medico a écrit :On trouve l’une des premières professions de foi chrétienne non bibliques dans un livre composé de 16 courts chapitres et intitulé la Didachè, ou Enseignement des Douze Apôtres. Certains historiens font remonter la rédaction de cet ouvrage aux environs de l’an 100, ou même avant. Son auteur est inconnu
.
La Didachè traite de choses que les gens auraient besoin de savoir pour devenir chrétiens. Dans son chapitre 7, reprenant les paroles de Jésus rapportées en Matthieu 28:19, elle prescrit de baptiser “au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit
”. Mais elle ne dit aucunement que le Père, le Fils et l’esprit saint sont égaux en éternité, en puissance, en position et en sagesse.
Dans L’influence des idées grecques sur le christianisme (angl.), Edwin Hatch cite le passage précédent et dit:
“À l’origine, dans la sphère d’influence du christianisme, il ne semble pas que l’on soit allé bien au delà de ces conceptions toutes simples. La doctrine sur laquelle on insistait était que Dieu est, qu’Il est un, qu’Il est tout-puissant et éternel, qu’Il a fait le monde, que Sa miséricorde est sur toutes Ses œuvres. On n’avait aucun goût pour la discussion métaphysique [5].”
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La Didachè et l’Église primitive, Émile Besson, page 25
Justement suite à ce qu'avance Edwin Hatch, on peut s'appesantir sur un point à mon avis essentiel. Tu as mis le doigt dessus medico, mais tu ne l'a pas creusé. Pour la Didakhè, n'oublions pas de mentionner cette donnée importante:beaucoup la date de 96, ce qui est encore considéré comme traditionnellement l'ère apostolique (vu que Jean meurt vers 100)...
C'est donc un document de première main. Reprenons le passage traitant du baptême: "... Pour le baptême, procédez de la sorte: au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, dans une eau vive. Si tu n'as pas d'eau vive, baptise d'une autre eau; à défaut d'eau froide, prends de l'eau chaude. Si tu n'as assez ni de l'une ni de l'autre,
verse trois fois de l'eau sur la tête, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ..." (Didakhè 7v1-3)
Baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, c'est faire écho au texte évangélique même: "... Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ..." (Matthieu 28v19). Un texte de 96 qui confirme les propos d'un verset évangélique considéré par certains comme rajouté, en dit long sur l'ancienneté du verset en question, et finalement plaide en faveur de son existence dans l'Évangile de Matthieu à l'époque apostolique elle-même. Enfin passons, ce n'est pas le sujet... Ce que je veux ici faire remarquer, c'est que ce baptême où la toute puissance de Dieu apparaît comme un trias (étym. "groupe de trois"), fait écho à la bénédiction trine de la gloire de Dieu mentionnée en Isaïe, le plus grand des prophètes messianiques: "... Saint, saint, saint est Yahvé Sabaot ..." (Isaïe 6v3).
Sachant cela, on peut comprendre que le texte des Pères de la Didakhè témoigne que la gloire de Dieu ne prend tout son sens dans la rédemption de l'homme qu'avec un baptême où par trois fois l'homme est confié à la miséricorde divine. D'où la forme de ce baptême qui permet de magnifier l'Amour de Dieu dans sa toute puissance, au bénéfice de l'homme sauvé.
Les Pères de la Didakhè perçoivent également que Dieu ne prend sa pleine signification que sous cet angle, avant même que toute réflexion théologique soit réellement amenée sur le sujet de la Trinité. Pourquoi? Parce que Dieu l'a laissé sous-entendre déjà au peuple hébreu même: "... Puis il dit: 'Emplissez quatre jarres d'eau et versez-les sur l'holocauste et sur le bois'; il dit: 'Doublez', et ils doublèrent; il dit:
'Triplez', et ils triplèrent. L'eau se répandit autour de l'autel et même le canal fut rempli d'eau. A l'heure où l'on présente l'offrande, Élie le prophète s'approcha et dit: '
Yahvé, Dieu d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, qu'on sache aujourd'hui que tu es Dieu en Israël, que je suis ton serviteur et que c'est par ton ordre que j'ai accompli ces choses ..." (1 Rois 18v34-36). Tout comme l'eau du baptême, il faut que l'eau des jarres soit versée en trois temps sur l'holocauste, pour qu'Élie se permette d'invoquer Dieu dans sa toute puissance, et s'humilie devant Dieu qui se manifeste en vérité. De même, par trois fois l'eau du baptême se doit d'être versée sur le futur chrétien, pour que Dieu se révèle dans toute sa dimension spirituelle aux prières de son cœur, et que le salut soit pleinement signifié...
Alors d'accord pour dire que "... La doctrine sur laquelle on insistait était que Dieu est, qu’Il est un, qu’Il est tout-puissant et éternel, qu’Il a fait le monde, que Sa miséricorde est sur toutes Ses œuvres ...",
mais il est tout cela parce qu'Il ne se révèle pas sans trias, à l'exemple du témoignage d'Élie, pour que Sa vérité apparaisse dans le cœur des hommes qui se confient à Lui. Le baptême de la Didakhè témoigne de cela. Il est d'une certaine manière vrai qu'on n’avait aucun goût pour la discussion métaphysique, mais la base nécessaire à la compréhension du mystère trinitaire est déjà là. Il y avait déjà tant de trésors à creuser et découvrir, et comprendre déjà cela dès le premier siècle, c'est beaucoup... Les Pères de la Didakhè ont été de vrais pionniers. Et c'est un trésor spirituel dont ces Pères, comme d'autres, avaient déjà la clef!...
"... La sanctification et la déification des anges et des hommes, c'est la connaissance de la Trinité sainte et consubstantielle ..." (Saint Thalassius l'Africain, "Première Centurie", 100)