Vous voudrez bien me pardonner un excès de prudence, mais je préfère ne rien dire que de dire ce qui n'est pas vérité. Mes connaissances dans le domaine sont plutôt embryonnaires, il faut le dire; mais je vais essayer quand même d'apporter quelques éclaircissements.
Nova a écrit :Ne devrions-nous pas répéter le baptême pour les mêmes raisons ? D'autant que le baptême est donné bien souvent à des bébés qui n'ont rien demandé et qui, à leur âge, sont inconscients de ce qu'il signifie ? Est-ce le baptême ou l'eucharistie qui apporte la vie éternelle ?
Le baptême est le sacrement par lequel un être humain entre dans le corps mystique du Christ qui est l'Église.
1227 Selon l’apôtre S. Paul, par le Baptême le croyant communie à la mort du Christ ; il est enseveli et il ressuscite avec lui :
Baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que tous nous avons été baptisés. Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle (Rm 6, 3-4 ; cf. Col 2, 12).
Les baptisés ont " revêtu le Christ " (Ga 3, 27). Par l’Esprit Saint, le Baptême est un bain qui purifie, sanctifie et justifie (cf. 1 Co 6, 11 ; 12, 13).
1228 Le Baptême est donc un bain d’eau en lequel " la semence incorruptible " de la Parole de Dieu produit son effet vivificateur (cf. 1 P 1, 23 ; Ep 5, 26). S. Augustin dira du Baptême : " La parole rejoint l’élément matériel et cela devient un sacrement " (ev. Jo. 80, 3).
On ne peut devenir qu'une seule fois membre du corps de l'Église. Toutefois, il est évident que la foi faiblit en l'homme, à cause de son péché, et l'Église prend soin de nous rappeler chaque année, maintes fois, surtout à Pâques, nos engagements baptismaux. C'est pourquoi l'on asperge souvent d'eau bénite les fidèles, à la messe dominicale. Mais cela ne constitue qu'un rappel, et n'est pas un sacrement.
L'Eucharistie est tout autre, ne fût-ce que parce qu'elle ne consiste pas en un mouvement de l'Homme vers Dieu, comme le baptême, mais un mouvement de Dieu vers l'Homme. Rien dans la nature de ce sacrement n'implique qu'il ne doive être reçu qu'une seule fois, bien qu'une seule fois pourrait suffire. Or l'effet principal du Sacrement est de rendre présente la grâce en nous, et nous sommes libres de tuer la grâce en nous: il semble donc convenir que ce sacrement doive être célébré fréquemment, de manière à vivifier perpétuellement la foi des croyants. Saint Thomas d'Aquin a bien sûr étudié la question en détail, si vous avez la patience de le lire:
Article 10 :
Faut-il recevoir ce sacrement quotidiennement ?
OBJECTIONS
1.
Ce sacrement représente la passion du Seigneur, comme le baptême. Or, il n’est pas permis de se faire baptiser plusieurs fois, mais une fois seulement, parce que " le Christ est mort pour nos péchés, une fois seulement " (1 P 3, 18). Il semble donc qu’il n’est pas permis de recevoir ce sacrement quotidiennement.
2.
La réalité doit correspondre à la figure. Mais l’agneau pascal, qui fut la principale figure de ce sacrement, comme nous l’avons dit, n’était mangé qu’une fois par an. C’est aussi une fois par an que l’Église célèbre la passion du Christ, dont ce sacrement est le mémorial. Il apparaît donc qu’il n’est pas permis de manger ce sacrement quotidiennement, mais seulement une fois par an.
3.
Ce sacrement, dans lequel est contenu le Christ tout entier, mérite le plus grand respect. Lorsqu’on s’abstient de ce sacrement, cela procède du respect. Aussi donne-t-on des louanges au centurion qui a dit (Mt 8, 8) : " Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit ", et à S. Pierre qui a dit (Lc 5, 8) : " Éloigne-toi de moi, Seigneur, parce que je suis un homme pécheur. " Il n’est donc pas louable de recevoir quotidiennement ce sacrement.
4.
S’il était louable de recevoir souvent ce sacrement, plus on le recevrait souvent, plus ce serait louable. Et on le recevrait plus souvent si on le recevait plusieurs fois par jour. Il serait donc louable de communier plusieurs fois par jour. Cependant la coutume de l’Église ne l’admet pas. Il ne parait donc pas louable de recevoir quotidiennement ce sacrement.
5.
Par ses lois, l’Église veut pourvoir à l’utilité des fidèles. Mais, par la loi de l’Église, les fidèles ne sont tenus à communier qu’une fois par an. C’est pourquoi il est dit dans la décrétale sur la pénitence et le pardon : " Tout fidèle, de l’un et l’autre sexe, doit recevoir avec respect le sacrement d’eucharistie au moins à Pâques ; à moins que, sur le conseil de son propre prêtre, pour un motif raisonnable, il ne juge qu’il doit temporairement s’abstenir de sa réception. " Il n’est donc pas louable de recevoir ce sacrement quotidiennement.
En sens contraire, S. Augustin dit : " Ce pain est quotidien, reçois-le quotidiennement, pour qu’il te profite quotidiennement. "
RÉPONSE
Au sujet de l’usage du sacrement, on peut se placer à deux points de vue.
