un résumé?

- Mickael_Keul
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