"Personne n’a jamais vu une espèce nouvelle évoluer"
Cette objection tombe à plat, puisqu’il suffit de mettre des faits en cohérence pour que l’évolution soir crédible. Plus personne aujourd’hui n’a vu la bataille d’Austerlitz. Pourtant, ce que nous savons de cette bataille tient à des restes, vestiges et documents écrits que nous devons articuler entre eux pour les comprendre. C’est la mise en cohérence maximale de faits isolés qui permet de penser cette bataille en tant que trame interprétative générale. Pourtant, personne n’irait remettre en cause la crédibilité de cet événement sous prétexte que plus personne n’y était. Personne n’irait dire que la bataille d’Austerlitz n’est qu’une théorie. Et pourtant, en quelque sorte, c’en est une.
Deuxièmement, cette objection est tout simplement fausse. L’apparition de nouvelles espèces en période historique a été de nombreuses fois documentée, c’est-à-dire, pour reprendre les termes de l’objection, l’évolution d’une espèce en une autre. Par exemple, on a pu observer que des remaniements chromosomiques chez des souris tunisiennes provoquaient des isolements reproducteurs et donc la naissance de nouvelles espèces, l’espèce descendante vivant au même endroit que la parente. L’hybridation naturelle entre deux types de tournesols identifiés comme espèces distinctes produisit une descendance qui ne pouvait plus se croiser avec les tournesols ancestraux, réalisant ainsi une nouvelle espèce. Cette expérience a même pu être reproduite en laboratoire. A partir d’une souche des années 1950, des mouches du vinaigre (drosophiles) ont été reproduites dans des laboratoires durant cinquante ans dans des conditions stables et pures. Pendant ce temps, les descendants restés dans la nature continuèrent à évoluer de leur côté. Lorsqu’il s’est agi de croiser, cinquante ans plus tard, les descendants domestiques restés «purs» et les descendants naturels, ce croisement fut rendu impossible par l’invasion génétique d’éléments génétiques dits «P» dans les populations naturelles. Les populations naturelles avaient tellement changé qu’elles étaient devenues, en quelque sorte, une autre espèce au regard de la souche originelle restée, elle, préservée de ces événements au laboratoire.
http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosevol/ ... ntre7.html