maymay a écrit :
On va tourner longtemps en rond comme ça?
Tant que tu nieras que l’existence d’un réglage implique celle d’un régleur, nous risquons effectivement de continuer à tourner en rond.
maymay a écrit :Si toute cause à une cause, pourquoi la première cause n'en aurait pas? Et, donc, etc.
Le raisonnement est invalide : toute chaîne causale implique l’existence du temps. Puisque le Big Bang représente l’origine du temps, toute sphère de causalité n’existera nécessairement qu’à partir du Big Bang.
Autrement dit, la cause première (au moment du Big Bang) ne peut avoir de cause puisqu’elle est à l’origine du temps.
maymay a écrit :
De quelle règle logique s'agit-il justement? Tu avais l'air de t'y connaître en logique, tu pourrais me dire le nom de la règle à laquelle tu penses pour pouvoir faciliter cette discussion.
Oh ce n’est pas bien compliqué, point besoin d’aller jusqu’au raisonnement déductif, inductif ou par récurrence : il s’agit tout simplement d’une implication.
La proposition A : « Un réglage existe » IMPLIQUE la proposition B : « Un régleur existe ».
A implique MECANIQUEMENT B, donc si A est vraie, alors B est vraie aussi. Cette égalité n’est réfutable que si l’on parvient à montrer que la proposition A : « Un réglage existe » est fausse ; mais à partir du moment où la proposition A est vraie, la proposition B ne peut pas être fausse.
Ainsi, si tu veux continuer à tenter de réfuter l’existence d’un régleur, tu dois t’attaquer à démontrer l’inexistence d’un réglage des lois de l’univers ; mais nier la validité de l’implication logique allant de A à B est futile parce qu’illogique.
maymay a écrit :La logique enferme en elle-même des questions éminemment philosophiques. C'est pas pour rien que bon nombres de logiciens sont philosophes, et inversement. De plus, l'histoire de la logique est ancrée dans la philosophie, et c'est pas comme si aujourd'hui elle était une science bien reconnue à part (pas entièrement). D'ailleurs, dans les universités la chaire de logique (s'il y en a) est très souvent dans le département de philosophie.
Nous sommes d’accord : il y a une forte imbrication entre la science et la philosophie, et la pratique de l’une incite souvent à la pratique de l’autre.
maymay a écrit :La science ne peut pas étudier la philosophie, l'inverse fonctionne. Il y a bien une philosophie des sciences et non une science de la philosophie. Mais même la philosophie des sciences (2e problème), ne fait pas à proprement parler de la science, et donc n'entre pas dans la visée critique de la science si je puis dire.
Certes, la science ne peut pas étudier la philosophie, mais les résultats scientifiques amènent à des IMPLICATIONS qui peuvent (et à mon avis doivent) être traitées par la philosophie. De plus, faire de la philosophie est à présent impossible sans tenir compte de ce que nous dit la science quant à la nature du monde.
J’ajoute enfin que certaines disciplines scientifiques, telles que les recherches sur la conscience par exemple, font presque autant appel à des scientifiques (les neurobiologistes) qu’à des philosophes.
maymay a écrit :
La science ne peut pas confirmer l'athéisme à proprement parler, elle peut infirmer la religion par contre, ce qui n'est pas la même chose.
Je pense la même chose, bien que rien n’interdise en théorie à la science de confirmer un jour l’athéisme ou le spiritualisme. De même, la science peut certes infirmer le spiritualisme, mais elle peut tout aussi bien infirmer l’athéisme (cela ne marche pas qu’à sens unique mon cher).
maymay a écrit :Et je n'ai pas compris le renversement de situation là, tu pourrais en dire plus?
Oui, très rapidement alors. Nous pourrons creuser le sujet si tu le souhaites, mais il faudra pour cela ouvrir un fil de discussion dédié.
- La physique a connu une véritable révolution avec l’avènement de la physique quantique pour plusieurs raisons : d’abord parce que les constituants fondamentaux de notre réalité (les particules) se sont avérés n’être en fait que des abstractions mathématiques ; ensuite et surtout parce que la découverte de la non-séparabilité remet en cause l’existence de l’espace et du temps, et qu’elle implique l’existence d’un autre niveau de réalité (« hors » espace-temps). L’influence mystérieuse qui relie deux particules en échappant à l’espace et au temps montre qu’il existe une « causalité globale » dans l’Univers qui, quelles que soient les explications envisagées, nécessite l’existence de cet autre niveau.
Nous retrouvons donc ici le point commun à toutes les traditions spirituelles : il existe un niveau de réalité immatériel hors de l’espace et du temps.
- L’astrophysique a montré que le temps et l’espace n’étaient plus absolus, mais relatifs, donc qu’ils ont une origine. Ainsi est née la théorie du Big Bang, l’idée d’un commencement du temps et de l’espace, théorie qui prend complètement à contre-pied des conceptions établies depuis 2500 ans qui, à la suite d’Aristote, affirmaient que l’univers était éternel.