Le premier à l’égard du sacrement lui-même, dont la vertu est salutaire aux hommes. C’est pourquoi il est utile de le recevoir quotidiennement, pour en percevoir quotidiennement le fruit. Aussi S. Ambroise dit-il : " Si, chaque fois que le sang du Christ est répandu, il est répandu pour la rémission des péchés, je dois toujours le recevoir ; moi qui pèche toujours, je dois toujours prendre ce remède. "
On peut aussi considérer l’usage du sacrement à l’égard du communiant, de qui l’on exige qu’il s’approche de ce sacrement avec beaucoup de dévotion et de respect. Et c’est pourquoi, si quelqu’un se trouve chaque jour bien préparé, il est louable qu’il le reçoive chaque jour. Aussi S. Augustin, après avoir dit : " Reçois-le pour qu’il te profite quotidiennement ", ajoute-t-il : " Vis de telle sorte que tu mérites quotidiennement de le recevoir. " Mais, parce que très souvent, chez la plupart des hommes, surgissent beaucoup d’obstacles à cette dévotion, par suite d’une mauvaise disposition du corps ou de l’âme, il n’est pas avantageux à tous les hommes d’accéder quotidiennement à ce sacrement, mais aussi souvent qu’on s’y jugera préparé. Aussi est-il dit, dans le livre des Croyances ecclésiastiques : " je ne loue ni ne blâme la communion quotidienne. "
SOLUTIONS
1.
Par le sacrement de baptême, l’homme est configuré à la mort du Christ dont il reçoit le caractère ; et c’est pourquoi, de même que le Christ " est mort une fois pour toutes ", de même l’homme ne doit être baptisé qu’une seule fois. Or, par notre sacrement, l’homme ne reçoit pas le caractère du Christ, mais le Christ lui-même, dont la vertu demeure toujours. Aussi est-il dit (He 10, 14) : " Par une offrande unique, il a rendu parfaits pour toujours ceux qu’il a sanctifiés. " Et c’est pourquoi, parce que l’homme a quotidiennement besoin de la vertu salutaire du Christ, il peut avantageusement recevoir chaque jour ce sacrement.
Et parce que le baptême est principalement une régénération spirituelle, de même que l’homme ne naît qu’une fois selon la chair, il doit renaître une seule fois selon l’esprit, comme le dit S. Augustin sur le texte de S. Jean (3, 4) : " Comment peut-on renaître quand on est vieux ? " Tandis que notre sacrement est une nourriture spirituelle ; aussi, de même qu’on prend quotidiennement la nourriture corporelle, de même est-il louable de prendre quotidiennement ce sacrement. Aussi le Seigneur nous enseigne-t-il à demander (Le 11, 3) : " Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien. " Ce que S. Augustin explique ainsi : " Si tu reçois quotidiennement " ce sacrement, " quotidiennement, pour toi c’est aujourd’hui ; pour toi le Christ ressuscite quotidiennement : car c’est aujourd’hui, quand le Christ ressuscite ".
2.
L’agneau pascal fut la figure principale de ce sacrement quant à la passion du Christ, que ce sacrement représente. Et c’est pourquoi on ne le mangeait qu’une fois par an, car " le Christ est mort une seule fois ". Et c’est pour cette raison aussi que l’Église ne célèbre qu’une fois par an la mémoire de la passion du Christ. Mais dans ce sacrement le mémorial de la passion du Christ nous est livré par mode de nourriture, et la nourriture se prend quotidiennement. Et c’est pourquoi, à cet égard, l’eucharistie était préfigurée par la manne, que le peuple recevait quotidiennement au désert.
3.
Le respect envers ce sacrement comporte de la crainte jointe à l’amour ; c’est pourquoi la crainte respectueuse envers Dieu est appelée crainte filiale, comme on l’a vu dans la deuxième Partie. C’est l’amour, en effet, qui provoque le désir de prendre le sacrement, tandis que la crainte engendre l’humilité de révérence. Ce qui fait dire à S. Augustin : " Celui-ci peut dire qu’il ne faut pas recevoir l’eucharistie quotidiennement, tandis que celui-là affirme le contraire ; que chacun fasse ce qu’il juge, dans sa bonne foi, devoir faire avec piété. Car il n’y a pas eu de dispute entre Zachée et le centurion, alors que le premier se réjouissait de recevoir le Seigneur, tandis que le second disait : "je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit" : tous deux ont honoré le Seigneur, quoique ce ne fût pas de la même façon. " Cependant l’amour et l’espérance, auxquels la Sainte Écriture nous excite toujours l’emportent sur la crainte. Aussi, quand Pierre disait : " Éloigne-toi de moi, Seigneur, parce que je suis un homme pécheur ", Jésus répondit-il: " Ne crains point. "
4.
Parce que le Seigneur a dit : " Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien ", il ne faut pas communier plusieurs fois par jour, afin qu’au moins, du fait que l’on communie une seule fois par jour, soit représentée la passion du Christ, qui est unique.
5.
Des décisions diverses ont paru selon les divers états de l’Église. Car, dans la primitive Église, lorsque la dévotion de la foi chrétienne était plus forte, il fut décidé que les fidèles communieraient quotidiennement. Aussi le pape Anaclet dit-il : " Après la consécration, que tous communient, s’ils ne veulent pas se mettre hors des frontières de l’Église : car c’est ainsi que les Apôtres en ont décidé, et c’est l’usage de la sainte Église romaine. " Ensuite, la ferveur de la foi ayant baissé, le pape Fabien concéda " que tous communient, s’ils ne le peuvent plus fréquemment, au moins trois fois par an, à Pâques, à la Pentecôte, et à la Nativité du Seigneur ". Le pape Soter dit qu’il faut aussi communier le Jeudi saint, en la Cène du Seigneur, ce qu’on trouve dans la décrétale sur la Consécration.
Mais ensuite " la charité d’un grand nombre se refroidit, à cause de l’abondance des péchés ", et Innocent III décida que tous les fidèles devaient communier " au moins une fois l’an, à Pâques ". Mais dans le livre des Croyances ecclésiastiques, il est conseillé " de communier tous les dimanches ".