Bonjour à toutes et à tous,
J'm'interroge a écrit : 19 mai25, 10:11
… une même bestiole
ontologiquement parlant ? …, et non une
réalité ontologique autre qui passerait par ces états. … deux configurations d'une même
chose ou d'un même
être qui existerait en
réalité… … à croire qu'il y aurait "quelque
chose" qui changerait, bougerait ou évoluerait. … Réelle, elle ne peut pas l'être, et on peut le savoir, car le supposer c'est supposer qu'une même
chose peut être différente, ce qui est absurde.
De même que j’ignore ce que vous entendez par "
entité", je peine à vous suivre quand vous parlez de "
chose".
Je crois comprendre que, pour vous, une "
chose" ne correspond à aucune réalité ontologique, mais votre "
spécimen" ne fait pas mieux.
Il serait en effet audacieux de poser l’existence de n'importe quoi sur le plan ontologique.
Néanmoins vous semblez attribuer certaines caractéristiques à cette abstraction au point d’affirmer que si la "
chose" change alors elle n’est plus la même. Votre attribution est-elle le reflet d'une caractéristique ontologique ?
J'm'interroge a écrit :Toi tu affirmes P et non P, ce qui en toute logique est contradictoire et donc faux.
Non, je ne parle pas de proposition logique, j’affirme seulement que les deux phrases "
P est vraie" et "
P est fausse" ont, chacune, leur domaine de vérité.
Nous ne sommes pas dans l’univers Bisounours de la logique pure où P existerait en soi et devrait par conséquent être absolument vraie.
Nos énoncés ne sont rien d’autres que des proclamations concernant non pas un réel ontologique mais notre représentation d’un réel
hypothétique. Et bien peu de proclamations peuvent être considérées comme absolument vraies.
En toute rigueur, la plupart sont fausses mais beaucoup gardent toute leur pertinence. Autrement dit, l’intérêt de nos proclamations est leur domaine de pertinence.
«
E = Mc² » n’est pas absolument vraie, son domaine de vérité dépend du quadrivecteur d’énergie-impulsion.
Et même en maths on peut s’amuser avec des énoncés comme «
En base 10, 1 + 1 = 10 » qui n’est pas nécessairement fausse à l’écrit mais souvent fausse à l’oral. Son domaine de pertinence est intéressant...
Dans l’univers des propositions langagières qui expriment nos représentations, une chose ne change pas d’un certain point de vue mais ne cesse de changer d’un autre point de vue.
Dans le même esprit, on peut dire que deux choses distinctes sont les mêmes, ce qui semble antinomique, le mot "
même" est au cœur de la contradiction.
Bien sûr, on peut regretter qu’une proposition puisse être vraie d’un certain point de vue et fausse d’un autre mais comme les propositions absolument vraies sont rares, il faut se faire une raison.
J’admets très volontiers que l’ontologie est vaine mais je me demande à quoi sert le principe de refuser le changement, le mouvement, bref le "devenir", comme si le risque était énorme d’imaginer un univers en mouvement et perpétuel changement et de reconnaître humblement que toutes nos représentations approximatives n'ont qu'un domaine de pertinence réduit.
Au plan épistémologique il est possible qu’il soit prometteur de préférer parler d’un "
spécimen" et l’identifier aux «
différents états ainsi désignés », mais je crains que cette convention ne suggère qu’elle écarte des illusions au point qu'elle permette d’en savoir plus sur le réel comme si le "
spécimen" existait plus et mieux que la chose.
Quand on pointe les illusions chez autrui on laisse entendre que l’on fait preuve de davantage de lucidité.
Or pour moi la lucidité est de reconnaître que le langage est par nature abusif, il est fait d’analogies, d’approximations, de raccourcis… et rien n’indique que c’est un défaut pour celui qui en est conscient.
Si vous enfermez des glaçons dans un bocal en verre hermétiquement clos et que vous observez, ou plutôt que l’immense cohorte de tous les "
vous-même" (comment peut-on parler de vous-
même ?) observe la fusion, qu’est-ce qui leur permet de penser que le risque est grand de dire que c’est la même eau sous deux états distincts ?
Qu’est-ce qui invite à croire que ce n’est pas la même eau ? Son apparence ? Sa structure ? Les particules dont elle est composée ? Le lieu où elle se trouve ? Le temps qui passe ?
Est-ce que tous les aspects où s’exprime une différence objective sont pertinents ?
Certes, le doute est possible puisqu’aucun de vos innombrables observateurs successifs n’a observé assez longtemps et qu’une observation continue est impossible.
Mais à quoi profite ce doute ?
Ce doute ne nous dit rien du réel, que ce réel soit ontologique ou pas. Tout se passe comme si ce doute posait que l’univers est discret et non pas continu, on passe de l’analogique au digital...
Et alors ?
La vieille banalité «
On ne se baigne pas deux fois dans la même rivière » n’empêche nullement de donner à un nom propre à la rivière. On peut affirmer que l’on s’est baigné quelques fois dans la Durance.
Est-ce qu’un roman change selon le format de l'édition ?
À l'inverse, un clou est différent d’une patate.
Mais la différence entre mon glaçon et son eau liquide est-elle de même nature que la différence entre le clou et la patate ?
Il y a un réel enjeu, à mes yeux, à ne pas négliger la complexité du couple identité/différence, La traiter en tout ou rien n'aboutit à rien.
Car cette complexité est au cœur de tout processus cognitif. La connaissance n'est pas d'identifier des singletons dans une topologie discrète mais de percevoir les classes d'équivalence.
Oh, bien sûr, si l’on nourrissait l’illusion que la Durance existe en soi et qu’il y a une injection fidèle entre mes mots et des éléments du réel, cette naïveté serait embarrassante (parfois), mais pourquoi nourrir cette illusion ?
Je retiens l’idée que les mots "
entité", "
chose" et "
spécimen" sont des abstractions produites par notre rapport langagier à un réel qui nous échappe.
L’observateur, quel qu’il soit, n’observe que des événements, autrement dit il n’observe et n’étudie que le jeu complexe "identité/différence".
Notre langage se nourrit d'illusion, il faut en être conscient.
Dénoncer les illusions des autres en suggérant qu'ils n'en sont pas conscients alimente le soupçon que l'on n'est pas conscient de ses propres illusions.
Très cordialement
Votre sœur pauline