De plus, l’homme avait été particulièrement désenchanté de se voir d’abord délogé de sa place centrale dans l’Univers quand il a compris que la Terre tournait autour du Soleil, puis il a découvert que le Soleil , lui aussi, n’était pas au centre du Monde, qu’il n’était qu’une étoile de banlieue située aux deux tiers de la Voie Lactée ; enfin il a vu que notre galaxie elle-même n’était qu’une galaxie banale perdue parmi les milliards de galaxies qui existent dans l’univers.
Hors, en plus d’avoir réalisé que l’univers a une origine, on a découvert via le principe anthropique que l’univers pourrait bien avoir été destiné à engendrer la vie. L’homme, sous l’éclairage de la cosmologie moderne, reprend la première place. Non pas la place centrale, dans le système solaire et dans l’univers, qu’il occupait avant Copernic, mais dans les desseins de l’univers.
- De nombreux scientifiques et philosophes basaient leur vision matérialiste du monde sur le fait que la théorie darwinienne montre que l’évolution est un processus aveugle, sans aucun sens, ne pouvant donc être le vecteur d’aucun « projet ».
Or il existe à présent de plus en plus de chercheurs qui remettent en cause ce modèle uniquement basé sur le hasard et la sélection, en l’accusant d’ailleurs souvent d’être tautologique (C’est l’être le plus adapté qui survit. Quel est l’être le plus adapté ? Celui qui survit) et non-réfutable (non poppérien).
Ce qui compte est que de nombreuses recherches tendent à montrer que la théorie darwinienne a vocation à être englobée dans une théorie plus large, théorie montrant que quels que soient les chemins suivis, l’évolution devait fatalement arriver un jour aux espèces existant actuellement, homo sapiens y compris.
On retrouve ici une interrogation parallèle à celle donnée par le principe anthropique en astrophysique où l’homme n’existerait pas par hasard, mais parce que son existence serait inscrite dans les lois de la nature.
- En neurosciences, les recherches sur la conscience ont toujours été effectuées dans un cadre conceptuel où le cerveau sécrète la conscience comme le foie sécrète la bille. La conscience serait un sous-produit du cerveau ; cerveau et conscience seraient une seule et même chose (monisme).
Et pourtant là encore, des expériences comme celles de Benjamin Libet ou celles de Mario Beauregard remettent en cause le monisme et semblent crédibiliser l’hypothèse opposée, celle postulant que le cerveau ne serait que le récepteur de la conscience, comme une radio, et que la conscience existerait donc indépendamment et au-delà du cerveau (dualisme).
Des expériences sur les NDE devraient pouvoir réfuter définitivement le monisme, si toutefois la communauté scientifique accepte de les mettre en œuvre (puisque cela pourrait aboutir à la remise en question du plus grand dogme des neurosciences).
Bref, il est loin d’être démontré que la conscience ne peut pas exister sans le cerveau, et le contraire (le dualisme) est même en passe d’être prouvé, si les expériences sur les NDE s’avèrent concluantes.
- En mathématiques, de plus en plus de chercheurs, à l’instar de Alain Connes (médaille Fields de mathématiques) et Roger Penrose (peut-être l’un des plus grands esprits de notre temps) prétendent que lorsqu’ils font une découverte en mathématiques, ils VOIENT la solution, comme si toutes les mathématiques existaient déjà dans une sorte de monde platonicien des formes parfaites.
Ainsi les mathématiques existeraient en elles-mêmes ; elles ne seraient pas inventées par l’homme, mais découvertes.
Cela sans même parler de Gödel qui a montré que « la notion de vérité en mathématique est plus vaste que la notion de démonstrabilité », et que la logique ne peut pas reposer sur elle-même, qu’il existera toujours un « au-delà » de la logique.
Je ne vais pas parler en plus des phénomènes non-linéaires et de la théorie du chaos ; ce qui compte est que le message de la science à l’orée du XXIe siècle n’a plus grand-chose à voir avec la vision « classique » qu’elle avait un siècle plus tôt.
La vision classique avait une forte cohérence interne. Au « démon de Laplace » esprit omniscient (et purement théorique) qui pouvait connaître tout le futur et tout le passé (en vertu du déterminisme laplacien) répondait la « solution finale » de Hilbert permettant de résoudre toutes les questions de logique et l’« homme neuronal » de Changeux qui mettait à nu ce qui constitue le propre de l’homme. Ajoutons à cela une évolution dont le premier moteur est la lutte pour la vie et la survie du plus apte, un univers éternel, un temps et un espace cadres absolus du drame de notre existence et nous avons toute la vision classique.
La grande nouvelle de ce début de troisième millénaire c’est que cette vision classique est bien en train de s’effondrer dans tous les grands domaines où elle fut dominante. C’est cela qui fait la force du nouveau paradigme. Cela serait très différent s’il ne concernait qu’un ou deux domaines.